Histoire 3 : La gloire du sombrelance
- Prologue : Dix de perdus, un de sauvé.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
Le bal va bon train. Princesse danse avec le second du capitaine, un bel homme d’une trentaine d’années, grand et élancé, barbe bien taillée, des yeux d’un bleu étincelant. Ses mains aux longs doigts sont posées sur les hanches de la jeune femme. Princesse Isabelle Daranfort est la fille du gouverneur Jean-Baptiste-Lemoyne Daranfort, dirigeant de Port Pimousse, une jeune femme de dix-neuf ans aux cheveux d’or bouclés, au petit nez mutin, quelques taches de rousseur égayant ses fraîches joues, aux beaux et profonds yeux marron qui sont, actuellement, complètement plongés dans le regard azuré du commandant en second. Une fois la danse terminée, et alors que l’orchestre entame un autre morceau et que les autres passagers recommencent à se trémousser, ils vont s’asseoir tout deux sur un canapé, la main dans la main, tout sourire l’un et l’autre. À aucun moment leurs regards ne se dérochent l’un de l’autre.
« Il fait frais, commente Princesse en frissonnant.
-C’est tout à fait normal, Miss Daranfort, répond le jeune homme. Nous voguons actuellement à hauteur d’Eden Island.
-Vraiment ? Cette île de pirates ?
-Vous connaissez un peu les légendes sur Eden Island ?
-Non…
-Je vais vous en raconter quelques-unes. Par exemple, dès que le soleil disparaît de l’horizon, le brouillard se lève aux alentours de l’île, et masque complètement la vue. On raconte que ce brouillard est en fait créé par un énorme monstre marin qui serait endormi sous l’île. Et que le jour où il se réveillera, il créera un typhon si puissant qu’il attirera Eden Island avec lui au fond de l’océan…
-Fascinant. Et pour les pirates ?
-Les pirates ? Oh, la plupart restent cantonnés à Kar Kinos, leur port d’accueil. À vrai dire, c’est le seul endroit où il est possible d’accoster, sur cette île maudite. Le reste n’est que récif et falaise. Par contre, il existe une légende sur un vaisseau fantôme…
-Un vaisseau fantôme ? Comme c’est excitant !
-On raconte que lorsque la lune est à son plus haut, une épave fendant l’eau s’approche des navires et les éperonne, tandis qu’un équipage depuis longtemps disparu aborde le bateau et massacre les malheureux matelots qui s’y trouvent.
-C’est horrible !
-Mais ne vous en faites pas, ce n’est qu’une légende, mais même les pirates en ont peur…
-Quel est le nom de ce navire ?
-On l’appelle le Glory of Darkspear, jadis commandé par un pirate si violent et si cruel que, alors que son équipage et lui coulaient au fond de l’eau suite à une tempête, les démons eux-mêmes s’en seraient pris d’affection et l’auraient gratifié d’immortalité pour lui permettre de continuer à perpétrer ses carnages. ».
Dans le noir, deux yeux d’une couleur d’ambre surveillent la scène. « Franchement, elle aurait pu trouver mieux comme histoire… ».
Le commandant en second invite Princesse pour une nouvelle danse, mais alors qu’elle se lève, elle trébuche et tombe par terre, à quatre pattes. Au même moment, le bateau subit une secousse, et un bruissement rapide s’entend. Une fine lame d’acier a traversé la salle d’un bout à l’autre, est s’est figée dans le mur, toute dégoulinante d’un liquide rouge sombre. Princesse regarde la salle. Tous les gens présents, une vingtaine environ, font des yeux énormes. Puis lentement, les uns après les autres, ils s’écroulent sur le sol, tranchés au niveau de la taille, dans une effroyable mare de sang. Tous, sauf Princesse qui était à quatre pattes, et le commandant en second, qui semble n’avoir reçu aucune blessure. La jeune femme hurle. Les portes de la salle de bal s’ouvrent, et laissent apparaître un Troll Sombrelance, fin et racé, sans cheveux, aux défenses recourbées, arborant sur le visage un maquillage tribal blanc et rouge. Instantanément, il détourne son regard d’ambre et porte un mouchoir à sa bouche.
« Pour l’amour du ciel, Valéria ! crie-t-il en s’étouffant de dégoût. Tu t’es crue dans le vaisseau de l’angoisse ?! ». Il vacille et se rattrape au mur pour éviter de tomber.
« Désolée, répond le commandant en second, mais le meurtre de masse, c’est plus rapide…
-Mais bon Dieu ! C’était trop horrible comme mort, ça !
-Ce qui compte, c’est le résultat. ».
Les cheveux du jeune homme s’allongent, s’épaississent. Son corps se transforme en celui d’une sublime blonde plantureuse aux yeux d’or. Princesse, ayant trouvé la force de se relever, fuit la scène d’horreur en passant par la porte de l’autre côté. Elle court, et court, et débouche sur le pont du navire.
Le brouillard obstrue complètement sa vue. Enfin, elle voit un des marins ! M. Milos.
« M. Milos ! » crie-t-elle en se jetant dans ses bras. Bras qui l’enserrent contre un vide trop gênant, avant qu’elle ne se rende compte avec un nouveau cri d’horreur qu’il ne reste effectivement que les bras de l’infortuné M. Milos. Brusquement, une épaisse corde écailleuse identique à une longue queue de reptile s’enroule autour de sa taille et la soulève dans les airs. La Créature amène la jeune femme au niveau de son visage, et lui chatouille le nez avec sa langue bifide.
Le Sombrelance descend dans la cale, où l’attendent déjà trois autres membres de son espèce, deux mort-vivants, deux orques, et un raptor aux écailles rouges flamboyantes.
« Tout est là, Biggo… fait un mort-vivant.
-Ah, enfin… » répond le pirate aux yeux d’ambre.
Il écarte la porte à double battant, et entre dans la cale. Une demi-douzaine de grosses caisses l’attendent, en plus d’un coffre au trésor. Il s’accroupit près du coffre, l’ouvre, et lentement, en sort une magnifique épée qu’il contemple béat.
« Settrah, Akorah… » souffle-t-il. Immédiatement, les deux mort-vivants s’approchent de lui.
« Transportez les caisses sur le Darkspear. On doit être parti dans moins d’une demi-heure.
-Qu’est-ce qu’on fait des survivants ? demande l’un des Trolls.
-Survivants ? Il y a des survivants à part Miss Daranfort ?
-Trois matelots et le capitaine.
-Coupez-leur la tête. Jetez tous les cadavres à l’eau. Laissez seulement leurs têtes sur le pont.
-Mais on n’aura jamais le temps de…
-C’est un ordre, Zarpuk. On doit avoir décroché le Darkspear dans une demi-heure. ».
Dans la salle de bal, Nestor ingurgite un thé bien chaud, au milieu de tous les cadavres, assis sur le canapé, les jambes croisées et les petits doigts levés. Valéria entre, un bandage blanc serré au niveau du front, agitant sa queue noire.
« Le colis a été déposé ? demande Nestor.
-Oui, répond le démon. Mnscrtch a placé la donzelle avec la vache et la poule. C’est un sort horrible qu’on lui inflige.
-Que voulez-vous ? Un Gobelin reste un Gobelin, et il a par conséquent des pulsions sadiques à satisfaire… Vous voulez du thé ?
-Non, merci. Niggoblin a fini ?
-Pas encore, il finit de charger les caisses sur le Darkspear. Bientôt, nos maîtres seront libres de fouler cette terre à nouveau, et nous serons les êtres les plus puissants du monde. Ne vous en faites pas, tout se passe comme prévu.
-J’ai failli y laisser ma peau, la dernière fois.
-La dernière fois, vous ne saviez pas. Maintenant, vous savez de quoi ils sont capables. »
- Chapitre 1 : World Troll Federation.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
La Côte d’Or ! Un endroit tout à fait sublime et agréable ! S’il existe un coin idéal à Cyrodiil pour passer ses vacances d’été, c’est bien là ! Le soleil y brille toujours quelle que soit la saison, il y fait chaud et puis, c’est au bord de la mer. Par contre, le voyage jusqu’à la Côte d’Or est particulièrement risqué : les chemins sont hantés par nombre de brigands, d’animaux sauvages, et de monstres plus ou moins (mais en général, moins) commodes. Notre récit démarre donc à Anvil, ville portuaire gouvernée par la gracieuse comtesse Milona Umbranox. Anvil est une belle ville. Les maisons sont vastes et originales. Le port, en revanche, est un lieu à ne pas fréquenter la nuit. Non pas qu’il soit malfamé, mais la plupart des marins qui y accostent y errent généralement complètement saouls et, par conséquent, assez peu responsables de leurs actes. Il s’agit toutefois d’un lieu où les rumeurs filent le plus vite, et les chasseurs de primes s’y rendent souvent, espérant, souvent avec raison, y dégotter quelque affiche de tête mise à prix. Vous l’avez deviné : les Protecteurs de Tamriel sont justement en mission du côté d’Anvil. Résumons la situation : trois mois se sont écoulés depuis l’affaire de la Forêt du Nord. Suite au fiasco total impliquant la destruction du temple ayléïde et l’extinction de la lignée royale, le royaume de Dalkia n’a pas eu d’autre choix que de destituer Luna de ses fonctions, la déchoyant donc de son statut de Capitaine. Cependant, cette décision n’a pas été si dramatique, puisque Luna a été “recueillie” par les Protecteurs de Tamriel, faisant d’elle la septième et dernière membre du groupe. Ou plutôt sixième, puisque le fondateur de l’équipe, le Tauren Grosmanu, l’a quittée il y déjà deux mois et demi. Toujours est-il que durant ces deux mois et demi, les Protecteurs de Tamriel n’ont pas chômé : ils ont passé le plus clair de leurs journées à essayer de démanteler un important réseau de trafic de drogues. Eh oui, même dans un monde fictif comme Cyrodiil, la drogue existe. Il s’agit du skouma, un produit hallucinogène particulièrement facile à synthétiser, difficilement décelable, se mêlant à tout et n’importe quoi. Il se présente principalement sous la forme d’un liquide similaire à de l’eau, d’où les ravages qu’il peut commettre. En général, une prise de skouma n’est pas mortelle, mais plonge le consommateur dans une transe vaudoue améliorant toutes ses caractéristiques physiques, mais le rendant victime de terribles hallucinations. Le skouma se trouve souvent dans de petits flacons de 50 millilitres. Et c’est là le principal danger qu’il représente : l’absorption d’une dose de skouma ne doit pas être suivie d’une autre durant les trois heures d’après. Les effets ne sont pas perceptibles immédiatement, mais le consommateur perd progressivement le contrôle de ses mouvements alors que se déclenche une hémorragie interne, s’ensuivent des difficultés respiratoires et une folie meurtrière, qui se terminent inévitablement par la mort brutale du sujet. Comprenez-moi bien, le skouma, produit à grande échelle, peut faire office d’arme biologique qui, entre les mains de terroristes, peut se révéler épouvantablement dangereuse.
Notre histoire débute alors que les Protecteurs de Tamriel ont finalement réussi à localiser le repaire du chef du réseau de skouma de Cyrodiil, Harlon Swatch. Harlon Swatch est un jeune Impérial, issu de la petite noblesse, ambitieux et cupide qui n’a pas hésité une seule seconde à s’encanailler pour amasser une fortune colossale. Fasciné par l’Histoire, il semble logique donc qu’il ait installé sa planque dans un fort abandonné, sur une falaise non loin d’Anvil, fort qui avait déjà auparavant servi de refuge à une ancienne troupe de bandits de grands chemins.
Les Protecteurs de Tamriel, donc, ont infiltré le repaire de Swatch. Par “infiltrer”, comprenez “donner un assaut violent”. Dans les couloirs du fort, les combats font rage et malgré leur supériorité numérique, les sbires de Swatch fuient. Finalement, les Protecteurs arrivent dans la salle principale, le bureau de Swatch, en éclatant au passage la lourde porte à double battant.
« C’est fini, Harlon ! lance Luna en pointant sa lame vers la tête du jeune homme. Ça fait deux mois qu’on te court après, cette fois tu ne peux plus t’échapper.
-Ouais ! renchérit Odhran. C’était malin de supprimer tes propres hommes pour éviter qu’ils parlent, mais ça a pas suffi ! Allez, Mickaël, passe-lui les menottes. ».
Mickaël s’approche de Swatch, mais ce dernier se lève brusquement de son siège en pointant une arbalète chargée vers le mage.
« Ne m’approchez pas ! crie-t-il.
-Allons bon, encore un qui finasse… lâche Quentin. Écoute, Harlon, facilite-nous les choses, s’il te plaît.
-C’est vrai, reprend Luna. Ne nous oblige pas à ramasser les bouts de ta tête sur les murs…
-Toi, la radasse, ferme-la ! ordonne Harlon.
-La… radasse ?
-La radasse ! s’exclame Mickaël en éclatant de rire. Ha ha ha ha ha ha ! La radasse ! Mort de rire, on te l’avait encore jamais faite celle-là !
-La ferme le gay ! lui crache Swatch.
-… Ok, bonhomme. Là, tu m’as cherché. ».
« J’ai pas trop compris ce qu’il s’est passé… » avoue Mickaël en se passant la main sur le front. Les Protecteurs sont hors du fort, en flammes à présent, et contemplent, impuissants, Harlon Swatch s’enfuir à toutes jambes.
« Eh bien, explique Thibault, il a pris son arbalète magique, et il a tiré dans la salle en face de son bureau, sur les caisses de skouma. Ca a explosé, je comprends pas… Pourquoi il a fait ça alors que tout était perdu pour lui ? Je veux dire, ok, ça lui a sauvé momentanément la mise, mais il a ruiné tout son travail, il a plus rien, maintenant.
-Certaines choses expliquent des attitudes parfois étranges, Thibault. » répond Luna en jetant à ses pieds un morceau de bois sur lequel sont gravées trois lettres : W T F.
« WTF ? demande Lauriane, interloquée.
-Ca veut dire quoi, WTF ? ajoute Thibault.
-Vous… Vous ne connaissez pas le WTF ? s’étrangle presque Luna.
-Bah non… C’est quoi, le “Wesh Trop Fin” ? Ou le Waaaah T’es Fini”… Ou encore What The F…
-Ce sont les initiales de World Troll Federation.
-La… pfffrrrrtttt… World Troll Federation ? pouffe Quentin. C’est complètement ridicule !
-Tu ne rirais pas si tu savais ce qu’est le WTF.
-Et c’est quoi, le WTF ?
-Je t’expliquerai quand on sera à l’auberge, rentrons. ».
Pendant que les Protecteurs de Tamriel se lèvent et se dirigent vers Anvil, laissez-moi vous expliquer ce qu’est le WTF.
Le WTF, ou World Troll Federation, est un puissant syndicat du crime d’une envergure égale à celle de la Kapitalrisk ou de la Guilde des Voleurs. Comme l’indique son nom, il s’agit d’une organisation plus ou moins raciste, dont le but premier est de promouvoir les Trolls Sombrelance au sein des sociétés. Le WTF est par conséquent essentiellement composé de Trolls Sombrelance, en tout cas les grades supérieurs sont exclusivement réservés aux Sombrelance. Un chef à l’identité inconnue gère tous les méfaits de l’organisation, qui sont répartis sur toute une zone d’influence découpée entre quatre parts. Chacune de ces parts est le territoire d’un lieutenant, et chaque lieutenant a sous ses ordres une vingtaine de capitaines. Les activités du WTF sont diverses et variées : meurtre, kidnapping, vol à l’étalage, racket, cambriolage de grande envergure, piraterie, pillage, trafic de drogues, trafic d’armes, trafic d’êtres vivants, proxénétisme, vente d’esclave, et terrorisme sont le lot commun d’un sbire du WTF. L’avantage de faire partie du WTF, c’est que vous êtes bien protégé, bien rémunéré, que vous avez une grande liberté d’action, entre autres choses. Le gros désavantage, c’est l’épée de Damoclès qui est constamment suspendue au-dessus de votre tête. En effet, la mort d’un agent du WTF est le plus souvent violente, rapide, et totale. Il disparaît comme s’il n’avait jamais existé. Si sa mort est au contraire très lente et douloureuse, c’est qu’il est vraiment détesté de ses pairs. Une bien étrange organisation, donc.
Les Protecteurs de Tamriel sont assis autour d’une table ronde, dans l’auberge où ils logent actuellement, “Aux Armes Du Comte”, tenue par le vieux Wilbur, un Rougegarde un peu bourru mais fort sympathique, et qui ne cache pas sa passion pour l’œnologie.
« Wilbur ! lance Odhran. Il vous reste un Frères Surilie, cuvée 399 ?
-Oui, bien sûr, je vous l’apporte.
-Merci ! Bon, on en était où ? Oui, le WTF. Ouais, c’est rien de plus qu’une mafia, quoi.
-Vous ne semblez pas prendre au sérieux la menace que peut représenter le WTF… soupire Luna.
-Eh, Luna ! Je te ferai remarquer qu’on a quand même vaincu Lumiya, Arx Fatalis, son armée de gobelins frappés, Magigor, Wargor, un succube et une horde d’homme-bêtes enragés. Et je ne parle pas des gars d’Harlon Swatch !
-Ca ne vous intrigue pas que ces caisses aient explosé ?
-Bah il a tiré un carreau enflammé…
-D’accord, mais le skouma n’est pas inflammable.
-C’est vrai, tiens.
-S’il a détruit son stock, c’est qu’il avait une bonne raison. Je pense qu’il aurait préféré se rendre, le WTF serait venu le libérer…
-T’as raison, c’est très étrange… Et où est-ce qu’il a bien pu partir ? Il peut être n’importe où, maintenant…
-Demain, on ira voir au port, peut-être que les marins savent quelque chose. C’est sans doute l’endroit où les gens seront les plus susceptibles de nous apporter des réponses.
-Bon, Wilbur, elle vient cette bouteille ? ».
La nuit est tombée sur Port Pimousse. Harlon Swatch fuit dans la rue fébrilement éclairée par les trop rares lampadaires. Il dévale l’escalier, traverse le petit pont, se réfugie dans une ruelle sombre pour reprendre son souffle. Mais déjà, il doit repartir. La créature derrière lui est infatigable. Il fait tomber des caisses et escalade un muret, puis repique à droite. Mais soudain, quelque chose lui bondit sur le dos, et le fait trébucher par terre, lui faisant violemment heurter le sol pavé avec son visage. Un individu s’avance près de lui.
« Au pied, Jack… ». Le raptor sur le dos de Swatch desserre ses griffes et s’approche de l’individu.
« Relève-toi, Harlon… Tu me fais pitié.
-Biggoblin… Je peux tout t’expliquer, je…
-Relève-toi. ».
Harlon essuie le sang sur son visage, et se remet debout. Il tremblote. Le Sombrelance, dont les yeux d’ambre brillent de mille feux, esquisse un petit sourire et s’assoit sur un petit muret.
« J’attends tes explications, Harlon. Et dépêche-toi, Jack n’est pas aussi patient que moi… fait le Troll en caressant la tête de son raptor.
-Ils m’avaient trouvé, je n’ai pas pu faire autrement. J’ai mis le feu la réserve pour qu’ils ne découvrent pas que…
-Qui ça, “ils” ?
-Les Protecteurs de Tamriel.
-Vraiment ?
-Je t’assure, Biggo ! Je, j’ai…
-Paniqué.
-Je suis désolé ! ». Il tombe à genoux en geignant et en joignant ses mains en signe de supplication.
« Ce n’est pas grave, Harlon, fait Biggoblin. Le skouma n’était qu’un moyen de gagner de l’argent comme un autre. Le skouma, le brouillecaboche, ce sont des drogues facilement synthétisables.
-J’ai brûlé la réserve pour qu’on ne puisse pas nous associer au WTF !
-Je sais, j’aurais fait pareil. S’ils avaient découvert ce que tu avais inventé, l’organisation aurait été privée d’une puissante arme. Mais, tu aurais dû te laisser prendre, on serait venu te chercher.
-Je…
-Franchement, Harlon, pourquoi es-tu là ? Pour me prévenir que les Protecteurs de Tamriel vont bientôt venir ici, mmh ? Allons, allons… Je ne supporte pas qu’on me prenne pour un imbécile.
-Mais je…
-Tu veux savoir, Harlon ? Si je t’ai recruté, c’est parce que j’appréciais beaucoup la façon dont tu menais tes affaires. Ton pragmatisme me plaisait beaucoup. Oui, franchement, j’ai confiance dans la future génération de bandits. Mais il y a un truc qui me gêne… ».
Il se lève du muret, et s’approche de Swatch, et lui assène un violent coup de pied dans le visage, envoyant le jeune homme s’étaler sur le dos.
« C’est que vous autres, les jeunots, vous avez absolument aucun rêve. Vous ne jouissez de rien, vous ne prenez pas le temps d’apprécier le goût des choses, le goût des gens. Aucune sensibilité. Vous ne pensez qu’à faire du fric. Tu ne penses qu’à faire du fric, Harlon. Et moi, ça ne me plaît pas.
-Mais Metagoblin approuve ma…
-Laisse Metagoblin et ses petites affaires tranquilles. Je suis ton responsable direct, Harlon, pas Metagoblin. Mets-toi ça dans la tête.
-Mais, Biggo…
-J’ai très envie de te tuer, tu sais. Je meurs d’envie de te couper la tête, de l’accrocher à la figure de proue du Darkspear, et de jeter ton corps amputé en pâture aux chiens… Cependant, j’ai encore besoin de toi… C’est triste. ».
Le lendemain matin, les Protecteurs de Tamriel se rendent au port d’Anvil, et entament leur enquête, tentant de savoir si Harlon Swatch a oui ou non pris la mer. Ils se séparent pour essayer d’être plus efficaces. En se dirigeant vers un navire, Luna s’arrête, son regard attiré par un avis de recherche. Elle reconnaît sans peine, peint dessus, le visage grimé du pirate aux yeux d’ambre.
« Il vous intéresse, Mam’zelle ? demande un homme.
-Qui ça ?
-C’gaillard-là. Faites ‘tention, mam’zelle. Çui-là, c’t’un vrai dur de dur.
-Je sais…
-D’t’façon, c’est moi qui l’aurai le preum’s.
-Vous êtes chasseur de primes ?
-Ouaip, chuis Shark Quint, chasseur de pirates professionnel, ma p’tite dame. A vot’ service.
-Oh… Vous en avez capturé beaucoup ?
-Houlà ! J’les compte mêm’p’us ! Mais c’t’gaillard-là, c’t’un costaud. Si j’t’m’l’capture, j’deviens célèbre et richissime !
-Excusez-moi de détourner un peu la conversation, mais est-ce que vous n’auriez pas vu un homme d’une vingtaine d’années, grand, blond, habillé de vert clair et de bleu ?
-‘Tendez voir… Un jeunot, là… Ouais, comment qu’y s’app’lait, d’jà… Switch… Swatch, je crois.
-Oui, Harlon Swatch.
-Ouais, j’vois qui c’est. On a causé un peu hier soir. Y cherchait un bateau, pour se rendre à Port Pimousse.
-Il vous a dit ce qu’il voulait y faire ?
-Mmmh, nan, pas que j’m’rappelle. Attendez, si. Il a parlé de c’te gaillard-là, Biggoblin. ».
Les paupières de Luna s’arrêtent subitement de cligner et s’écarquillent avec effroi.
« Bi… Biggoblin ? Ce pirate-là ? demande-t-elle d’une voix tremblotante en montrant l’avis de recherche.
-Ouaip, Biggoblin le pirate. Chais pas c’qu’il est allé s’encanailler avec c’te racaille, le p’tit Swatch, mais il avait l’air de ben l’connaître.
-Il ne vous a rien dit d’autre ?
-Nan, après tout, chuis chasseur d’pirates, il m’aurait pas tout déballé.
-C’est vrai… Bon, eh bien, merci, et bonne chasse…
-M’ci ma p’tite dame ! À la r’voyure ! ».
Luna lui fait un sourire gêné, et s’en va retrouver ses compagnons.
« T’as fini de draguer ? lui lance Mickaël.
-Il m’a dit qu’il trouvait que t’avais un joli p’tit cul…
-Mais… mais c’est fini ?! C’est quoi ces allusions stupides ? Ça fait des mois que ça dure !
-Je dis ça comme ça.
-Tu dis beaucoup de choses comme ça… ». Luna lui tire la langue d’un air tout à fait enfantin, ce qui fait sourire le mage.
« Bon, on a quoi ? demande Thibault.
-Il est parti en direction de Port Pimousse, répond Luna.
-Hier soir, continue Lauriane, à bord du vaisseau L’éveil du Serpent. Il faudrait qu’on trouve un navire qui nous y amène également. Y a quels navires au port ?
-D’après le registre, répond Quentin, y a l’Adrian, le Thousand Sunny, et le Marie Elena. L’Adrian ne lève l’ancre que dans quatre jours, le Thousand Sunny est dirigé par un équipage de vrais dingues bien dangereux.
-Reste donc le Marie Elena. Même si ses marins ont pas l’air trop commodes. Après tout, c’est le navire de Gaston Tussaud…
-Gaston Tussaud ? Mais c’est un des pirates les plus dangereux qui soient !
-Qui ne tente rien n’a rien… ».
Ils pivotent, et s’approchent d’une Elfe Noire sur le quai, postée comme un officier militaire devant le Marie Elena.
« Bonjour ! lance Mickaël.
-Bonjour, répond sèchement la femme.
-C’est votre navire ?
-Il est beau n’est-ce pas ? C’est le Marie Elena. Un sacré bon bateau, avec un sacré bon équipage. Je suis bien placée pour le dire, je suis quartier-maître. Je m’appelle Malvulis. Alors croyez-moi quand je vous dis que nous n’aimons pas les gens qui ne se mêlent pas de leurs affaires. Si vous traînez près de ce bateau, croyez-moi que vous le regretterez.
-Mais, écoutez, Malvulis, on vous veut pas de mal… On se demandait juste si vous accepteriez de nous prendre à votre bord.
-Non mais et puis quoi encore ? On est des pirates, pas des passeurs.
-Désolé, on ne faisait que s’informer… On pourrait au moins parler au capitaine Tussaud ?
-Le capitaine Tussaud est mort depuis déjà un an.
-Oh…
-Assassiné par la Confrérie Noire. Paix à son âme.
-Et qui dirige l’équipage alors ?
-C’est moi, en attendant qu’on trouve un nouveau capitaine.
-Vous ne pouvez pas prendre la relève ?
-Moi ? Vous rigolez ! Jamais des pirates n’obéiraient à une femme capitaine !
-Bon, merci quand même… ».
Finalement, les Protecteurs de Tamriel se retranchent à la taverne du Bol Flottant pour boire un coup, et surtout pour faire le point.
« Bon, résumons. Harlon Swatch fait en fait partie d’une organisation criminelle terroriste nommée WTF. On sait qu’il dealait du skouma à des fins inconnues, et qu’il avait synthétisé un produit dont nous n’avons pas pu nous emparer… commence Thibault.
-Ensuite, continue Lauriane, on sait qu’il s’est enfui vers Port Pimousse, qui est un port réputé pour être plutôt dur envers les criminels.
-Et enfin, finit Luna, on sait qu’il est placé directement sous les ordres de Biggoblin. ».
Silence.
« Euh… de qui ? ose demander Odhran en levant timidement la main comme pour demander la parole.
-Mais… Biggoblin ! Vous… Vous connaissez pas Biggoblin non plus ? Mais vous êtes effrayants ma parole ! Vous sortez jamais de chez vous ?!
-C’est qui Biggoblin ?
-Biggoblin Raptorclaw ! Un Troll Sombrelance.
-Un Sombrelance ? Oh la racaille… Oh la RACAILLE… OH LA RACAILLE ! ».
Soudain, Malvulis s’assoit à leur côté en tirant une chaise.
« Vous venez de parler de Biggoblin Raptorclaw, là, non ? fait-elle en frappant la table de sa chope de bière.
-Euh, oui… Vous connaissez ?
-Si je connais ? Biggoblin est une légende chez les pirates. Si vous voulez mon avis, c’est un vrai fils de p…
-On va s’en passer. Qui c’est, ce Biggoblin Raptorclaw ?
-C’est un des pirates les plus coriaces qui soient. Et un vicieux avec ça.
-Il est fort ?
-La prime sur sa tête s’élève à 110'000 septims.
-C’est exorbitant !
-Ce n’est pas étonnant quand on connaît ses méthodes. Il aime bien tout ce qui est macabre, d’ailleurs ça se voit bien sur sa frégate, le Glory Of Darkspear. Mais il est surtout connu pour ses pièges et ses plans tordus.
-Et ils fonctionnent ?
-Toujours. S’il devait y avoir une personne qui serait rejetée hors des Enfers, ça serait lui. Pour Biggoblin, la fin justifie les moyens, c’est aussi simple que ça. Il massacre, pille, et vole comme pas permis. Même pour des standards pirates, pourtant plutôt laxistes, il est reconnu comme étant peu recommandable.
-Et en plus de ça, renchérit Luna, j’ai cru comprendre qu’il faisait aussi partie du WTF. Et il y a fort à parier qu’il occupe une position élevée. Donc s’attaquer à lui reviendrait à déclarer la guerre à une super organisation criminelle.
-Attends une minute, la coupe Lauriane. Qui a dit qu’on devait s’attaquer à lui ? Notre mission, c’est mettre la main sur Swatch et l’empêcher de nuire.
-Oui, mais si Swatch se réfugie auprès de Biggoblin, il faudra l’affronter.
-Pas faux.
-Mais t’as raison, c’est pas nos affaires. Et puis, Grosmanu serait pas content…
-Hein, pourquoi Grosmanu ?
-… Vous ne saviez pas ?
-Non, quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
-S’il est venu à Cyrodiil, c’est parce qu’il avait été chargé de capturer Biggoblin. C’est pour cette raison qu’il a quitté le groupe. ».
Faisons quelques secondes le point sur le bien-nommé Biggoblin Raptorclaw. Biggoblin est un troll Sombrelance né sur une île située entre Kalimdor et les Royaumes de l’Est. Dès sa venue au monde, il est baigné dans l’atmosphère vaudoue et superstitieuse du clan Sombrelance. Dans sa jeunesse, il fait la connaissance de Grosmanu, de quatre ans son cadet. Ensemble, ils étudient et choisissent la voie des chasseurs mais très vite, Grosmanu surpasse son ami dans bien des domaines, ce qui a tendance à créer une certaine jalousie de la part du Troll. Pour compenser ses nombreuses faiblesses, Biggoblin apprend à manier de nombreuses armes et renforce le lien spirituel qu’il a développé avec le raptor qu’il a apprivoisé, Jack. Cependant, un jour, Biggoblin finit par passer du mauvais côté et commence à commettre des crimes variés, jusqu’à ce qu’il se fasse repérer par le WTF. La suite, vous la connaissez.
En termes de personnalité, Biggoblin est bien différent de ses congénères Sombrelance. En effet, la magie et le vaudou ne signifient rien à ses yeux. Pour Biggoblin, seuls comptent les armes, les pièges et la technologie. Calculateur et retors, il s’agit d’un redoutable individu à la hauteur de sa triste réputation.
Ayant un compte à régler avec le Sombrelance, le quartier-maître Malvulis accepte finalement de transporter les Protecteurs de Tamriel jusqu’à Port Pimousse. Le Marie Elena est une toute petite corvette, ou un grand voilier selon les points de vue, abritant un petit équipage de six hommes et leur quartier-maître. Alors évidemment, quand ils accueillent les Protecteurs de Tamriel, soit six passagers, tout le monde se retrouve un peu serré, et nos mercenaires de luxe se retrouvent cantonnés sur le pont, à côté de Malvulis qui tient la barre.
« C’est quoi, en fait, Port Pimousse ? demande Quentin.
-C’est la capitale de l’Île des Désirs, répond Thibault en sortant la tête de son livre.
-C’est donc ça, l’île des Désirs ? demande Lauriane. Pourquoi on l’appelle comme ça ?
-Il paraît que sur cette île, tous tes désirs deviennent réalité.
-Vrai ? On va pouvoir se débarrasser de Luna ? » demande Mickaël.
La réaction de la jeune femme ne se fait pas attendre.
« Un homme à la mer ! crie Malvulis. Lancez-lui une corde ! ».
Il faut quelques minutes pour que les matelots remontent le mage à bord du Marie Elena.
« Imbécile… ». Mickaël grelotte tandis que les marins l’enrobent de serviettes.
« Fallait pas me provoquer, lui répond narquoisement Luna en tirant la langue.
-Je vais te la couper, cette langue.
-Tu m’en diras tant. Bon, on arrive bientôt ?
-Une heure environ, répond Odhran en finissant sa chope de bière.
-N’empêche, fait Luna, ça a l’air d’être un coin sympa.
-Comme je le disais, Port Pimousse est la capitale de l’île des Désirs, explique Thibault. C’est là que résident le gouverneur Jean-Baptiste-Lemoyne Daranfort, JBL pour les intimes, et sa fille, Princesse.
-Princesse ? Drôle de prénom…
-Port Pimousse est très proche d’Eden Island, le plus gros repaire de pirates de la région. Mais Port Pimousse n’est jamais attaqué à cause du marché aux esclaves…
-Un marché aux esclaves ?
-Oui, à Port Pimousse, les gardes arrêtent n’importe qui n’importe quand n’importe où pour ensuite le vendre au marché aux esclaves.
-… Mais c’est illégal, la vente d’esclaves ! Le gouverneur ne fait rien ?
-Non, il la cautionne même. Ca permet de maintenir l’équilibre entre les citoyens et les pirates. En général, les pirates n’ont pas beaucoup de moyens, et les esclaves ne sont pas vendus très chers… Mais si jamais un pirate dégotte, mettons, une personne de haut rang, ou bien une créature magique rarissime, il peut devenir milliardaire en un claquement de doigt.
-Et combien tu crois qu’on pourrait se faire en vendant Luna ? demande Mickaël. ».
La réaction de la jeune femme ne se fait pas attendre.
« Un homme à la mer ! crie Malvulis. Lancez-lui une corde !
-Bon, reprend Luna. On en était où ?
-Faudra faire très attention, une fois là-bas. Oh, et aussi, il faut s’écarter du chemin du gouverneur et de sa fille.
-Sinon ?
-Sinon, direction le marché aux esclaves…
-Au moins, c’est expéditif. Et personne se rebelle ?
-Non, jamais. Sinon, c’est direction le marché aux esclaves.
-Ooooook… Je me demande ce que Swatch est allé foutre dans un coin pareil…
-Moi aussi. Mais s’il y est allé, il y a fort à parier pour que Biggoblin y soit aussi. Il doit préparer un mauvais coup. ».
Pendant ce temps-là, à Port Pimousse.
Biggoblin est assis à la terrasse ensoleillée d’un bar, sirotant un verre d’eau glacée. Un guitariste gratte les cordes de son instrument avec une délicatesse surprenante au vu de ses doigts épais. Un jeune homme très beau est assis en face du Troll, et lui, boit un verre de vin rouge. Le chanteur se met à chanter doucement sa complainte d’amour dans une langue que seuls les personnes les plus instruites pouvaient prétendre comprendre, et encore :
E ju bruciu d´amuri
Focu ca si consuma
Comu lu me cori
L´anima chianci
Addulurata
Non si da paci
Ma cchi mala nuttata
Lu tempu passa
Ma non agghiorna
Non c´e mai suli
S´idda non torna
Brucia la terra mia
E abbrucia lu me cori
Cchi siti d´acqua idda
E ju siti d´amuri
Acu la cantu
La me canzuni
Si no c´e nuddu
Ca s´a affacia
A lu barcuni
Brucia la luna n´cielu
E ju bruciu d´amuri
Focu ca si consuma
Comu lu me cori… »
« C’était sa chanson préférée, explique doucement le pirate.
-Je vois…
-Non, Val, tu ne vois pas.
-Ne m’appelle pas Val.
-Pardon… Dominic. C’est vraiment ridicule, comme patronyme, Dominic Travelian. Capitaine Travelian ! Ça ferait presque James Bond, à une lettre près…
-James qui ?
-Laisse tomber… T’es là pour t’assurer que le travail est bien fait, “Dominic”, pas pour chercher à comprendre des choses qui te dépassent. Tu peux dire à ton maître que…
-Nos maîtres.
-Tes maîtres. Je fais une différence entre le contrat de nécessité et le contrat à vie. Donc, je disais… Oui, tu peux dire à tes maîtres que tout est en bonne voie. Le travail est presque terminé, il ne me reste plus qu’à trouver l’épée.
-Et qu’est-ce que tu fais là au lieu de la chercher ?
-J’ai des… affaires à régler avec le gouverneur Daranfort.
-Avoir sa fille ne te suffit pas ?
-Non. JBL a beaucoup de choses qui m’intéresseraient beaucoup beaucoup beaucoup.
-Ça te perdra, Niggoblin. Tu veux toujours trop.
-Occupe-toi de faire la chienne auprès de tes maîtres et de réclamer ton petit os à ronger, et laisse-moi à mes affaires !
-Biggoblin, parle plus bas, on pourrait bien nous entendre.
-Le monde n’est pas prêt pour tes paroles tendres. Le monde n’est pas prêt pour nous. Il dirait simplement que nous sommes fous.
-Hein ?
-Simple réflexe. ».
Le Troll avale sa dernière gorgée d’eau glacée, et se lève en jetant quelques piécettes sur la table avant de tourner le dos au jeune capitaine Travelian. Il siffle, et un raptor d’un mètre de haut se précipite soudain à ses côtés.
« Allez viens, Jack. Il est grand temps d’aller voir JBL… ».
- Chapitre 2 : Le ravage de Port Pimousse.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
« Ah, Port Pimousse ! Port Pimousse ! Port Pimousse dont les bras aimants étreignent les hanches de son amante la mer ! Port Pimousse où les artistes viennent prendre leur plus profonde et sublime inspiration ! Port Pimousse où…
-Port Pimousse où règnent le stupre et la luxure…
-Ah, ça va, Luna !
-Écoute, Mickaël, j’y peux rien si c’est le quartier général de la prostitution, du viol, du vol, et du meurtre…
-Mais non, t’inventes, là ! Regarde-moi cette belle ville ! Cette pierre si blanche et si pure ! Ces maisons si vastes et si originales !
-Ces gens si pauvrement habillés… Cette petite fille qui fait la manche…
-Hmpf… Mais regarde-moi ces femmes si fraîches ! Ces corps si artistiques ! Si chaloupés !
-Ces femmes qui n’ont plus aucune expression de vie dans leurs yeux…
-Raaaah… Bon, bougeons, tu m’énerves. ».
Les Protecteurs de Tamriel arpentent les rues sans savoir vraiment où commencer leur recherche d’Harlon Swatch. Ayant laissé Malvulis et le Marie Elena au quai, ils entrent dans un bar appelé “Le Veau des Mers”. Comme d’habitude maintenant, les Protecteurs vont s’asseoir à une table tandis que Mickaël va s’accouder au comptoir.
« Hey, lance-t-il au tenancier.
-Eh bien me voilà ! répond joyeusement l’intéressé. Alors, hé hé, qu’est-ce que j’vous sers ?
-Un renseignement, pour commencer.
-Bien sûr, que voulez-vous savoir ?
-Mes compagnons et moi-même recherchons un dénommé Swatch… Harlon Swatch. Vous l’auriez pas vu, des fois ? Un jeune homme d’une vingtaine d’années, grand, blond, avec des vêtements vert flashy.
-Mmmh… Non, désolé, ça ne me dit vraiment rien.
-Bon… Servez-moi un petit verre de rhum, tiens.
-Tout de suite Monseigneur ! ».
Le barman lui tourne le dos lui prépare sa boisson, qu’il lui sert, et s’en va s’occuper d’autres clients. À cet instant, une jeune femme vient s’asseoir à côté de Mickaël, écartant ouvertement ses jambes et remontant sa jupe, dévoilant ses jambes nues.
« Salut beau brun…
-Pourquoi faut-il qu’elles commencent toutes par ça ? Salut belle blonde.
-Tu chercherais pas quelqu’un des fois ?
-Si, Harlon Swatch.
-Oh oh, tu cherches le jeune Harly…
-Tu sais où il est ?
-Peut-être bien… Qu’est-ce que je gagne si je te dis où il est ? demande-t-elle en lui caressant la joue d’un doigt.
-Mmh, eh bien… Qu’est-ce que tu voudrais ?
-Rien du tout ! » fait soudain Luna. La jeune femme attrape l’inconnue par les cheveux et la jette par terre. « Casse-toi vautour ! crie-t-elle. Que je ne t’y reprenne pas à essayer de piéger mes camarades ! ». L’inconnue se relève et s’enfuit sans demander son reste.
« Ca va pas Luna ?! s’étrangle le mage. Elle pouvait nous mener à Swatch !
-Elle allait te plumer, oui ! Je les connais, ces filles-là, c’est des rapaces !
-Hé mais… Tu serais pas en train de me faire une crise de jalousie, là ?
-Hein ?! Mais c’est stupide comme remarque !
-Oh, moi je dis ça comme ça…
-Tu dis trop de choses comme ça ! vocifère-t-elle.
-Quelle férocité… ».
Le Sombrelance finit de gravir la petite colline, et arrive juste devant le palais du gouverneur. Jack grogne doucement, ce qui fait ricaner Biggoblin.
« Elle est pas mal, celle-là, Jack. Je la connaissais pas. ».
Ils traversent rapidement la petite place, et vont frapper à la porte. Il est immédiatement reçu par un majordome et deux gardes qui l’ordonnent de reculer. Le Sombrelance s’exécute, et demande à voir le Gouverneur. Le majordome rentre dans le bâtiment tandis que les deux gardes tiennent toujours Biggoblin à distance avec leurs lances. Enfin, le Gouverneur, lentement, sort du palais, et s’approche de son étrange visiteur, l’un dévisageant l’autre. Jean-Baptiste-Lemoyne Daranfort est un homme barbu d’une cinquantaine, voire une soixantaine, d’années, aux cheveux soigneusement peignés et tressés. Très richement vêtu, arborant un lourd manteau rouge, de multiples bagues et colliers en or, des mocassins finement cousus, il lance un regard agressif au Troll. Ce dernier en revanche contraste presque humoristiquement avec l’allure sévère et sérieuse du Gouverneur. Le Sombrelance porte un haut sans manche, un pantalon des bottes et des gants en cuir clair. Son visage est tout maquillé de blanc, hormis la mâchoire inférieur et son front qui sont colorés d’un rouge pourpre. Ses yeux de couleur d’ambre renvoient au Gouverneur un regard étrangement… déçu, et pourtant perturbant.
« Qu’est-ce que vous voulez, Raptorclaw ? demande le Gouverneur.
-Allons, Gouverneur, c’est affaire est entre vous et moi. Écartez vos chiens de garde, je n’ai pas envie que Jack finisse embroché par leurs petits jouets.
-Hors de question. Parlez ou partez.
-Désespérant. Je voulais juste vous prévenir que j’avais votre fille.
-Vous y avez mis le temps.
-J’aurais voulu un peu plus d’émoi dans votre réponse, JBL.
-Appelez-moi M. le Gouverneur.
-Gnagnagna. J’en fais quoi, moi, de votre rejeton ?
-Ce que vous voulez. L’important, c’est qu’elle ne revienne jamais ici. Pas tant que mon enfant n’aura pas pris la succession.
-Oh… Ok… Et…
-Quoi ?
-J’ai entendu par-ci par-là, mon cher BHL, que vous aviez un grand nombre d’objets de valeur dans votre demeure, et… Vu les risques que j’encours en vous rendant ce petit service, je pensais que…
-Non. Hors de question. Déguerpissez, rat. Déguerpissez tout de suite ou j’ordonne à mes hommes de vous arrêter et de vous faire pendre pour vos crimes.
-Ils n’écoutent jamais… Attends, Jack, pas tout de suite. Écoute, PPD, t’es bien gentil, mais là ça commence à bien faire. Allons droit au but : il y a chez toi quelques trucs qui m’intéressent beaucoup, et je veux, non, je vais les prendre. Donne-les moi, sinon je vais devoir les prendre par la force, et aucun de nous deux n’aimerait que ça se termine comme ça. ».
En entendant ceci, le Gourverneur éclate d’un rire franc.
« Sale pirate, tu oses me menacer ? Sur ma propre île ? C’est pathétique ! Dégage !
-Je t’ai prévenu, VDM.
-Et tu vas faire quoi, hein ? Tu n’as pas d’armes, tu n’as pas de pouvoir magique !
-Non, en effet. Mais…
-Mais quoi ?
-Mais je suis, comme qui dirait, un criminel distingué. Mon navire mouille actuellement juste devant le quai de Port Pimousse. Dans quelques minutes, mes pirates vont ravager votre ville à coups de canon. Avant ce soir, Port Pimousse ne sera plus qu’un champ de ruines. Ouh, rien que d’y penser, ça me donne envie de m’asseoir là et de manger des pop-corns en regardant ce qu’il va se passer. Bref. Ou bien vous me donnez ce que je veux, je les avertis, et on se quitte en bons termes, ou bien je vous fais votre fête. Et croyez-moi, vous allez pleurer.
-Qu’est-ce… c’est du chantage ! Je ne céderai pas face à une raclure de ton genre ! Tuez-le ! ».
À cet instant, deux carreaux d’arbalète fusent de derrière Biggoblin et abattent les deux gardes. Trois autres Trolls sautent du mur d’enceinte et rejoignent Biggoblin et Jack. Pris de terreur, le Gouverneur Daranfort s’enfuit et s’enferme dans son palais.
« Baggy, Zarpuk, Jacktroll… murmure Biggoblin.
-Oui Biggo ? demande le dénommé Zarpuk.
-On va se séparer. Baggy, retourne au navire, et fait en sorte qu’Harlan rencontre les Protecteurs de Tamriel. Mais pas de trop près. Zarpuk, et Jacktroll, vous venez avec moi, on va se servir nous-mêmes. Oui, bien sûr, Jack aussi, tu viens.
-Qu’est-ce qu’on cherche ?
-Un joli et clinquant trésor… Oh, et je pense qu’on va emmener notre ami CDD avec nous. Ça lui apprendra à me traiter comme un vulgaire voleur. ».
« Et moi je te dis que t’es jalouse !
-La ferme !
-Jalouseuh !
-Je vais te décoller la tête !
-T’es jalouseuh ! Mort de rire, j’y crois pas !
-Mickaël !
-Elle est jalouseuh ! Elle est jalouseuh ! ».
L’instant d’après, les dents de Mickaël font une rencontre brutale avec le comptoir. Véritablement furieuse, Luna retourne se rasseoir à la table de ses compagnons, laissant Mickaël seul se malaxer la mâchoire. Dans un coin, des musiciens entament un morceau de musique tandis qu’une danseuse peu vêtue commence à frétiller des hanches. Des clients entrent et sortent régulièrement.
« Dites-moi, fait Mickaël au barman. C’était qui la femme de tout à l’heure ?
-Oh, c’était Aliza. Beau brin de femme, hein ? Mais c’est une vicieuse, celle-là. Les rumeurs disent qu’elle était autrefois une belle dignitaire étrangère, mais qu’une attaque de pirates lui a tout fait perdre. Des flibustiers auraient tué son père et son frère et l’auraient complètement dévalisée.
-Vraiment ?
-Ce ne sont que des rumeurs. Mais comme pour toutes les rumeurs, il y a toujours un peu de vrai dedans.
-Je vois…
-Tiens, justement, la revoilà. Oh… ».
En effet, Aliza rentre dans la taverne, au bras d’un Troll Sombrelance vêtu d’orange et de jaune, au nez peint en rouge. La jeune femme montre Mickaël du doigt, et immédiatement, le Troll s’approche de lui et l’attrape par le cou.
« C’est toi qui a jeté Aliza ? grogne-t-il.
-B-Baggy ! bégaye le barman. Je… Je veux pas de grabuge ici !
-Réponds ! crie le Troll. ».
Il pivote brusquement et envoie Mickaël voler hors du bar. Le mage atterrit dans la rue en roulades, et s’étale de tout son long sur le sol, aux pieds de Harlon Swatch. Le Troll sort du bar, agrippe le mage, et le cogne contre le mur. Il dégaine une dague, et affiche un sourire mesquin. Aliza se jette sur le bras du Troll.
« Baggy ! crie-t-elle. Ne fais pas ça !
-Mais bien sûr que si ! Lâche-moi ! rugit-il.
-Eh l’affreux ! » lui lance une voix derrière lui. Le Troll se retourne, et se reçoit un puissant coup de pied dans la figure de la part de Lauriane. Le Troll recule sous l’impact et se cogne contre le mur, lâchant Mickaël par terre. Mais très vite, Baggy se relève, et fait tourner plusieurs dagues autour de ses mains.
« Vous vous prenez pour qui ? demande-t-il.
-Je suis… Bruce Lau ! s’exclame Lauriane. Et ceci est ma partenaire, Jet Lu !
-Je… C’est nul vos noms ! crie Mickaël.
-Oh, ça va, hein… Eh mais… Regardez, c’est pas…
-HARLON ! REVIENS LÀ ! ».
Mickaël se relève, et se jette à la poursuite de Swatch qui s’enfuit à toutes jambes. Ses compagnons veulent l’imiter, mais Baggy leur barre le chemin.
« Pas si vite, les enfants…
-Non mais je rêve ou il croit qu’il fait le poids, lui ? demande Quentin, un peu étonné.
-Vous savez qui je suis, au moins ?
-Non, mais dis-nous, comme ça on pourra envoyer des fleurs à ton enterrement.
-Je suis Baggy ! Je suis membre de l’équipage du Glory of Darkspear, moi !
-Super, vous avez noté ? On lui enverra des orties. ». Quentin lève son arme et va l’abattre sur son adversaire, mais Luna s’interpose et l’empêche d’abaisser son bras.
« Non ne fais pas ça !
-Bah pourquoi ?
-Il fait partie de l’équipage de Biggoblin !
-Euh… et alors ?
-Eh bien alors Biggoblin viendra nous régler notre compte si on s’en prend à son équipage !
-Tu penses vraiment qu’un boss de la pègre comme ce Biggoblin va s’inquiéter de la disparition de l’un de ses subalternes ?
-Ah… Pas faux. Bon, tu lui fais sa fête ? Nous on va chercher Swatch. ». Le Troll sourit, et s’écarte pour laisser passer Luna, Lauriane, Odhran et Thibault, puis se met en garde pour affronter Quentin, toujours en faisant tournoyer ses multiples dagues.
« Rien que pour toi, siffle le Troll, je vais me surpasser.
-Je n’en attendais pas moins de ta part.
-Oh maï maï maï… C’est un défi ? Je te préviens, je ne suis rien de ce que tu as affronté jusqu’à présent.
-Je suis sûr que je suis aussi complètement différent de ce que tu as affronté jusqu’à maintenant.
-Oh maï maï… Nous verrons bien… ».
« Lâche-le Jack. ». Le raptor desserre ses puissantes mâchoires garnies d’innombrables crocs et relâche la gorge du majordome. L’homme agonisant est allongé dans une mare de sang. Biggoblin se craque les doigts, et entre dans le bureau du Gouverneur. Ce dernier l’attend en tenant fermement un gros sabre avec ses deux mains. Biggoblin soupire, et se contente de le défier du regard.
« Allons, Jean-Michel-Lépinay…
-Tu ne m’auras pas vivant, gangster !
-Réfléchissez une seconde. Votre palace est en flammes, votre personnel est en train de se faire dessouder. Dans quelques minutes à peine, votre ville va se faire raser. Il serait peut-être temps de réaliser l’ampleur des dégâts. Je sais pas, moi, faudrait peut-être vous réveiller maintenant. Allô, il y a quelqu’un dans la tête de JML ?
-Cesse de me railler, clown ! Je n’ai pas à parler avec un déchet d’Eden Island !
-BMW, s’il vous plaît, je ne suis peut-être pas très haut placé dans la hiérarchie du WTF, mais tout de même, je suis le maître d’Eden Island ! Certes autoproclamé, mais maître quand même.
-Qu’est-ce que tu me veux à la fin ?
-Il y a dans votre palace un bien que je convoite particulièrement. Un pinceau, précisément.
-Le Pinceau d’Illusions…
-Tout à fait. Ça, c’est pour mon plaisir personnel. Mais vous possédez d’autres choses qui m’intéressent. Une carte indiquant la position d’un trésor inestimable et une épée magique, du genre maléfique. Umbra.
-Non ! Je vous donne le pinceau et la carte si vous voulez mais pas Umbra ! Elle est trop dangereuse !
-Dites, je ne crois pas beaucoup en l’efficacité de la magie, je doute qu’Umbra ait la capacité de me posséder.
-Personne ne peut résister à la corruption d’Umbra.
-C’est pour cette raison que je vous emmène avec moi, vous allez m’apprendre.
-Quoi ?
-Vous avez bien entendu. ».
Le Gouverneur se retourne, et Jack lui bondit dessus, toutes griffes dehors. Biggoblin lui tourne le dos, et sort dans le couloir. Au loin, des détonations sourdes commencent à retentir. Il s’appuie à une fenêtre, et voit le Glory of Darkspear faire feu sur la ville. « Je suis tout près du but, Malika. Je suis tout près… Bientôt, je pourrai rentrer la tête haute au village. Tu verras, tu seras fière de moi. ».
« J’te tiens ! ». Mickaël saute et attrape les deux jambes d’Harlon Swatch, le faisant trébucher sur le sol.
« Il était temps Harlon ! J’en ai marre de te courir après !
-Lâche-moi ! Tu ignores qui je suis !
-Tu n’es qu’un misérable dealer ! ».
Ce n’est pas l’avis des gens autour. En effet, la foule s’écarte en murmurant quelque chose d’incompréhensible. À ce moment arrivent Lauriane, Odhran, Luna et Thibault.
« Ah tu l’as eu ! se réjouit Thibault.
-Bah oui, ça t’étonne ? rétorque le mage.
-Disons que dans le genre subtil, on a fait mieux… Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à nous regarder comme si on était des extra-terrestres ?
-Sais pas. Bon, debout, Swatch ! ».
Mickaël tire Swatch par le bras et l’empoigne par le col.
« On a deux-trois choses à se dire…
-D’accord d’accord d’accord, je vais tout dire. Mais lâchez-moi. ».
Mickaël soupire, et lâche le criminel. Ce dernier soupire de soulagement, se dépoussière, remet ses lunettes de soleil en place, se recoiffe, tousse un peu, se mouche, se gratte la tête, et détale. … Hum hum… ET IL DÉTALE !
« Oh ! Mais t’as raison, il se tire !
-Attends, on a un autre problème… » fait Luna en lui tapotant l’épaule.
Mickaël se retourne, et constate que des gardes menacent ses camarades, hormis Luna, avec leurs lances. Se partageant rapidement les tâches, Luna part immédiatement à la poursuite de Swatch tandis que Mickaël engage le combat avec les soldats pour libérer ses compagnons. De son côté, Quentin livre un combat acharné face à Baggy. Combat qui s’est compliqué depuis que des projectiles sphériques se sont mis à pleuvoir. Le Troll évite toutes les attaques de son adversaire avec une agilité déconcertante. Il se contente de sauter sur le côté ou d’accomplir quelques figures acrobatiques, mais ne porte absolument aucune attaque. Ce qui a une nette tendance à agacer le Barbare du Nord.
« Arrête de gigoter tu m’énerves ! Je te fracasse et on n’en parle plus !
-Parce que tu penses vraiment que je suis assez stupide pour me laisser faire ?
-Bah… oui.
-Oh maï maï ! Quelle insolence !
-Bah… T’es un Troll, et un Troll, c’est idiot.
-Oh maï maï maï ! Je vais te faire ravaler tes paroles effrontées !
-À vrai dire, je n’attends que ça… ».
Luna course Swatch depuis quelques minutes. Elle essaie tant bien que mal de garder sa trace dans toute la population paniquée alors que des boulets s’abattent sur les maisons et les réduisent en morceaux. La jeune femme n’hésite pas une seule seconde à jeter par terre les personnes sur son chemin, et après de nombreux détours, elle arrive sur les quais. Non loin, en mer, un navire qu’elle reconnaît bien déchaîne son feu infernal sur Port Pimousse. Swatch est en train de descendre sur un petit bateau à voile, en compagnie d’Aliza et d’un autre homme. Luna s’approche de la petite embarcation, mais il est trop tard, et elle ne peut que voir Harlon Swatch lui glisser une nouvelle fois entre les doigts alors qu’il s’éloigne du quai sur le petit navire. Elle serre rageusement son poing, constatant son impuissance. Elle lui tourne le dos, et aperçoit le Marie Elena et Malvulis accroupie à côté de son navire. Elle court vers le quartier-maître, s’accroupit à son niveau.
« Ca va ?
-La ville est en train de se faire assiéger par un navire et vous me demandez si ça va ?! s’étrangle Malvulis.
-Désolée.
-Vous savez, si j’ai accepté de vous amener ici, c’est pour une bonne raison. Je compte bien faire la peau à Biggoblin.
-Pourquoi ?
-Il a insulté le Marie Elena, il ne mérite que la mort.
-C’est le Glory of Darkspear qui crée toute cette pagaille, ça veut dire que Biggoblin est dessus…
-Ou bien qu’il est là.
-Où ça, là ?
-Là ! ». Luna tourne la tête, et bondit juste devant le Sombrelance qui arrive sur le quai avec ses deux équipiers, l’un tenant le Gouverneur, l’autre tenant un coffre au trésor. Le Sombrelance, surpris, s’arrête, et ordonne à ses deux subalternes d’emmener le Gouverneur et le trésor sur le pont du Darkspear.
« Vous n’irez nulle part ! fait Luna en dégainant son épée.
-C’est un ordre, les gars, réplique simplement Biggoblin. Bougez-vous, je me charge d’elle. ». Aussi vif que l’éclair, il donne à Luna un puissant coup de pied dans le ventre, et l’envoie au sol, permettant à ses hommes de s’enfuir avec leurs butins.
« Je suis surpris, Luna, je ne m’attendais pas à ce que tu sois ici…
-Je suis ici avec mes amis…
-Oh, les… Rebelles de Corellia ? Non, les… comment, déjà ? Fiers de Hache ? Non, je sais que c’est un nom stupide. Ah, je sais ! Les Chippendales ! Et vous allez faire quoi, mmh ? M’arrêter et me jeter en prison ? À supposer qu’ils arrivent jusqu’ici, bien entendu. ».
Luna se relève et ramasse son arme.
« Tu n’iras nulle part.
-Il faut vraiment qu’on me dise pourquoi on ne m’écoute jamais quand je parle… ». Trois secondes plus tard, Luna gît de nouveau au sol, cette fois-ci avec sa propre lame profondément enfoncée dans son épaule.
« Biggoblin ! hurle une voix.
-Tiens, je connais cette voix… ».
Lentement, le Troll se retourne, et évite sans peine le coup de sabre du quartier-maître Malvulis. Jack saute sur l’Elfe Noire, et referme brutalement ses deux puissantes mâchoires sur sa gorge.
« C’est vraiment la journée des rencontres impromptues, aujourd’hui… Deux femmes, en plus. Dommage, vous n’êtes pas mon genre. Jack, tu peux la lâcher, tu sais, elle est morte. Non mais… lâche-la ! Jack bon sang ! Et voilà, tu t’en es encore mis de partout… Non, interdiction de la bouffer. Les Elfes Noirs, ça a trop de mauvaises pièces. Par contre, Luna… En plus elle est bien roulée, ça sera agréable. Brrrr, arrête, tu me fais envie, là. Ah, ils se sont arrêtés de tirer. Il était temps. Luna, lâche mon pied s’il te plaît.
-Tiens, un autre Troll… fait quelqu’un.
-Que… ».
Baggy roule jusqu’à lui, et s’étale de tout son long. Biggoblin se retourne, et voit Quentin qui se recoiffe.
« Quentin ! gémit Luna.
-J’y crois pas, murmure Biggoblin. Il a démonté Baggy…
-Ça va Luna ? demande Quentin en faisant tourner son immense épée.
-Arrête-le ! crie la jeune femme.
-Quentin, je présume, fait le Troll. Mmh… J’aime bien ta façon de faire, Quentin. Tu me plais bien.
-Rêve pas, mon mignon, réplique le barbare. Si je suis là, c’est pour t’exploser les dents et rien d’autre.
-Kssshéhéhé… Je vois, le héros qui veut sauver le monde et rentrer à l’heure pour le thé. Amusant. Tu as flanqué une dérouillée à Baggy, c’est pas mal, gamin. Mais tu as encore beaucoup de chemin à faire pour m’arriver ne serait-ce qu’à la cheville.
-Je vais te déboîter ta gueule de cannibale comme j’ai déboîté des centaines de monstres avant toi.
-Ho ho… Qui sonne le glas des gladiateurs ? C’est Quentin. Qui est le seigneur toujours vainqueur ? C’est Quentin. Est-il brave ? C’est le meilleur. Est-il doux ? Plus doux qu’une fleur… C’est ça ?
-À peu près.
-Écoute, junior, j’ai pas de temps à perdre avec toi. Alors range ton épée, reprends la gonzesse, pars, et j’oublierai la fessée que tu as collée à Baggy.
-Mets-toi en garde…
-Kssshéhéhé… Comme tu veux… ».
Un cercle s’est formé autour des deux combattants. Ils ne cessent de se défier du regard, et chacun essaie de jauger son adversaire. Si Quentin a bien remarqué quelque chose, c’est que Biggoblin aime parler. Il n’agit pas lui-même, il fait tout faire à son raptor. Son point faible est donc le combat lui-même. C’est vrai, même s’il dispose de l’agilité de sa race, c’est tout. Un tortionnaire psychologique, et un capitaine charismatique, mais c’est tout. La preuve, Biggoblin reste légèrement en retrait, alors que son animal a adopté une attitude particulièrement agressive envers Quentin.
De son côté, Biggoblin analyse chaque geste, si infime soit-il, de Quentin. Il sent très bien que son adversaire est plutôt nerveux. Sa respiration s’est accélérée.
« Si je me souviens bien, lance le Troll, tu as une copine, non ? Lauriane, c’est ça ?
-Que…
-Il me semble bien qu’elle est jolie. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit. Moi, les Elfes me laissent de glace.
-Et alors ?!
-Non, je dis ça comme ça. T’es pas très bavard, petit. Faut bien que je fasse la conversation.
-Arrête de parler !
-Allons bon… Ma voix t’est désagréable ? Elle est bien, au moins, ta copine ?
-Ca ne te regarde pas !
-Kssshéhéhé… Vraiment ? ».
Soudain, Quentin entend un grognement, et Jack lui saute sur son dos. Il n’avait pas vu le raptor faire le tour par derrière pendant que Biggoblin lui parlait. C’est donc ça, sa technique. Mais il est malheureusement un peu tard pour s’en apercevoir. Quentin, grâce à sa force physique, réussit à jeter le raptor par terre, mais le monstre lui a déjà profondément lacéré le dos. Le barbare met un genou à terre pour récupérer un peu de souffle. Il lève la tête, et voit que Biggoblin pointe sur lui un pistolet à silex.
« Tu vois, petit, lâche le Sombrelance, je suis plus fort que toi.
-Tu n’es qu’un lâche !
-Kssshéhéhé… Je préfère le terme de stratège. ».
Et il presse la détente.
- Chapitre 3 : Chasser les chasseurs.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
La nuit tombe. Les Protecteurs de Tamriel sont en fuite. À la recherche d’un médecin, ils se cachent des gardes qui sillonnent les rues. Des reclus, des marginaux… Des fuyards, des condamnés.
« Et surtout, on a quand même deux blessés sur les bras… soupire Mickaël.
-C’est vrai que ça nous ralentit pas mal… constate Odhran.
-Moi, je dis, on les abandonne, sinon on s’en sortira pas. Les gardes sont toujours à nos trousses, je vous rappelle.
-Oui mais non ! tranche Lauriane. Ce sont quand même nos compagnons ! Il faut qu’on trouve un docteur, sinon ils n’ont aucune chance.
-Erreur : il faut trouver un médecin qui ne nous vendra pas aux gardes. Et ça, c’est beaucoup plus rare. Enfin, en tout cas, Quentin ça a l’air d’aller. Heureusement qu’il est de composition robuste, ce gaillard-là !
-Mais pourquoi ils nous recherchent ces gardes ? Qu’est-ce qu’on a fait ? questionne Thibault.
-Sais pas. Peut-être qu’ils nous croient de mèche avec le WTF… T’as vu ce qu’ils ont fait à Malvulis ?
-Ouais, j’avais encore jamais vu une telle sauvagerie. On aurait dit qu’elle avait été attaquée par un animal sauvage, ou je sais pas trop quoi.
-Enfin bon, on a quand même un tiers du groupe qui est HS… Et ce ne sont pas les deux éléments les plus faibles… C’est surtout ça, qui m’inquiète.
-Bon, on le trouve ce médecin ?
-Mais y en a pas bon sang ! Ça commence à bien faire ! Lauriane, t’es une prêtresse, normalement t’es spécialisée dans le soin !
-Je sais ! crie Lauriane. Mais la magie ne vient pas ! J’ai l’impression que j’ai été complètement coupée de ma magie, je n’arrive plus à l’utiliser !
-Mais à quoi tu sers alors ?!
-Je peux te donner un coup de pied entre les jambes.
-C’est bien ce que je pensais, tu sers à rien. ».
La seconde d’après, Mickaël s’écroule par terre, les larmes aux yeux, se tenant l’entrejambe à deux mains.
« Bon ça suffit ! intervient Thibault. Se déchirer entre nous n’arrangera rien.
-Pas ma… faute… gémit Mickaël entre ses dents.
-Tais-toi, tu m’énerves. Odhran, t’es un paladin, tu peux pas les soigner ?
-Je suis spécialisé dans le combat, moi… répond timidement le Grand Nain.
-… C’est une blague ?
-Bah non, comment tu crois que j’ai pu me battre jusqu’à présent ?
-Je rêve…
-Et Luna, là ? demande Mickaël en se relevant très lentement et très doucement. On peut pas lui enlever l’épée ?
-Non, répond Lauriane. Celui qui lui a planté l’épée dans le bras l’a fait de telle façon à empêcher toute hémorragie… Je sais pas qui a fait ça, mais il est particulièrement fort pour avoir aussi bien frappé… Attention, des gardes. ».
En effet, des gardes passent à cet instant précis. Les Protecteurs se cachent dans l’ombre de la ruelle, et laissent les soldats les frôler.
« Vite… On finira bien par trouver un docteur… ».
Kar Kinos est une ville de pirates, un bastion de méfaits et de crimes où la prostitution et le meurtre sont la seule loi. La ville est constamment déchirée par des guerres de gangs. La drogue et l’alcool sont pour ainsi dire la seule monnaie connue, hormis les pièces d’or. Si pour Luna, Port Pimousse était déjà un lieu de débauche, ce en quoi elle n’avait pas tort, alors Kar Kinos devrait représenter pour elle l’Enfer lui-même.
Aliza et Harlon Swatch sont dans une “auberge” en train de boire quand ils sont accostés par des marins dont l’haleine indique clairement qu’ils ont descendu au moins quatre tonnelets de rhum chacun. Très vite, Swatch est jeté par terre, et l’un des marins saouls frappe Aliza et commence à lui arracher ses vêtements. Elle, elle pleure, même si elle a l’habitude d’être maltraitée. Elle pleure des larmes qui n’ont aucune saveur ni aucun goût ni aucune consistance. Elle se laisse faire alors que le marin la plaque contre un mur et lui lèche la joue. Cependant, un coup de feu fait brusquement régner le silence dans l’auberge. Le marin brutal s’écroule lentement par terre. Biggoblin pose un pied dans la gargotte, suivi de Zarpuk, à qui il tend son pistolet.
« Alors ? demande-t-il en souriant. L’ai-je bien descendu ?
-Biggoblin ! lâche Swatch tout joyeux.
-Tiens, Harlon… Tu m’as manqué, dis donc… Dites, les gars, fait le Troll en s’adressant à l’assemblée médusée, si vous repreniez une activité normale maintenant ? … MAINTENANT ! ». L’arrivée de Jack et un grognement agressif achèvent de convaincre les pirates qui recommencent à ripailler.
« Zarpuk, il fait partie de quel équipage celui que je viens de dessouder ?
-Eh bien, commence Zarpuk en consultant un registre d’amarrage, c’est le timonier du Bikovic… Tous les autres membres de l’équipage sont dans cette taverne. Quatre d’entre eux ont tenté d’avoir une relation sexuelle à sens unique avec Aliza, péripathéticienne personnelle de M. Swatch Harlon ici présent.
-… J’admire toujours autant ton professionnalisme, Zarpuk. Combien a ramené le Bikovic, cette semaine ?
-Merci Biggo. Le Bikovic a ramené au port, cette semaine, un butin équivalent à… deux mille septims.
-Très joli score… Jack. Ils sont à toi. Bouffe-les. Swatch, Aliza, suivez-moi. ».
Tandis que Jack exécute avec une joie non dissimulée la macabre sentence de son maître, Harlon et Aliza suivent le capitaine Sombrelance et son second à l’extérieur de la gargote. Dehors, une sublime blonde en guêpière noire les attend, les bras croisés.
« Bon, commence Biggoblin, autant aller droit au but, Harlon.
-Qu’est-ce que tu veux, Biggoblin ?
-Tu avais trouvé un nouveau filon, n’est-ce pas ?
-Euh, oui mais je…
-Tu pourrais tenter de le retrouver ici ? Je voudrais que tu réussisses à de nouveau synthétiser du skouma gazeux.
-Hein ?! Mais c’est extrêmement dangereux, et le résultat que j’ai obtenu était loin d’être satisfaisant ! Et puis je…
-Je me suis mal fait comprendre, Harlon. C’est un ordre. ».
« Je craque… Personne ne nous a ouvert sa porte ! s’écrie Mickaël, au bord de la dépression nerveuse.
-Où on peut encore aller ? demande Thibault, épuisé et de plus en plus inquiet. Quel endroit on n’a pas encore essayé ?
-Je sais pas… Je crois qu’on a tout fait…
-Bon… C’est foutu pour eux alors ?
-À moins qu’un jeune et brillant médecin ne sorte de sa riche demeure tel un Errol Flynn cyrodiilien, oui.
-Hé là ! fait soudain une voix.
-Et mince, on est repérés…
-Hé, mais j’vous r’connais… ‘Fin, la mam’zelle, là surtout… Oooh, mais c’qu’elle m’a l’air mal en point… Et l’jeunot aussi, là…
-… Mais c’est qui celui-là ?!
-Pard’nnez-moi, m’sieurs-dames ! s’exclame l’individu qui, au timbre de sa voix rugueuse semble avoir vidé quelques bouteilles d’alcool. J’en oublie les civicitilivtés… Les ci… civici… cilitivi…
-Civilités.
-C’est ça !
-Il a vraiment abusé du rhum frelaté, celui-là…
-J’m’appelle Quint. Shark Quint, m’sieurs-dames ! Pour vous… servir !
-Pour nous vomir dessus, oui.
-Chuis chasseur d’pirates et d’trésors ! … Et d’rhum aussi, arh arh arh…
-Bon, excusez-nous, mais on doit trouver un médecin pour nos amis. Allez les enfants, on y va, la pause est finie.
-‘Tendez ! s’écrie le marin. Où qu’c’est qu’vous allez, comme ça ? Pouvez pas traîner ces deux-là ‘vec vous ! Tiendront jamais l’coup ! V’nez à mon bateau, j’vais les soigner !
-Hein ? Vous pouvez ?
-Bien sûr mon p’tit m’sieur ! Tout chasseur d’pirates doit avoir l’nécessaire pour faire face aux dangers d’la mer ! V’nez, suivez-moi, c’par là. ».
Il part devant, mais manque de s’écrouler contre un mur, ce qui instille soudain quelques doutes dans l’esprit des Protecteurs quant à la qualité du sens de l’orientation de leur guide improvisé. Cependant, Shark Quint réussit, au prix d’un effort quasi-surhumain, à les mener jusqu’à son petit bateau de pêche, le Porpoise. Le navire, bien que large pour un marin, se retrouve particulièrement étroit quand sept personnes tentent d’y tenir. Le Porpoise est un petit chalutier discret, cependant remarquablement bourré d’armes en tout genre, tranquillement amarré entre deux navires plus grands dont l’un d’entre eux semble être le Marie Elena. Quint a dû arriver après l’échauffourée avec la garde.
Quint est un homme de 48 ans, solidement bâti, cheveux châtain clair, barbe de trois jours, yeux marron profonds, tatouage d’une ancre sur l’omoplate gauche, un marin qui semble avoir voyagé aux quatre coins du monde, vogué sur toutes les mers du globe, couché avec les plus belles femmes les plus exotiques, et, surtout, goûté à tous les alcools les plus forts des contrées les plus éloignées. Il possède un rire particulier, semblable au ricanement d’une mouette. Il paraît également qu’il est inventeur à ses heures, et qu’il tente actuellement de trouver un système pour ingurgiter des épinards via une pipe en bois. Ceci paraît tout à fait idiot, puisqu’il est impossible d’avaler des épinards par un conduit aussi riquiqui, et puis, de toute façon, personne n’aime les épinards. Enfin, personne n’aime les épinards cuisinés par Mama Quint, à part Shark Quint lui-même. Jadis pacifique capitaine d’un pacifique baleinier, Shark Quint abandonna son métier de simple pêcheur le jour où son navire fut coulé par un énorme bâtiment pirate, le Herman Moby, commandé par le capitaine Dick Melville. Jurant de venger son équipage, Quint se lança dans une violente vendetta jusqu’à tuer Melville à coup de harpon. Shark Quint s’est donc taillé une réputation de chasseur de primes de renom, pourchassant, capturant ou tuant des pirates. Désormais âgé de presque 50 ans, Quint songe sérieusement à partir en retraite, à se consacrer à ses expériences farfelues (il pense d’ailleurs avoir trouvé le moyen de naviguer sous l’eau, mais comme les essais actuels ont entraîné la mort de sept personnes et d’un singe, je crois que c’est une idée révolue). Mais, avant de se retirer définitivement du métier, Shark Quint espère terminer sa glorieuse carrière de chasseur de primes sur une prise qui lui fera gagner le respect de tous : Biggoblin Raptorclaw. À chasseur exceptionnel, pirate exceptionnel.
Odhran entre dans la cabine et pose Quentin sur une couche et Luna sur une autre. Quint, une bouteille à la main, regarde les deux blessés.
« Lui, fait-il en montrant Quentin du doigt, il est robuste, ce p’tit gars-là. Vu la blessure qu’il a reçue, il aurait dû clamser depuis au moins deux heures. ‘Tendez… ». Il plisse les yeux et s’approche de Quentin, qui est toujours inconscient. Sans délicatesse aucune, il l’attrape et le bouge de façon à pouvoir voir sa blessure. Un trou juste sous la clavicule gauche, bordé de poudre, et des griffures dans le dos. Pas de doute. C’est bien là la marque de Biggoblin Raptorclaw. Il n’y a que lui qui utilise des armes à feu de ce genre. Il n’y a d’ailleurs que lui qui utilise des armes à feu.
« Z’avez fricoté avec Raptorclaw ? demande Quint en reprenant une goulée d’alcool.
-Qui ça ? demande Mickaël en retour, les yeux écarquillés. Raptorclaw… Biggoblin Raptorclaw ?
-Y a qu’un Raptorclaw, p’tit.
-Je ne suis pas petit.
-C’t’une expression, p’tit.
-Je ne suis pas PETIT. Mais que je sache, non. On les a retrouvés tous les deux étendus sur le quai, près du Marie Elena… Malvulis, enfin ce qu’il en restait, aussi, d’ailleurs.
-Et la mam’zelle, là ?
-Je sais pas. On veut pas lui enlever l’épée de l’épaule…
-Z’avez raison, ç’pourrait relancer l’hélor… homoga… hémogaragie… hé…
-Hémorragie.
-V’là, m’ci, gamin.
-Je ne suis pas PETIT. ».
Quint regarde Luna, et lui retire brutalement la lame de l’épaule, ce qui affole ses camarades. Mais, Quint, très calme, calme très certainement dû à son manque de sobriété, lui fait rapidement un bandage et verse un liquide sombre étrange sur la plaie ainsi recouverte.
« Qu’est-ce que c’est ? demande Lauriane, les yeux grands ouverts de curiosité.
-C’t’un peu de vin.
-… Du vin ?!
-V’z’aut’ les Elfes, v’croyez qu’pour soigner les gens, faut soit d’la magie, soit des misktures zarb’ que z’appelez des potions d’soins. Mais y a des façons p’us simp’ d’guérir les gens, ma p’tite mam’zelle. Ca, c’est du vin qu’j’ai ach’té lors d’un d’mes voyages… Du vin de Fléau d’Ombre, qu’ça s’appelle. Bonne gnôle, ça… dit-il en avalant une grosse gorgée du vin en question.
-Ah…
-Bon… v’faudra attendre deux jours avant qu’ces deux soient rétablis.
-Deux jours ?! s’étrangle Thibault. Mais on peut pas, on est recherché par les gardes dans toute la ville !
-J’vous cach’rai, c’pas l’problème. V’comptez faire quoi ?
-On cherche Harlon Swatch.
-Oh, vot’ copine aux ch’veux roses, là, m’en a parlé c’matin. C’t’un pote à Raptorclaw. L’a dû s’barrer à Eden Island. J’vous y emmènerai j’y vais aussi. Bon, c’pas tout ça, mais on va fêter ça ! Toi l’grand barbu, là. Ouv’ donc l’placard, doit y avoir un bon p’tit vin de Tamika là-d’dans !
-Ouh, je l’aime déjà ce mec ! » se réjouit Odhran en se frottant les mains.
Le jour se lève doucement sur Eden Island. Les rayons du soleil commencent à peine à chatouiller imperceptiblement les visages des “citoyens” de Kar Kinos. De l’autre côté de l’île, Ann Bonny, manoir de Biggoblin situé sur une des plus hautes falaises d’Eden Island, est déjà illuminé de la chaleureuse vague, cette chaleureuse vague qui procure en nous un bien-être fou sitôt que nous en sommes submergés. Chaque membre de l’équipage du Glory of Darkspear dispose de sa propre chambre. Biggoblin, lui, est déjà réveillé, lavé, et habillé. Il a toujours été matinal, et s’il y a bien une chose qu’il déteste, c’est se lever tard. À moins d’être malade, il trouve que la journée est ratée. Il marche dans le long corridor sur lequel donne les portes de chaque chambre. Cependant, Jack s’arrête devant une porte. Intrigué, Biggoblin s’arrête à sa hauteur, et pousse doucement la porte. Il s’agit de la chambre de Karndum, le chaman Orque. Biggoblin ouvre finalement la porte en grand, ce qui fait entrer la lumière dans la chambre. Karndum dort sur le côté. Il est vraiment imposant, comme Orque, tout de même. À côté de lui, même Karshroon, qui est pourtant un guerrier, fait figure d’allumette.
« Eh bien… murmure le Troll à Jack. Qu’est-ce qu’il y a, mon vieux ?
-Graol… grogne le raptor.
-Hein ? Mais… ».
Le Troll fronce les sourcils, et s’approche du lit. Jack a raison, il a bien quelqu’un d’autre dans le lit avec Karndum. Le Sombrelance lève les yeux au ciel en soupirant, et rapidement, se rend vers la fenêtre, et ouvre les volets en les faisant claquer contre le mur de grosses pierres grises carrées. La lumière inonde la chambre, et la deuxième personne enfouit sa tête contre la poitrine de l’Orque tandis que ce dernier se réveille en sursautant.
« Oh, Biggo ! s’exclame-t-il d’une voix pâteuse et rauque. Je… je peux tout t’expliquer !
-Te fatigue pas. » répond froidement son capitaine. Biggoblin est appuyé contre le mur, les jambes et les bras croisés. Jack est couché à l’entrée de la chambre. La tête blonde contre l’Orque se cache sous les drapes blancs. « Mademoiselle Daranfort… sifflote Biggoblin. Inutile de vous cacher, je vous ai vue… ». Princesse sort un peu la tête des draps, et voit que Biggoblin la fixe de ses deux yeux d’ambre.
« Écoutez, miss Daranfort, commence-t-il. Je suis très permissif avec mes otages, je le sais. Alors, ne me le faites pas regretter, d’accord ?
-Euh… d’accord… minaude la jeune femme.
-L’autre jour, c’était Jacktroll, continue Biggoblin en contemplant ses ongles. Puis ça a été le tour de Nestor… Puis de Baggy, et aujourd’hui, c’est Karndum… Que vous soyez nymphomane, je l’accepte. Que vous trouviez mes hommes et associés bien foutus, je le conçois. Mais quand allez-vous arrêter de coucher avec ?
-Mais, c’est que… Karndum était tellement doux… Et puis si… dit-elle en caressant le torse de son amant.
-Je ne veux pas savoir. Je passe l’éponge une dernière fois, Miss Daranfort. Vous pouvez vous ébattre encore si vous le voulez, maintenant, mais silencieusement. Ne réveillez pas les autres. Tu viens, Jack ? On y va… ».
Biggoblin sort de la chambre, suivi de son fidèle animal de compagnie. Mais à peine a-t-il parcouru quatre ou cinq mètres qu’il entend des gémissements de plaisir féminins. Comme une furie, il retourne dans la chambre.
« J’ai dit SILENCIEUSEMENT !
-Mais… je suis silencieuse ! réplique Princesse.
-Silen… Tu te fous de moi ? Oui, c’est ça, tu te fous de moi…
-Mais non ! ».
Le pire… c’est que Biggoblin sent qu’elle est sincère.
« Bon, c’est pas grave… Viens, Jack, on va voir Harlon…
-Harlon ?! s’étrangle Princesse.
-Oui, Harlon Swatch. Quoi, t’as pas couché avec lui aussi, quand même… si ?
-… Non, je connais pas… ».
Biggoblin la regarde en fronçant de nouveau les sourcils. Bon, il s’en occupera plus tard, Swatch l’attend.
Il descend les multiples escaliers de son manoir, et se rend au sous-sol. D’ailleurs, il ne s’agit pas réellement d’un manoir, mais plutôt d’une place forte. Une petite forteresse extrêmement bien gardée par les sbires du WTF, de trois étages et de deux niveaux de sous-sol. C’est au premier sous-sol que se situe le “laboratoire” d’Harlon Swatch.
Quand Biggoblin y pénètre, il trouve Aliza étendue sur un divan, et Swatch affairé à réaliser d’étranges mélanges dans des tubes et des éprouvettes. L’arrivée du Troll fait sursauter Swatch, qui manque de faire tomber son éprouvette sur le sol. Il la rattrape in extremis, et la repose sur la table.
« Alors ? Ça avance ?
-C’est en bonne voie… répond Harlon.
-Combien de temps ?
-Au moins quatre jours.
-Je le veux dans deux.
-Hein ?! Mais c’est dangereux, ça, Biggo ! Je dis ça pour toi. Il peut y avoir plein d’effets secondaires, et il risque d’être moins efficace !
-Discute pas, c’est un ordre.
-Biggo, je peux pas y arriver si rapidement dans un labo si minuscule !
-Désolé, mais le labo principal sert à autre chose, en ce moment…
-À quoi ?
-Ça te regarde ?
-Non, mais tu me réclames l’impossible en me privant des moyens de l’atteindre !
-Je peux pas faire autrement, et puis, c’est un moindre mal.
-Pourquoi ?
-Parce que si tu n’es pas dans les temps, je ne te tuerai pas. Si je ne suis pas dans les temps, ma tête quittera brusquement mon cou. Et mon remplaçant risque d’être moins sympa que moi envers toi, Harlon…
-Bon… Je vais faire de mon mieux… Mais je ne te garantis pas le résultat.
-L’important, c’est l’hallucinogène, c’est tout.
-Ah… ok… ».
Biggoblin lui tourne le dos, et s’en va. Cependant, au moment de passer la porte, il s’arrête, et fixe Jack.
« Au fait, Harlon, j’ai oublié…
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Tu connais Princesse Daranfort ?
-…
-Harlon, je te parle.
-Oui, c’est la fille du Gouverneur Daranfort. Tout le monde la connaît.
-Elle semble te connaître en particulier. C’est le cas ?
-… Pas que je sache. Ou alors j’étais trop bourré pour m’en rappeler. C’est une vraie nympho, cette nana…
-On est d’accord… ».
Biggoblin ferme la porte, et se rend dans le “grand laboratoire”, pièce qu’il aime aussi à nommer sa “chambre à idées”. Il ouvre la lourde double porte en acier. Assis dans un fauteuil, Nestor sirote une tasse de thé. Valéria, les bras croisés, la queue agitée, regarde Mnscrtch travailler avec Akorah et Settrah, les deux mort-vivants Réprouvés faisant partie de l’équipage du Darkspear. Biggoblin adresse un vague sourire au regard d’acier que lui jette Valéria, et s’approche d’une caisse contenant des rubis de deux centimètres de diamètre. Il en prend un et le contemple dans la paume de sa main.
« L’arme ultime… murmure-t-il.
-Un peu de thé ? propose Nestor.
-Non. Merci.
-Quelque chose ne va pas ?
-Princesse se tape mes hommes les uns après les autres. Harlon me cache des choses… Jinnalak et Craaweh ont tenté de se faire la malle, encore, en profitant du chaos d’hier soir… Et justement, mes soldats m’ont averti qu’il y avait encore eu cette étrange personne. Je ne crois pas aux fantômes. Pas trop. Mais il y a quelque chose qu’on ne me dit pas, et je n’aime pas ça… ».
Nestor regarde Valéria, qui garde toujours le visage impassible d’une statue grecque. « Indirectement parlant, j’attends des explications ». reprend Biggoblin d’un ton plus ferme. Jack appuie sa demande en émettant un grognement menaçant. Cependant, Valéria garde toujours le silence, les bras toujours croisés, la mine toujours renfrognée, le regard toujours d’acier. Les travailleurs s’arrêtent, et regardent Biggoblin.
« Très bien, Val… reprend-il du même ton calme. J’allais faire appel à de la compassion, mais j’oubliais que tu n’en as pas. Tu n’es même pas humaine… Tu n’es même pas un véritable être vivant, c’est dire…
-Tais-toi, Niggo…
-Je n’ai pas d’ordre à recevoir d’une… “chose” ? Je sais même pas si on peut t’appliquer ce terme… Tu n’es qu’une demi-chose. Même pas une esclave. Je suis étonné que tu sois encore vivante, tiens… Enfin, vivante, je me comprends. Pour une coquille vide…
-La ferme !
-Tu essaies d’être méchante ? Je sens dans ta voix que tu n’as pas la carrure… Tu n’as que l’apparence. Tu n’es qu’une apparence… Tu parles, mais tes mots sont vides de sens. Tu ne fais que répéter ce que tu as déjà entendu… Tu me fais penser à un perroquet, tiens. Et… ». Il n’a pas le temps de terminer sa phrase que Valéria l’empoigne par le cou à une main et le plaque contre le mur, commençant à l’étrangler. Elle le soulève à au moins vingt centimètres du sol. Biggoblin ne fait que ricaner.
« Kssshéhéhé… Tu espères faire quoi, là ? Me tuer ?
-J’avoue que l’idée m’a vaguement effleurée…
-Alors vas-y, fais-le. Tu n’as plus besoin de moi, maintenant, après tout… La Légion Noire est bientôt terminée, tout est bon.
-Non, tu nous es encore utile…
-Kssshéhéhé… ».
Dans un rugissement terrifiant, Jack bondit sur Valéria, qui ne fait aucun effort pour l’éviter, sachant qu’elle ne craint aucune attaque physique. Mais voilà, justement, Jack lui bondit dessus, et l’entraîne avec lui sur le sol, les mâchoires fermement serrées autour de son bras ensanglanté. C’est totalement incompréhensible, Jack aurait dû passer au travers du démon.
« Kssshéhéhé… Allez, relâche-la, Jack… Elle a eu assez de frayeur pour aujourd’hui… À condition bien sûr qu’elle puisse ressentir de la frayeur… J’en doute. ».
Le lendemain, Quentin et Luna, grâce aux soins de Shark Quint, ont bien récupéré de leurs blessures. Ils décrivent finalement leur petite échauffourée avec Biggoblin.
« Ouais, bah on est mal barrés, conclue Mickaël.
-Quel pessimisme ! réplique Luna. C’est pas toi qui t’es fait blesser, je te signale !
-Bah justement, j’aimerais éviter. Attends, ce Biggoblin vous a fait passer pour des amateurs, Quentin et toi ! Et que je sache, vous êtes les meilleurs du groupe, après moi !
-Après toi ?
-Bah oui. Dans l’ordre, il y a Thibault, Quentin, moi, Odhran, Lauriane, et, loin loin loin loin loin derrière, toi.
-Si j’avais pas été aussi faible, je t’aurais arraché la tête…
-Justement, j’en profite, je prends de l’avance.
-Sitôt que je récupère, je te défonce…
-Hum… Oublie ce que j’ai dit…
-Je préfère.
-Bref, faut pas aller là-bas, même si Swatch s’y est caché. Ce Biggoblin, c’est le genre à nous couper la tête, nous la réduire, et la porter en collier.
-Comme t’as rien dedans, ça sera encore plus facile.
-Je préférais quand t’étais dans les vapes…
-Y a un autre problème, le coupe Thibault. On est toujours recherchés par la garde. La Marine a également été mise au courant… On n’a aucune chance de quitter cette île ne serait-ce que pour rentrer à Cyrodiil.
-Donc on est coincés ici ? Génial !
-Nope, intervient Quint. J’ai trouvé une idée géniale, mes p’tits gars.
-Je vous vois venir, Quint. C’est non, je ne me déguiserai pas en sirène.
-Hein ? Mais d’quoi qui parle, lui ? Non, z’allez vous déguiser en pirates !
-Je ne suis pas PETIT… Hein ? Attendez, c’est idiot, comme plan, ça… Ça marchera jamais.
-J’ai déjà mon idée, p’tit gars… ».
Quelques heures plus tard, après avoir fait des emplettes, avec l’argent du groupe, Quint revient au Porpoise chargé d’habits divers.
« Voici l’plan, mes p’tits gars. On partira dès qu’l’soleil commenc’ra à s’coucher. La garde vérifiera le bateau. Comme y f’ra somb’, v’verrez, v’pass’rez à trav’.
-Vous êtes sûr qu’ils ne resserreront pas la sécurité, au contraire ?
-Z’en faites pas, je gère. Allez, faut fêter ça, non ? Sortez-moi donc une bouteille d’rhum les jeunes ! ».
Pendant que Quint “fête” l’événement seul sur le pont, les Protecteurs se succèdent dans la cabine pour se changer. Thibault porte donc une chemise hawaïenne et un short de bain, Quentin porte une tenue rouge et noire plutôt orientale, Odhran est tout fier du petit calot trônant sur sa tête, Mickaël arbore un pantalon vert, des bottes noires, un manteau blanc de capitaine et un tricorne. Les filles portent toutes deux des sandales, un pantacourt, et un haut de bikini. Lauriane a la tête couverte d’un bandeau tandis que Luna a préféré un chapeau de paille.
L’heure venue, lentement, le Porpoise lève l’ancre et quitte Port Pimousse. Silencieusement, il fend l’eau, et s’arrête au niveau du phare pour l’inspection. Les gardes regardent le petit navire, et, la nuit tombante favorisant nos amis, ils laissent le Porpoise s’en aller.
« C’est comment, vraiment Eden Island ? demande Lauriane.
-Lugubre, répond Thibault. Elle n’a qu’un avantage pour nous, c’est qu’il n’y a qu’une ville, Kar Kinos. Tout le reste de l’île n’est qu’une jungle hostile terriblement dangereuse. Donc si on doit retrouver Swatch, ça sera forcément à Kar Kinos.
-C’est dangereux comme ville ?
-Bah c’est une ville de pirates, donc oui.
-Pourquoi faut-il toujours qu’on aille dans des villes comme ça ? Graï’deï, Port Pimousse, et maintenant Kar Kinos… Et en plus il fait nuit !
-T’en fais pas, va. On est les Protecteurs de Tamriel, quand même ! On sait se battre, que diable ! ».
« Ok, j’ai peut-être été un peu optimiste… ».
Kar Kinos est une ville en proie au chaos, ça, au moins, c’est clair. Cabarets malfamés, tavernes douteuses, voleurs, coupe-jarrets, violeurs, tueurs, bandits, criminels, brigands, gangsters, rebuts, escrocs, maîtres chanteurs… Autant de sujets d’étude disponibles pour un criminologue ambitieux et, il faut l’avouer, un peu suicidaire. Les lois de la science sont impitoyables… De loin, depuis la mer, on entend les cris de guerre et d’horreur, les chants des pirates… Ce qui constitue un impressionnant contraste avec le calme serein des flots, leur doux et précieux roulement, la complainte des lamantins et les appels amoureux des mouettes. Une fois arrivé à quai, Quint amarre le Porpoise, et retourne dans la cabine pour s’entretenir avec ses récents camarades de beuverie.
« Faut qu’vous connaissiez les règles d’ici, mes p’tits gars…
-On vous écoute, Quint.
-Tout d’abord, ici, tout l’monde, y s’tutoie. Vouvoyez jamais personne sous aucun prétexte. C’t’une marque d’irrespect. Ensuite, si on vous propose une boisson forte, mais genre très très forte, voyez l’genre ? Bah faut la boire. Sinon, c’t’une marque d’irrespect.
-Même si elle est droguée ?
-Sera pas droguée. Les pirates s’respectent ent’ eux. Ensuite, les règles les plus importantes, c’est que si vous voyez un cap’taine pirate, faut vous écarter. C’est les seuls qui faut vouvoyer.
-À quoi on les reconnaît ?
-Z’ont un long manteau posé sur les épaules et un tricorne.
-Ça fait un peu cliché…
-P’têt ben, mais c’est comme ça qu’y s’habillent, les cap’taines. Enfin, si vous voyez un membre de l’équipage du Darkspear, écartez vous de son chemin. À plus forte raison si c’est Raptorclaw. Il est considéré comme le maître, par ici, alors faut pas l’chercher.
-Je croyais que vous deviez le capturer.
-Chaque chose en son temps, Maître Quentin, chaque chose en son temps. Perso, j’vous conseille d’vous séparer pour m’ner vos r’cherches.
-Ca sera pas dangereux ? Si on se fait attaquer ?
-Nope. L’code d’honneur des pirates interdit qu’un groupe d’pirates s’fasse assassiner tant que leur équipage est pas réuni.
-Ah, ok… Bon, alors… Lauriane, tu viens avec moi. Odhran et Thibault, vous allez ensemble.
-Et voilà, rouspette Mickaël. Encore une fois avec bubble-gum !
-Ca t’gêne, clochette ? » réplique aussitôt Luna.
La discussion terminée, ils descendent du navire, et se séparent comme prévu. Ce qui intrigue Mickaël quand il marche dans les rues, c’est que les gens ne le regardent pas dans les yeux et s’écartent de son chemin.
« Bah qu’est-ce qu’ils ont ? demande-t-il.
-Je sais pas, c’est bizarre. Tu sens pourtant pas si mauvais.
-Je vais te frapper, toi.
-Attends… Mais tu portes un manteau et un tricorne ! C’est pas étonnant qu’ils s’écartent, ils te prennent pour un capitaine !
-Moi ? Non ?! Eh, mais t’as raison ! Ah, ça fait du bien d’être enfin reconnu à sa juste valeur. Viens, entrons là, que je puisse encore profiter de ma superbe prestance. ».
Ils entrent dans une taverne, et se dirigent droit vers le comptoir.
« Holà patron ! lance Mickaël d’un ton surjoué. Un bock de votre alcool le plus fort pour moi, et un jus de pomme pour la petite !
-Vous êtes sûr, M. le capitaine ? Il est vraiment très très fort, notre alcool…
-Discute pas les ordres du capitaine, marin d’eau douce ! Tu veux finir dans le ventre d’un requin taupe ?
-Vous énervez pas, cap’taine ! Je vous sers de suite !
-Dépêche-toi, moussaillon, ou je te pends au grand mât par les entrailles !
-Calme-toi, Mickaël… » souffle Luna.
Le tavernier se tourne vers eux, et leur donne chacun un bock plein d’un liquide ambre transparent qui dégage une forte odeur de formol. Mickaël empoigne son bock avec entrain, trinque avec Luna, et les deux compagnons vident le contenu en même temps d’un trait, puis ils reposent leur bock sur le comptoir. Mickaël s’essuie la bouche avec le revers de la manche. « Ah ! s’extasie-t-il, j’en reprendrais bien un coup, tiens ! ». Mais soudain, il tombe raide par terre, inconscient. Luna contemple son bock.
« Faut quand même admettre, lâche-t-elle, c’est plutôt une boisson de femmes… Bon, on passe aux choses sérieuses. On cherche un jeune homme nommé Harlon Swatch.
-Connais pas, répond le tavernier.
-T’es sûr ?
-Archi-sûr.
-Et une pute du nom d’Aliza ?
-Aliza ? Si, je connais. Oh, mais c’est… Je vois de qui vous parlez. Un grand jeune, là, carré, blond ?
-C’est lui.
-Ouais, je vois qui c’est, maintenant. Il est pas là.
-Hein ?! Comment ça ?!
-Les Darkspear l’ont emmené avec eux il y a deux soirs.
-Oh non…
-Ils ont massacré l’équipage du Bikovic, aussi. Y a que le capitaine qui a survécu.
-Tu sais où ils l’ont emmené ?
-À Ann Bonny, évidemment. C’est le QG du Darkspear. Mais il est de l’autre côté de l’île. Y a que l’équipage du Darkspear qui sait comment s’y rendre sans passer par la jungle.
-Personne n’a jamais essayé de les suivre ?
-Trop dangereux, y a des récifs de partout.
-Catastrophe… Il faut qu’on trouve un moyen de s’y rendre… ».
Quelques minutes plus tard, Mickaël, de nouveau conscient, et Luna sortent de la taverne. « On fait quoi, alors ? demande le mage.
-On retrouve les autres, faut les mettre au courant.
-Heu… Je crois pas que ça sera nécessaire…
-Pourquoi tu dis ça ? ».
Elle se tourne dans la direction que Mickaël montre du doigt, et voit deux Orques et trois Trolls Sombrelance traîner et jeter devant eux Quentin, Lauriane, Odhran et Thibault.
« Eh bien… Quelle fabuleuse réunion… » lance une voix.
Luna et Mickaël font volte-face et aperçoivent Biggoblin perché sur le toit de la taverne.
« Je suppose que c’est toi, Niggoblin, réplique Mickaël.
-Biggoblin, c’est un B, rétorque le Troll.
-Peu importe ! Qu’est-ce que tu leur as fait ?
-Moi ? Rien. Mes collègues ont juste voulu tester leur résistance, et ils ont été plutôt… déçus. Cependant, ils ne sont pas morts. Pas encore. Ils sont juste dans les pommes, rien de bien grave, quand ils se réveilleront, ils n’auront aucune séquelle de ce qui s’est passé… hormis peut-être un gros mal de tête.
-Viens te battre au lieu de parler, lâche !
-Le cherche pas, Mickaël, chuchote Luna, il est trop fort pour toi.
-Rien à foutre, viens te battre ! ».
Biggoblin sourit, et saute de son perchoir pour atterrir deux mètres devant Mickaël. Jack apparaît en sautant hors d’un baril, et rugit férocement, ce qui intimide quelque peu le mage téméraire.
« Tu veux faire quoi ? demande Biggoblin en souriant.
-Je te propose un marché, Biggoblin !
-Je t’écoute, gamin…
-Je ne suis pas PETIT.
-Susceptible, avec ça…
-Je te défie en combat singulier. Sans ton animal de compagnie, évidemment, sinon tu triches. Si je gagne, tu nous laisses partir. Si tu gagnes, tu peux nous tuer.
-Ce n’est pas très équitable, je peux déjà vous tuer sans avoir à accepter. Je n’ai qu’à claquer des doigts pour que tous les gredins de Kar Kinos vous fassent la peau.
-T’as une meilleure idée ?
-Oui. Si je gagne, je vous laisse partir également.
-Hein ? La logique trolle m’a toujours échappé…
-Je sais ce que je veux. On commence ? ».
Il tourne le dos au mage, et fait un signe à l’un des Orques de combattre à sa place, ce qui surprend Mickaël.
« Eh ! C’est toi que j’ai défié en combat singulier ! lui lance Mickaël.
-Je sais, réplique instantanément Biggoblin. Mais comme tu n’es pas vraiment un pirate, je n’ai aucune raison de devoir me plier à ton règlement. Vas-y, Karshroon, montre-lui la vraie valeur de l’équipage du Darkspear.
-Tricheurs…
-Pirates. ».
Karshroon est un guerrier Orque d’une carrure standard ce qui, combiné à une armure lourde, une hache, et un bouclier, est plus qu’il n’en faut pour impressioner le chétif mage de feu. Pourtant, Mickaël prend son élan, et se jette sur son adversaire. Ce dernier pare l’attaque avec son bouclier, et assène un coup d’une violence foudroyante sur le jeune homme, l’envoyant le mage sur le sol, dans la poussière. Luna accourt et l’aide à se relever.
« Il est très fort, en fait… constate Mickaël
-Eh bien alors, cette correction ? Elle vient ? lui lance Biggoblin. On n’a pas toute la nuit. ». Mickaël repart à l’attaque de plus belle, mais l’agilité surprenante de l’Orque et son endurance naturelle ont raison de sa vaillance, et finit de nouveau au sol. Biggoblin en profite pour s’approcher de lui, et s’accroupir à son niveau. Il rapproche son visage du sien, de telle sorte que ses deux yeux d’ambre sont plongés dans les siens.
« Tu n’es pas de taille, mage. Et ton jeu ne m’amuse pas. ». Il claque des doigts. L’un des Trolls qui l’accompagne s’avance, en tenant deux personnes menottées avec lui.
« Voilà le deal, explique Biggoblin. Karshroon ici présent tient prisonnières avec lui deux personnes importantes. La première est la jeune Princesse Isabelle Daranfort, fille du gouverneur de Port Pimousse. Et la deuxième est…
-Grosmanu… souffle Luna.
-C’est exact. ». Biggoblin se tourne, et tapote gentiment la joue du célébrissime Tauren qui semble drogué. Ce dernier jette un regard vide à Mickaël et Luna mais ne semble pas les reconnaître.
« Je vous propose un marché simple… dit Biggoblin. Si vous arrivez vivants jusqu’à mon manoir, je vous laisserai partir avec un des deux prisonniers. Le jeu est très simple : il faut que vous traversiez la jungle. C’est tout.
-Ça sent le piège…
-Je suis un Troll de parole, Luna, pas un vulgaire gangster.
-Qu’est-ce que tu caches ?
-Rien. Demande-toi plutôt ce que je veux… Oh, et, n’espérez pas tricher, hein. Vous n’en seriez que plus désavantagés. Allez les boys, on remballe. ».
Les hommes de main du Troll s’en vont, et Biggoblin reste là, fier, les poings sur les hanches. « Je vous en conjure, dit-il. Réussissez. Ne me laissez pas tomber comme ça.
-Hein ?
-Tu as un coeur pur, Luna. J’ai fondé de grands espoirs en toi.
-Mais de quoi tu parles ?
-Allez, reprenez vos compagnons, et lancez-vous à ma poursuite. Je vous retrouverai à Ann Bonny, tous les six. ».
Et il disparaît dans la foule, comme un fantôme.
- Chapitre 4 : Promenade de santé.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
« Quelqu’un a relevé la plaque d’immatriculation de trente-huit tonnes qui nous a foncés dessus ? ». Quentin se malaxe la tête, tout comme Odhran, Thibault et Lauriane. De retour dans le bateau de Quint, Luna et Mickaël leur expliquent l’étrange altercation qu’ils ont eue avec Biggoblin et ses sbires. Ils en conviennent tous ensemble qu’il n’y a rien d’autre à faire que de jouer le jeu, surtout si c’est vraiment Grosmanu. Une question toutefois subsiste… Pourquoi Biggoblin n’a-t-il pas tué Grosmanu ? Si c’est bien le Biggoblin dont tout le monde parle, c’est-à-dire une canaille finie, pourquoi n’a-t-il pas assassiné Grosmanu alors que ce dernier est à sa merci ?
« Il doit avoir une autre idée en tête… Un gars comme ça, il peut descendre trois mecs et bouffer des pâtes en sauce juste après. C’est pas juste en souvenir du “bon vieux temps”.
-En tout cas, on n’a pas d’autre choix que de se plier à ses règles… Quint, vous connaissez la jungle d’Eden Island ?
-Si j’la connais ? Boudi ! M’en parlez pas ! V’pouvez pas faire deux mèt’ sans v’faire agresser par un animal. Là-d’dans, c’qu’des monstres dang’reux. Si Ann Bonny existe vraiment, si c’pas un piège hein, alors y peut être qu’à un seul endroit : au sommet d’la falaise du Léviathan. Mais pour l’atteindre, va falloir traverser la jungle et gravir la falaise. C’pas une mince affaire. La jungle est hantée par des crocilisques et des raptors. Et la falaise abrite un nid d’wyverns… C’est du suicide pur. Et encore, j’vous parle même pas des pièges mortels comme les plantes carnivores ou les sables mouvants. Du suicid’ pur, j’vous dis…
-C’est tout ? À vrai dire, on a connu pire.
-Et puis, faudra vous attendre aussi à c’qu’Biggoblin intervienne.
-Pourquoi ? Il a dit que…
-Il a dit qu’vous deviez atteindre Ann Bonny, pas qu’y d’vait pas vous en empêcher.
-C’est vrai. Mais bon, on sera prêt pour les accueillir. ».
Le matin vient enfin. Biggoblin entre dans son bureau, où l’attend déjà Zarpuk.
« Tiens, t’es déjà là ? constate Biggoblin.
-Faut qu’on parle, Biggo. » répond Zarpuk.
Biggoblin sourit, et fouille dans ses affaires, dans un coffre. Il sort un trépied, qu’il déplie, et pose dessus une toile de peinture. Puis il s’empare du pinceau qu’il a dérobé chez le Gouverneur Daranfort.
« Je me sens d’une grande inspiration aujourd’hui ! s’exclame joyeusement Biggoblin.
-Je m’inquiète.
-De ?
-Tout ce qu’on fait. Ça me plaît pas.
-Deh’yo, tu es mon ami. Je ne te force pas à faire quelque chose que tu ne voudrais pas faire.
-Non, bien sûr…
-À ton avis, qu’est-ce que je peux peindre ? C’est stupide, ce que je dis, je viens de dire que j’étais pris d’inspiration, aujourd’hui…
-T’as qu’à faire une chauve-souris.
-Kssshéhéhé…
-Écoute-moi, Fus’obeah. J’étais déjà contre retenir Jinnalak, mais là, tu veux tous nous faire tuer.
-Peut-être bien, kssshéhéhé… Ou bien un ogre tiens ! Non, j’ai plutôt envie d’un truc avec des ailes…
-Et puis y a aussi toute cette affaire avec Harlon et les deux Daranfort.
-Ceux-là, je leur réserve un traitement spécial…
-Et la Légion Noire aussi, je crains.
-Bon sang, Deh’yo ! Je veux bien que tu sois perturbé, mais je suis là, quand même ! Je gère, que je sache !
-Pourquoi tu fais ça, Fus’obeah ? Ils ne t’ont rien fait.
-Non.
-Ils ne cherchent que Swatch. On peut s’en débarrasser, ça ne nous fera pas de mal.
-En effet.
-Alors quoi ?
-Alors j’ai besoin d’eux, c’est tout, Deh’yo. Ce n’est rien de personnel, c’est strictement professionnel. Tiens, je sais ce que je vais peindre. ».
Les Protecteurs de Tamriel, ou plutôt l’équipage du Protecteur de Tamriel, pour respecter les apparences, aussi grotesques soient-elles, s’enfoncent dans la jungle. Ils marchent, et marchent, en direction de l’Est, vers Ann Bonny.
« Vous pensez qu’on peut rencontrer quoi, dans cette jungle ? demande Luna.
-D’après Quint, beaucoup de choses.
-Non, mais de vraiment dangereux ?
-Ah… Eh bien, les crocilisques sont plutôt des animaux vicieux. Certains les considèrent comme les reptiles les plus dangereux du monde.
-C’est quoi, un crocilisque ?
-Tu vois un crocodile ? Bah plus gros, et avec six pattes au lieu de quatre.
-Oh… Cool.
-Cool ?! Mais il t’arracherait la tête sans effort tu sais !
-C’est vrai ?
-C’est vraiment méchant, un crocilisque.
-Cool.
-… J’abandonne. ».
Ils avancent dans la jungle, écartant les plantes, les lianes, les buissons de leur chemin. Ils ont la désagréable impression d’être observés.
« Si Grosmanu était là, il aurait pu nous rassurer…
-Mais il est pas là.
-Ouais, et c’est bien dommage. Quel lourdaud, se faire capturer par Biggoblin, aussi.
-Je suis d’accord… Eh mais… C’est moi ou…
-Non non, c’est pas toi. Moi non plus, je ne sens plus mes pieds.
-Super… ».
Ils baissent la tête, et remarquent qu’ils commencent à s’enfoncer dans le sol.
« Des sables mouvants ! s’affole Mickaël. Vite, faut sortir de là !
-Relax, rétorquent Lauriane et Quentin.
-Relax ?! Mais j’aimerais vous y voir, vous ! Ah, mais vous y êtes déjà…
-Dans des sables mouvants, on flotte deux fois mieux que si on était dans l’eau.
-Ah… Et tout ce qu’on voit dans les films, c’est…
-Le truc, c’est de pas s’affoler. Ce qui te fait flotter, c’est la viscosité du sable mouvant. Quand tu t’affoles, tu crées des ondes qui chassent la viscosité et du coup, tu t’enfonces. Mais en général, les sables mouvants sont pas très profonds…
-Vous êtes bien sympas de parler physique-chimie, tranche Thibault, mais ça nous fera pas sortir de là.
-Normalement, faut s’allonger.
-S’all… T’en as d’autres, des idées débiles de ce genre ? Tiens, Lauriane ! Regarde, à côté de toi, y a l’air d’y avoir une grosse liane. Attrape-la ! ».
Lauriane se tourne, et attrape la grosse liane, avant de la rejeter en poussant un cri.
« Qu’est-ce qui se passe ? s’affolent les autres.
-C’est pas une liane, c’est un serpent !
-Classique… commente Odhran. Cette histoire manque d’originalité…
-Mais j’ai horreur des serpents !
-Fais pas ton Harrison Ford… Et arrête de t’agiter, tu vas nous faire sombrer encore plus vite.
-Mais j’ai la phobie des serpents, c’est pas ma faute ! Idiot !
-C’est juste un serpent débile…
-Il a pas l’air d’avoir apprécié… ».
En effet, le serpent se meut rapidement jusqu’à Odhran, il s’enroule autour d’un tronc d’arbre, et utilise le reste de son long corps pour attraper le paladin juste en dessous des bras. Faisant preuve d’une force non soupçonnée, le serpent sort Odhran du piège naturel, et le jette, la tête la première contre le sol dur. Le reptile se met à ricaner bêtement.
« Je déteste ce serpent…
-Au lieu de pester, sors-nous de là ! ».
Une fois l’incident terminé, les Protecteurs reprennent leur chemin. Après quelques heures de marche, ils arrivent en vue d’un fleuve qui se situe en contre-bas.
« Super… On traverse comment, maintenant ?
-On n’a pas le choix, faut foncer.
-Ok… Passe devant, veux-tu. Tu nous diras si la voie est libre. ».
Lauriane lève les yeux au ciel, et passe devant en écartant Mickaël. Elle disparaît de la vue de ses compagnons durant quelques minutes, puis elle revient, finalement, livide.
« Euh… Lauriane ? questionne Thibault. Ça va pas ?
-N-non…
-Allons bon, encore un serpent ? demande Odhran en affichant un sourire vengeur.
-N-non… Un lé-lézard… Un gros lézard… Il doit faire trois mètres de long…
-Raaaah chochotte ! Je vais le cuire ton lézard ! » s’écrie Mickaël.
Et il disparaît de la vue de ses compagnons durant quelques minutes, puis il revient, finalement, livide.
« Euh… Mickaël ? questionne Thibault. Ça va pas ?
-N-non…
-Allons bon ! s’écrie Odhran. C’est qu’un lézard !
-N-non… C’est un… crocilisque…
-Quoi ?!
-Mais il fait pas trois mètres de long par contre…
-Ouf, ça va.
-Il en fait au moins six.
-Et galère…
-Bon, laissez-moi faire, je vais m’en occuper. » tranche Quentin.
Et il disparaît de la vue de ses compagnons durant quelques minutes, puis il revient, finalement, livide et couvert de sang.
« Euh… Quentin ? questionne Thibault.
-C’est bien moi, répond calmement l’intéressé.
-Alors ?
-Je l’ai défoncé, ce crocilisque, c’était rien. Six mètres, c’était du gâteau.
-Pourquoi t’es aussi pâle, alors ?
-Parce que…
-Non, réponds pas, le coupe Mickaël. Je vais essayer de deviner. Un piranha t’a mordu.
-Douleur atroce… ». Quentin se tourne, et effectivement, une demi-douzaine de petits poissons sont fermement accrochés à son dos par leurs mâchoires, et frétillent inutilement et rageusement de leur petite queue cartilagineuse et luisante.
« Eh bah, t’as trouvé de teigneux petits compagnons, on dirait.
-Enlève-les, c’est tout ce que je demande. ».
Les voilà à présent juste devant le fleuve. L’autre rive se situe à une vingtaine de mètres.
« Comment on peut traverser ça ?
-À la nage, propose Luna.
-Certainement pas ! rétorque immédiatement Quentin.
-On pourrait se faire une embarcation, mais ça prendrait plusieurs jours… Je pense pas qu’on tiendrait tous dessus de toute façon.
-Y a qu’un seul moyen, alors. Faut le remonter et le contourner.
-Mais ça prendra une éternité !
-Tu vois autre chose ?
-Oui, regarde, là. ».
Ils s’approchent d’une étrange forme marron sombre longiforme, qui se révèle être une pirogue rudimentaire.
« Ah, c’est quoi ça ! Tu vois, faut avoir l’œil.
-Justement, Mickaël, rétorque Quentin. Si t’as l’œil, regarde mieux. ».
Mickaël soupire, et se penche au-dessus de la pirogue, puis sursaute en voyant son contenu : un cadavre momifié de Troll des îles.
« Ah ouais, effectivement… Qu’est-ce qu’il fait dans mon bateau, çui-là ? Ouste ! Dehors !
-Ton bateau ? Ça y est, t’as un tricorne, et tu prends pour un capitaine ?
-C’est d’ailleurs assez insupportable, commente Luna. Vous auriez dû le voir frimer à Kar Kinos. Incorrigible.
-Luna, je te ferai pendre par un hauban sitôt que j’achèterai mon propre navire, réplique Mickaël.
-Ah oui ? Et avec quel argent tu vas l’acheter, Messire Capitaine ?
-Avec celui que j’aurai quand on aura capturé Biggoblin, pardi !
-Rêve pas. Si on capture Biggoblin, on se partagera tous l’argent. Donc, si on compte en plus Grosmanu et Quint, ça te fera 13'750 septims. De quoi t’acheter un petit navire de pêche.
-Ça sera largement suffisant pour écumer les mers avec ta tête décorant ma figure de proue.
-Tu t’y crois vraiment, hein ?
-Tout ce qui est susceptible de te nuire ou de te tuer me fait rêver.
-Irrécupérable…
-Toujours est-il, reprend Odhran plus sérieusement, qu’on ne peut pas prendre cette pirogue.
-Ah oui, et pourquoi donc, Maître Odhran ? demande Mickaël.
-Ce serait une offense à l’esprit de ce mort !
-Oh… Et alors ?
-Et alors on ne peut pas vandaliser sa tombe !
-Bon sang, Odhran, obéis à ton capitaine et jette cet intrus hors de mon bateau !
-Je ne peux pas, “capitaine”. Je suis un paladin, ce serait contraire à mes principes !
-Les pirates n’ont pas de principes de ce genre, enfin ! De quoi aurait eu l’air Long John Silver s’il avait eu des principes aussi alambiqués que les tiens ? Le seul truc qu’il y aurait gagné, ça aurait été une jambe valide.
-C’est non.
-Je te ferai jeter aux fers pour mutinerie, traître. ».
Rejetant finalement l’idée d’emprunter la pirogue funéraire, à la grande frustration du terrible et sanguinaire Capitaine Mickaël, nos amis optent pour la décision de remonter le fleuve et de le contourner. Ils reprennent donc leur décidément longue marche.
« C’est bizarre, mais j’ai de nouveau cette sensation d’être observée, frissonne Lauriane.
-T’es pas la seule… dit Luna.
-Qu’est-ce qu’il peut y avoir dans cette jungle ?
-Rien… C’est la jungle elle-même.
-Non, la coupe sombrement Thibault. Il y a quelque chose entre ces bois… Quelque chose de malveillant.
-Tu sens une présence magique ?
-Non. Démoniaque. Et ça ne me rassure pas.
-Comment ça, démoniaque ?
-Ça m’intrigue aussi… Mais c’est puissant… Très puissant… C’est peut-être le succube…
-Le… le succube de Graï’deï ?
-Je ne sais pas. C’est une possibilité. Allez, avançons. ».
Ils reprennent leur marche, cependant beaucoup moins rassurés qu’auparavant. Le soleil commence à disparaître de l’horizon, et aborde sa descente qui va plonger Eden Island dans une couverture de noirceur et de ténèbres qui, en règle générale, assure une triste fin aux aventuriers et marins trop téméraires. C’est en effet à l’instant même où le soleil disparaît derrière l’océan que des volutes d’une vapeur cristalline s’élèvent des flots tumultueux. La nuit, Eden Island est enveloppée d’un épais brouillard, empêchant ainsi la plupart des bateaux de naviguer dans ses eaux. Le seul endroit épargné par cette fumée mystérieuse, c’est le port de Kar Kinos. De fait, le port dispose d’un phare, modèle réduit d’un véritable phare, faute de moyens, qui dégage cependant pour son petit gabarit une puissante lumière guidant les navires. Évidemment, les navires dits “de bonnes mœurs” ne suivent pas cette lumière, et généralement ne naviguent pas la nuit près d’Eden Island. D’une part à cause bien sûr des récifs qui émergent périodiquement des flots, d’autre part à cause du “vaisseau fantôme”. On raconte que si un navire passe près des côtes d’Eden Island la nuit, il a une chance sur trois d’être envoyé par le fond. Une chance sur trois, c’est quand même deux sur trois de ne pas l’être. En théorie. Mais revenons à notre histoire.
Des bruissements d’ailes font s’arrêter net les Protecteurs dans leur inlassable marche.
« C’est rien, c’était qu’un oiseau des îles…
-T’as pas l’air trop sûr, Odhran.
-Je fais comme je peux… Attendez. Vous entendez ?
-Quoi ? ».
Ils tendent tous l’oreille, et doucement, une mélopée, une complainte, une lamentation… Un doux chant vient leur chatouiller les tympans…
« Qu’est-ce que…
-Vous entendez quoi ? demande Lauriane.
-T’entends pas ce… cette… Oh mon Dieu… C’est ravissant… D’où ça vient ?
-Mais qu’est-ce qu’ils entendent ? demande Luna. Et, attendez, revenez ! ».
Trop tard, les quatre garçons s’enfoncent dans les bois, n’entendant plus que la douce complainte qui résonne à l’intérieur de leur tête.
Ils progressent au gré de la végétation, et débouchent sur une petite clairière, au centre de laquelle siège, majestueux et pourtant sommaire, un point d’eau dans lequel se prélassent quatre femmes somptueuses. Intrigués et attirés par le chant de ces quatre femmes, les garçons s’approchent d’elles avec une discrétion dont on a peine à leur reconnaître en temps normal. Les femmes se tournent vers les nouveaux arrivants, complètement dénudées, mais de leurs cheveux, de leurs yeux émane cette essence impériale et sacrée qui force au respect, ce mélange d’admiration et de crainte. Les garçons s’assoient au bord de l’eau transparente, complètement subjugués par leur découverte. Les jeunes femmes leur servent un peu de cette eau pure à boire dans un petit bol en terre cuite… Et c’est le noir.
« Bon, Harlon, ça vient, ce skouma gazeux ? ». Biggoblin commence à s’impatienter. La nuit est tombée depuis une heure ou deux maintenant. Jack, couché, pousse un petit grognement qui lui est si caractéristique.
« Ouais, bon, Jack, tu m’arranges pas non plus, reprend le Troll. On mangera après.
-Graoaol…
-Ouais, je sais que je suis de mauvaise humeur ! Bon, attends-moi dehors, j’arrive. ». Jack se lève péniblement, et se traîne jusque dans le couloir. Biggoblin referme la porte du petit laboratoire derrière lui, et se retourne vers Harlon Swatch. La solution qu’il tient dans la main prend soudain une couleur rosâtre. Très vite, il la verse dans une bouteille, qu’il ferme avec un vaporisateur.
« Ça y est !
-Ah, enfin… ».
Harlon tend la bouteille à Biggoblin, qui la regarde comme un couteau regarde une poule. Il s’en empare et ricane.
« Kssshéhéhé… Génial, Harlon, tu as fait du bon boulot…
-Je peux m’en aller, maintenant ?
-Où donc ?
-Loin d’ici. Je veux partir avec Aliza. Je veux que notre association s’arrête ici et maintenant.
-Oh… Tu es sûr de vouloir t’en aller ? Je veux dire, tu es ambitieux et doué, Harlon. Tu pourrais aller très très haut. En tout cas, je peux te recommander auprès de collègues du WTF…
-Non Biggo, c’est sympa, mais je veux mener une vie normale, je ne veux plus me cacher. La seule chose que je demande, c’est que tu me laisses partir avec Aliza…
-C’est vraiment ce que tu veux ?
-Oui.
-Bon… Très bien… Je vais demander aux sbires du WTF de te préparer une embarcation pour que tu puisses rejoindre Port Pimousse. De là, par contre, tu devras te débrouiller si tu veux retourner à Cyrodiil.
-Ça me va.
-Très bien. ».
Biggoblin lui tend la main, et au début, Harlon est surpris et hésite, se demandant s’il s’agit d’un piège… Mais finalement, il attrape la main Biggoblin et la secoue.
« Juste, reprend le Sombrelance, écris-moi la formule.
-J’ai anticipé, et elle est là, sur la table.
-T’es vraiment un pro, Harlon… ». Soudain, un cri de terreur attire son attention. Un guerrier Orque en armure entre en trombe dans le laboratoire, Jack juste derrière lui.
« Biggo ! s’écrie l’Orque.
-Qu’est-ce qu’il y a, Karshroon ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
-C’est la guerrière. Elle est dans la grande salle.
-Ah… Parfait… Que tous les sbires se mettent en position. Allez, pars devant, j’arrive. Fais en sorte qu’elle ne s’échappe pas de suite, ce coup-ci. Jack, tu viens avec moi, tu vas enfin pouvoir manger. ». Karshroon se précipite vers la grande salle alors que Biggoblin fait un détour par son bureau.
Quand le Sombrelance arrive dans la grande salle, Baggy, Karshroon, Kardum, Jacktroll, Settrah et Akorah encerclent une frêle personne. Zarpuk s’approche de son capitaine, et lui résume rapidement la situation. Biggoblin sourit, et s’approche de la fameuse guerrière. Ses compagnons s’écartent pour laisser place à la confrontation. La guerrière en question est très pâle, de taille moyenne. Des cheveux noirs mi-longs en bataille abondent comme des plantes autour de ce masque blanc représentant vaguement une tête de chat. Elle est presque nue, vêtue en tout et pour tout d’un sarong noué au niveau de la taille. Son avant-bras droit arbore une cicatrice circulaire.
« Eh bien, voyez-vous ça… lâche Biggoblin. Je rencontre enfin en face à face la célèbre Guerrière du Crépuscule. Enchanté, moi, c’est Biggoblin. Chasseur Troll spécialisé dans la maîtrise des bêtes. Et lui, c’est Jack, mon raptor. ».
La jeune femme réplique quelque chose dans une langue totalement incompréhensible, mais Biggoblin semble bien comprendre qu’elle lui a adressé des paroles plutôt hostiles.
« Super… Et moi qui pensais apprendre quelque chose de toi…
-Pourriture de pirate, dit la femme à mi-voix.
-Hormis des insultes, je voulais dire…
-As-tu la moindre idée de ce que tu fais ? De la catastrophe que tu vas créer ?
-Laissez-nous… ordonne Biggoblin.
-Mais, Biggo… commence Zarpuk.
-C’est un ordre ! ».
Les pirates se regardent, interloqués, mais obéissent à leur capitaine, et le laissent en compagnie de l’étrange guerrière à demi nue.
Dès que la porte se referme, vif comme l’éclair, Biggoblin empoigne la jeune femme par la gorge et la plaque contre un mur, et lui arrache son masque du visage.
« Je me doutais bien que c’était toi…
-Je t’en conjure, cesse immédiatement tes activités. Tu vas détruire l’équilibre du monde si tu continues, et…
-Je suis prêt à sacrifier le monde, l’Oblivion, et la planète entière pour Vidya. Aucune personne ne mérite de souffrir autant qu’elle ne souffre elle.
-Comprends-moi, je…
-Je te comprends, la coupe Biggoblin en resserrant ses trois doigts autour la gorge de la jeune femme. Ce qui m’énerve le plus… C’est que tu me prends pour un imbécile. Tu ne me connais pas, je ne te connais pas… Mais si tu es bien celle que je crois que tu es, tu devrais te douter que moi aussi, je m’y connais un minimum en stratégie militaire.
-Ce pacte ne t’apportera que du malheur et de la déception…
-Je suis prêt à endurer ça une centaine de fois pour Vidya !
-Je pensais pouvoir te raisonner, mais je me suis trompée…
-La vie n’est qu’une succession d’erreurs. Eh, mais qu’est-ce que… ». Brusquement, la guerrière devient translucide, et passe au travers du Troll, puis elle s’enfuit à toutes jambes en passant au travers des murs. Biggoblin a beau hurler de l’arrêter, rien n’y fait. L’insaisissable guerrière disparaît une fois de plus à la faveur des ombres.
« Mon Dieu… Mais qu’est-ce qui te prend, Biggoblin ? se demande-t-il seul. Tu sais ce que tu fais…
-Biggo ! crie Zarpuk.
-Quoi, ENCORE ?!
-Harlon et Aliza ont disparu…
-On dirait qu’il n’a pas su attendre jusqu’à demain matin… ».
Les quatre Protecteurs de Tamriel masculins se réveillent douloureusement, sous le regard invectif de leurs deux compagnes.
« Oh mon Dieu ma tête… gémit Thibault.
-Qu’est-ce qu’il fait chaud… geint Odhran.
-C’est normal, disent sèchement Lauriane et Luna.
-Qu’est-ce qu’on est serrés…
-C’est normal…
-Qu’est-ce que ça sent bon le ragoût…
-C’est NORMAL ! ».
Zoom arrière, plan large, et nous voyons qu’effectivement, nos six compères sont ligotés et plongés dans une énorme marmite pleine d’eau en train de chauffer, entourés par une horde de Trolls affamés se frottant les mains, se léchant les babines et se nouant des serviettes autour du cou.
« Nous tombons de Charybde en Scylla, constate très justement Quentin.
-Noooooooooon ! hurle soudain Mickaël. Catastrophe ! Le sanguinaire capitaine Mickaël ne peut pas finir dans le ventre d’un Troll puant ! C’est trop nul, comme fin…
-En parlant de capitaine, t’as perdu ton tricorne, tu sais…
-Quoi ?! Malédiction ! Blood’n’guts ! J’ai même pas le droit au moins de couler avec mon navire ?
-Ton hypothétique navire, corrige Luna.
-Navire que j’aurais eu si je t’avais vendue comme esclave au marché de Port Pimousse…
-T’es tellement doué que t’aurais percuté un iceberg en pleine mer chaude.
-Je te ferai exécuter pour menace envers ton capitaine !
-Mais comment vous pouvez vous disputer dans un moment pareil ?! s’affole Thibault. C’est quand même pas croyable, ça !
-Bon… souffle Quentin. L’un d’entre vous aurait-il une idée géniale pour nous sortir de là ? Déjà, comment on est arrivé là-dedans ?
-Vous avez été attirés par ces femmes, qui étaient en fait des sirènes… Au moment où elles allaient vous bouffer, ces Trolls sont arrivés et vous ont “sauvés”.
-Super, plutôt que de finir en sashimi, on va finir en ragoût. Bon, comment on s’en sort, ce coup-ci ?
-Au-cu-ne i-dée. C’est le coup de le dire, mais on est cuit.
-Rôtis, oui…
-Quel dommage, se lamente Odhran, je saurai même pas quel goût on a.
-Mais… Tu te rends compte de ce que tu dis ?!
-Je suis sûr qu’accompagnés avec un peu de bière, on doit être délicieux…
-L’un d’entre vous aurait pas un pouvoir magique utile ? demande Luna.
-Nan, pas sans risquer de nous tuer tous les six par la même occasion, répond Lauriane. À moins que… Les Trolls sont superstitieux, non ?
-Euh, oui, et alors ? demande Mickaël.
-On pourrait leur faire croire que nous sommes des envoyés divins…
-Faudrait déjà qu’ils parlent notre langue… Et si c’est le cas, alors ils viennent d’entendre et de comprendre notre plan.
-D’accord, alors on est foutus ?
-Je crois que c’est encore l’option la plus enviable et la plus réaliste.
-Ok, alors on est foutus. ».
- Chapitre 5 : La lumière des anciens.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
« Oh mon Dieu… murmure Thibault.
-Oui, c’est bien moi, répond Mickaël.
-T’es con… Non mais regarde-moi ça…
-Quoi ? Oh mon Dieu !
-Oui, c’est bien moi, répond Odhran.
-T’es con ! Non mais regarde-moi ça !
-Quoi ? OH MON DIEU…
-Et voilà, soupire Luna… Dès qu’il y a une nana presque nue, c’est forcément pour eux… ». Une Trollesse sublime, même pour les standards elfiques, et assez peu vêtue, même pour les standards trolls, s’approche d’eux. Autant les Trolls mâles ont une apparence bien à eux, à savoir long nez, longues oreilles pointues, des défenses plus ou moins longues, autant les Trolls femelles disposent d’une morphologie relativement identique à l’Elfe : les oreilles sont courtes et pointues, et elles n’ont quasiment pas de défenses. La Trollesse s’adresse à l’un de ses congénères, et ils se mettent à échanger dans leur dialecte particulier.
« Mais qu’est-ce qu’ils racontent ?
-Sais pas. ».
Au fil de leur conversation, Thibault réussit à distinguer clairement quelques mots : Fus’obeah, wi’mek, et whutless, sans pour autant savoir ce qu’ils signifient. Finalement, la Trollesse se tourne vers eux, et, appuyée sur son bâton, se met à leur parler :
« Qui êtes-vous ?
-Vous parlez notre langue ?
-Bien sûr. J’ai fait des études, aussi.
-Je pensais pas…
-Méfiez-vous des apparences. Qui êtes-vous ?
-Je suis le capitaine Mickaël ! Mais, vous pouvez m’appeler simplement “capitaine”. Et eux, ce sont mes matelots. Un bien bon équipage, bien que…
-La ferme, coupe Lauriane. Nous sommes les Protecteurs de Tamriel. Nous venons de Cyrodiil, et nous sommes ici pour retrouver un dangereux criminel, Harlon Swatch.
-Vous n’êtes donc pas des pirates ?
-Non, bien sûr que non ! C’est pas parce qu’un dégénéré mental dans notre groupe se prend pour un capitaine que nous sommes des pirates.
-Vous êtes pourtant vêtus comme des pirates…
-Méfiez-vous des apparences. Qui êtes-vous ?
-Je m’appelle Circé, je suis la guide du clan Danselame.
-Bon, ça vous dérangerait pas de nous sortir de là ? Commence à faire chaud ! » s’écrie Quentin.
Circé acquiesce d’un mouvement de la tête. Deux grands Trolls empoignent la marmite et la déplacent sur le sol froid, tandis que d’autres Trolls, à grands regrets, éteignent le feu. Quelques minutes plus tard, les Protecteurs de Tamriel sont de nouveau libres de leurs mouvements, bien que trempés jusqu’à la moelle. L’endroit où ils se trouvent est en fait un petit village constitué de frêles pagodes, construites tout autour de ce qui ressemble de près, de trop près, à un temple ayléïde. Ce que ne manque pas de remarquer Mickaël.
« Encore un temple ayléïde… J’en peux plus de ces temples, ils me vont rendre fou.
-Ça serait partir du principe que tu as une cervelle, réplique aussitôt Luna, ce qui est en soi une aberration.
-T’as un problème, clochette ? ».
La nuit est calme et silencieuse. La hutte de Circé est vaste et circulaire. Malgré le fait qu’elle soit une sorcière, Circé est particulièrement jeune. Et belle. Et bien roulée. Si Shakira avait l’occasion de la rencontrer, elle s’adonnerait immédiatement à l’art occulte qu’est le vaudou. Pendant le repas que les Protecteurs de Tamriel avalent avec une ardeur toujours plus revigorée, Circé leur détaille la vie des Trolls Danselame.
« Ici, les Trolls croient beaucoup à des esprits supérieurs. D’où mon rôle. Mais écoutez ceci. Dans le temple réside un pouvoir immense. Que seul “l’élu de Lumière” sera capable de maîtriser. Mon peuple se transmet cette histoire de génération en génération : avant, il n’y avait rien. Que le néant. Puis le monde fut créé par les Titans.
-Les Titans ? l’interrompt Thibault.
-Oui. Ils n’étaient pas faits de chair et de sang, non, ni même de magie, ni même d’essence démoniaque. Ils étaient… au-delà de ça.
-Je croyais que les aspects élémentaires étaient apparus les premiers.
-C’est ce que croient la plupart des gens. Mais les Titans étaient là bien avant. Les Titans étaient des entités très puissantes. On dit qu’ils avaient un don bien particulier, don qui a causé leur perte.
-Lequel donc ?
-Le pouvoir de ressusciter les morts.
-C’est tout ?
-Je ne parle pas d’une résurrection comme celle opérée par un vulgaire nécromancien, mais d’une résurrection parfaite. Comme si la personne n’avait jamais cessé d’exister, encore, et encore, et encore…
-Je ne vois pas en quoi c’est quelque chose de mal. Tout le monde rêve de la résurrection. Qui n’a pas peur de la mort ?
-Les Titans ont créé les Divins et les autres divinités dans le but de les servir, et ces divinités mineures étaient mortelles. Les Titans les ramenaient sans cesse à la vie pour continuer à exercer sur elles leur joug tyrannique.
-Oh…
-Les divinités mineures se sont finalement révoltées, et au terme d’une guerre sanglante, le divin dragon Akatosh créa une fosse au centre du monde et y enferma les éternels Titans. Cependant, avant de disparaître pour toujours, les Titans créèrent une armure. Une armure faite d’un acier indestructible. Une armure alimentée par leur essence même. La création de cette armure avait un but bien précis : utiliser la création des divinités mineures, le mortel, et en faire un champion qui les délivrerait de leur prison souterraine. Heureusement pour notre univers, l’armure a été éparpillée à quatre coins du monde et n’a jamais pu être reconstituée.
-Que se passerait-il si l’armure venait à être rassemblée ?
-Si un mortel porte l’armure des Titans, il deviendra leur égal, un nouveau Titan, avec tout le pouvoir nécessaire pour libérer ces montres de leur prison souterraine. Heureusement, jusqu’à présent, personne n’a trouvé l’armure entière. Mais il y a de cela quelque temps, un mortel a découvert une partie de l’armure des Titans…
-Qui donc ?
-Si vous êtes bien les Protecteurs de Tamriel, vous le connaissez.
-… Arx Fatalis… ».
Tout paraît soudain trop clair.
« Oui… confirme Circé. Arx Fatalis était le champion des Titans.
-Pourquoi vouloir détruire les Elfes, je ne comprends pas…
-Les Elfes sont des créatures immortelles, reflet parfait des dieux. Par conséquent, ils ont été investis d’une énorme responsabilité : ils sont la barrière magique empêchant le retour des Titans.
-Donc s’ils disparaissent, les Titans reviendront…
-Exact. Heureusement pour nous, Arx Fatalis est mort, et c’est tout ce qui compte.
-Pourquoi nous conter toute cette histoire alors ?
-Notre tribu est depuis toujours la gardienne du pouvoir capable de réduire à néant les projets des Titans. Une arme capable de vaincre le porteur de l’armure noire. Seul l’élu pourra s’en emparer et chasser les “Créateurs Noirs” une bonne fois pour toutes.
-Vous pouvez nous montrer cette arme ?
-Demain. ».
Le lendemain matin, comme promis, les Protecteurs de Tamriel gravissent les marches du temple, accompagnés de Circé. Une fois tout en haut de l’antique édifice, nos amis se trouvent sur une vaste terrasse rectangulaire, et font face à un mur d’un blanc nacré.
« L’arme se trouve derrière, explique Circé. Laissez-moi vous prévenir. De nombreux aventuriers sont venus et se sont crus détenteurs du pouvoir. Tous sont morts.
-Classique… souffle Mickaël.
-Cependant, je vous avertis. Cette arme ne doit être possédée que par “l’élu”. Elle ne doit en aucun cas tomber entre de mauvaises mains.
-Pas de problème, Fatalis est mort.
-Je parle de Biggoblin Raptorclaw.
-Logique, c’est un pirate…
-Raptorclaw n’est pas celui que vous pensez. Quelles que soient les épreuves que vous ayez traversées, vous n’avez jamais affronté quelqu’un comme lui. Sachez qu’il sera prêt à tout pour mettre la main sur l’arme. Même si cela implique de vous tuer. Il ne reculera absolument devant rien.
-Rien de rassurant… Bon, allez, let’s go, on a une arme à retirer. ».
Les six compagnons laissent Circé en arrière, et tâtent le mur blanc, cherchant à y dénicher une quelconque et imaginaire faille.
« Quelqu’un a une idée ?
-Franchement, non, répond Quentin. Et je pense que réduire le mur en morceaux ne nous avancera pas.
-Thibault, t’as une idée ?
-Non, répond le démoniste. Absolument pas. Je ne ressens rien de démoniaque ou de magique là-dedans… Si Grosmanu était là, on aurait pu l’utiliser comme bélier.
-Taureau, tu veux dire.
-S’il t’avait entendu, il aurait dit “ Qui c’est que tu traites de taureau ? C’est MEUH que tu traites de taureau ?!”.
-Ha ha ha ha ha ! Très bonne imitation ! Il serait fou s’il nous entendait…
-Oui, et il aurait défoncé ce mur…
-Eh oui… Faut qu’on le sauve, lui, quand même…
-Stop.
-Quoi ?
-Il y a quelqu’un… C’est étrange… J’ai l’impression de connaître cette présence…
-Amie ou ennemie ?
-Aucune idée. Mais ce n’est ni magique, ni démoniaque…
-Ça s’arrange pas, notre affaire, là… ».
Mais soudain, le mur se rétracte dans le sol, et laisse apparaître une épée dont la lame étincelante est encastrée dans un socle de marbre.
« Ça alors… murmure Circé.
-C’est une épée, leur fameuse arme ? demande Mickaël, déçu.
-Tu t’attendais à quoi ? lui demande Lauriane.
-Un lance-missiles.
-… T’es à la pointe de la technologie, dis-moi. Bon, qui se dévoue pour la prendre ?
-Moi ! s’exclame Odhran. Je suis paladin.
-C’est logique. ».
Odhran s’approche de l’épée, l’empoigne par la garde… et se révèle totalement incapable de l’extraire de son socle, finissant même par tomber en arrière. La lame n’a pas bougé d’un centimètre. Mickaël éclate de rire.
« Comme tu t’es ramassé Odhran ! Wouah ha ha ha ha ha ha !
-La ferme, réplique le paladin gêné.
-Attends, je vais t’imiter. ».
Le mage s’approche de l’épée, et l’empoigne par le garde.
« Moi ! Je suis paladin, lâche-t-il en ricanant bêtement. Et puis ça a fait ça. ».
Et il retire l’épée de son socle.
Le temps semble s’être arrêté. Toutes les personnes assistant à la scène sont bouche bée. Même Mickaël, qui n’en revient absolument pas. Il regarde l’épée, comme si elle allait lui dire “Même moi j’y crois pas…”, mais non, l’épée ne dit rien. Personne ne dit rien. Le silence règne et le temps s’est figé. Mais brusquement, Mickaël jette l’épée sur le sol.
« C’est hors de question ! crie-t-il.
-C’est… toi l’élu ? fait Luna.
-Non, je veux pas ! Absolument pas ! Tiens, Luna, prends-la ! C’est toi la meilleure, donc prends-la ! ».
Mickaël ramasse l’arme, et la lui tend en s’agenouillant devant la jeune femme. Cette dernière ne sait absolument pas comment réagir. Mais un bâton vient se mettre entre les deux.
« C’est non, tranche Circé.
-Mais je veux pas de cette responsabilité ! gémit Mickaël.
-Personne ne la veut.
-Je ne suis pas cet “élu” ! Je n’ai rien à faire de cette guerre ou de ces Titans, moi ! Je veux juste rentrer chez moi !
-L’épée de Lumière t’a choisi toi. Tu ne peux rien contre la décision des dieux.
-Je ne crois pas à vos dieux ! Je ne crois à aucun dieu !
-Y croire ou pas ne change rien. Ce qui est fait est fait.
-Il a raison… » fait une voix sombre.
Ils font tous volte-face, et son éberlués de voir une silhouette qu’ils connaissent très bien, mais lugubre, pâle, entourée de flammes bleuâtres et maladives... Pyrodark.
« Voilà le test final… dit Circé à demi-mot.
-Ne les écoute pas, Mickaël, siffle Pyrodark. Ne l’écoute pas. Écoute-moi…
-Si tu parviens à le battre, alors tu sauras vraiment si tu es l’élu ou non. Venez vous autres, laissons-le…
-Mais… commence Lauriane.
-Venez. ». Ils regardent Mickaël… Aucun d’entre eux n’aurait aimé avoir cette épée. Avant que Mickaël ne s’en empare, aucun n’avait vraiment pensé aux conséquences. Aux actes. Aux sacrifices. Aux devoirs. Finalement, ils lui tournent le dos, et imitent Circé qui est déjà en train de descendre les marches. Seule Luna reste encore un peu. Sur le coup, elle regrette. Durant une minute, elle aurait voulu être à la place de l’infortuné Mickaël. Pour pouvoir partager ce fardeau… Personne ne devrait avoir une charge de cette taille sur son dos… Mais Mickaël doit la supporter.
Les Protecteurs de Tamriel achèvent leur descente, et remarquent que les Trolls Danselame forment un drôle de cercle. Ils se fraient un chemin entre les villageois aux longues oreilles, et sont consternés de voir ce qu’ils voient.
« Toi… murmure Lauriane.
-Swatch ! s’écrie Thibault. Harlon Swatch ! ».
Biggoblin arpente ses couloirs en compagnie de Jack. Il tient une sorte de plan dans les mains, et ne cesse de le regarder avec des yeux qui s’allument de passion et de bonheur.
« Encore une belle journée qui commence ! s’exclame le Sombrelance.
-Graor ! grogne joyeusement le raptor.
-Mmh ? Oui, bien sûr ! ». Le Sombrelance, tout sourire, s’accroupit au niveau de son raptor, et lui caresse délicatement la nuque.
« Tu sais ce que c’est, mon rêve, Jack ?
-Graoar ?
-À part celui-là.
-Grao.
-C’est ça. ». Il lui montre le plan qu’il tient dans les mains. Un plan de construction très complexe.
« Graorao !
-Presque. C’est un bateau.
-Graoa ?
-Oui, un bateau qui vole. Quand on aura fini tout ça, Jack, je ferai construire ce bateau. Grâce à la carte que j’ai prise chez le Gouverneur. Tu imagines la puissance de feu de cet engin de guerre ? Le seul et unique vaisseau de guerre capable de raser une ville entière sera à nous, Jack !
-Grooo…
-Mais non, ce que tu es bête ! On dévastera pas de villes, gros malin. Quand je dis ça, c’est pour le prestige. L’important, c’est qu’il puisse voler. Et accessoirement de raser des villes.
-Grarao ?
-Oui, j’ai déjà une idée. Je le baptiserai Revenge of Darspear ! La terreur du ciel ! Avec lui, on pourra même affronter des dragons, tu te rends compte ?
-Groumpf ?
-Mais comment diable veux-tu que je sache ?! T’auras qu’à goûter pour savoir quel goût ça a, j’en sais rien moi… ».
Ils reprennent leur ronde, quand Jack s’arrête net devant une porte sur laquelle est inscrit le nom KARSHROON. Le raptor hume l’air et grogne. Biggoblin lève les yeux au ciel et soupire. Ce coup-ci, elle va aller au fond d’un cachot et elle n’en bougera pas, appétit sexuel prononcé ou pas. Y a pas de plaisir privé qui tienne, ça commence à bien faire. Doucement, il ouvre la porte, et remarque la tête blonde de Princesse couchée sur le torse du guerrier Orque. Biggoblin, sans faire aucun bruit, et avec une grâce surprenante, arrive jusqu’à la fenêtre, dont il ouvre lentement les volets. Dès que la lumière s’engouffre dans la chambre, Princesse cache sa tête sous les draps, et Karshroon entrouvre ses yeux brûlants avec difficulté.
« Très bien, commence Biggoblin. Qu’est-ce que je vous avais dit, miss Daranfort ?
-Euh… minaude la jeune femme toujours cachée sous la couette.
-Attendez. ».
En effet, Jack fait des gestes étranges pour attirer l’attention de son maître.
« Qu’est-ce que tu veux, Jack ?
-Grao gra graoa gra !
-Hein ? Mais qu’est-ce que… Alors… Ça… Tu me fais une blague ? ». Face à la réponse négative de son animal, Biggoblin, furieux, et arrache le drap, et se rend compte que Jack a raison : ce n’est pas miss Daranfort, c’est Aliza.
« Qu’est-ce que tu fais là ?! rugit le Troll en attrapant Aliza par la gorge.
-Biggo ! s’affole Karshroon. Lâche-la, tu es en train de l’étouffer !
-La ferme ! Où est Daranfort ?!
-Biggo tu serres trop fort, tu vas la tuer !
-À moins que… ».
Biggoblin, les yeux perdus dans le vide, lâche la jeune femme. Tout s’enchaîne dans sa tête, d’un seul coup. « Swatch… Harlon Swatch… Je vais tuer ce gosse… ».
Mickaël soutient le regard provocateur de son double noir. Ce dernier lui tourne autour comme un vautour tourne autour d’une carcasse.
« Surprenant… Tout à fait surprenant… ».
Pyrodark se frotte ses longs cheveux noir corbeau et sales.
« Je dois avouer que je ne m’y attendais pas…
-Je refuse cette arme, je ne la prendrai pas.
-C’est pourtant le seul moyen de sauver ceux que tu aimes.
-Laisse-moi partir… C’est tout ce que je demande… Je ne veux pas de cette épée, je ne la veux pas.
-Vraiment ? Kssshéhéhé… ».
Pyrodark prend l’apparence de Biggoblin.
« Mickaël, tu te rends coupable de ton plus gros défaut. La lâcheté. Tu es minable.
-Laisse-moi partir. Je vais remettre l’épée à sa place et tout redeviendra comme avant.
-Je ne pense pas, non…
-Tu n’existes pas ! Tu n’es qu’une représentation immatérielle de la magie ambiante ! Tu ne peux rien me faire !
-C’est une erreur grave que tu commets là… ».
Biggoblin prend l’apparence de Valéria.
« Arrête de prendre la forme de mes ennemis ! Ça ne marche pas !
-Je dois reconnaître que je m’attendais vraiment à ce que tu me sautes dessus…
-Dégage de ma tête ! Dégage de ce temple !
-Que je m’en aille ? Mais je ne peux pas, Mickaël… Je ne peux simplement pas… ».
Valéria prend l’apparence d’un personnage que Mickaël n’a encore jamais rencontré. Un grand homme, cheveux noirs sales, yeux noirs et profonds, vêtu d’un long manteau vert pomme et orange. Sur sa tête trône un haut-de-forme de même couleur.
« Qui es-tu vraiment ? demande Mickaël. Je le sens, tu n’es pas irréel… Tu as une présence magique.
-En effet. J’ai de nombreux noms, Mickaël…
-Alors que veux-tu de moi à la fin ?
-La vraie question, c’est toi, qu’est-ce que tu veux vraiment de toi-même ? Je peux t’aider à porter ce fardeau, jeune et brave Mickaël. Laisse-moi te donner un petit coup de main.
-Tu… tu peux le faire ?
-Évidemment. Presque rien ne m’est impossible. Tu veux devenir le terrible capitaine Mickaël ? Commande et j’obéirai. Je te donnerai un bateau et un équipage. Une liberté à laquelle les dieux eux-mêmes n’oseraient songer. Je peux réaliser le moindre de tes rêves… Et je connais tes rêves. Je connais ton rêve… Donne-moi l’épée. Ensemble, nous pourrons réaliser de grandes choses, Mickaël… Tout ce que tu as à faire, c’est me donner cette épée.
-Je… je ne sais pas…
-Tu ne sais jamais. Tu m’es désespérément inutile, je ne vois pas pourquoi je m’acharne à essayer de t’aider. Tu n’es même pas capable de prendre une petite décision de rien du tout. Je te propose le monde, non, l’univers, en échange d’une petite épée de rien du tout.
-Oui mais voilà… Ce n’est pas l’univers que je veux. ».
Mickaël se lève, empoigne l’épée, écarte l’étrange silhouette de son chemin, et s’en va.
« Eh bien… C’est… Tout à fait inattendu, hoquette la silhouette au moment où Mickaël va amorcer sa descente. Je ne m’attendais pas à ça… Demande-moi ce que tu désires, je te l’offre ! Ne pars pas comme ça !
-Je ne veux qu’une chose… Et je ne l’obtiendrai que par moi-même.
-Et… Qu’est-ce donc ?
-Adieu.
-Attends attends, on n’a pas fini notre petit business, tous les deux ! ».
La silhouette apparaît devant Mickaël et lui attrape sa main libre.
« Allons, il y a certainement un moyen de s’arranger, non ?
-Non.
-En temps voulu, tu verras que si… ».
La silhouette disparaît, et Mickaël descend l’escalier.
Au pied du temple, il y a un étrange attroupement. Les Trolls sont agglutinés les uns sur les autres et regardent une bagarre. Mickaël se fraie un chemin entre les villageois, et voit Circé tenter de retenir Odhran qui essaie de sauter sur… Harlon Swatch.
Biggoblin descend dans les cachots. Les sbires du WTF ont préparé la salle de torture. Sur une table est attachée Aliza, sur une autre le Gouverneur Daranfort. Des chaînes sont pendues aux murs sales et noirs. Biggoblin entre dans la lugubre et humide salle.
« Relâchez-moi, Raptorclaw ! vocifère aussitôt le Gouverneur. Vous allez commettre un crime à l’échelle mondiale ! Relâchez-moi, et je témoignerai en votre faveur lors de votre appréhension.
-Dites-moi, Gouverneur, avez-vous peur du noir ? ». Le Troll fait un signe de la tête, et deux sbires, deux gobelins pour être précis, s’approchent du Gouverneur, et recouvre sa tête d’un sac noir.
« Vous savez, Gouverneur, dit Biggoblin en s’asseyant sur le bord de la table, je n’ai rien contre vous. Vous ne m’êtes pas sympathique, non, mais je n’ai pas non plus envie de vous faire trop de mal. Malheureusement ce mal est nécessaire. J’ai des questions, et je veux des réponses. Je ne suis pas un expert de la torture, donc attendez-vous à souffrir là où vous ne vous y attendrez pas.
-Euh… ça veut r’en dire, M’sieur, intervient un gobelin.
-C’est vrai, Dan, c’est l’émotion. Allez, redressez-moi les tables, mettez-les l’une en face de l’autre. ». Les deux gobelins s’exécutent, et disposent les tables redressées l’une en face de l’autre, de telle sorte qu’Aliza puisse bien voir le gouverneur dans la lumière.
« Pour commencer, comment as-tu connu Harlon Swatch ?
-Quoi, Harlon est ici ? demande le Gouverneur.
-Ce n’est pas à vous que je parle. ».
Le Troll se tourne en face d’Aliza.
« Réponds-moi, Aliza.
-Crève ! crache la jeune femme.
-Quelle impolitesse… ».
Il tend sa main et l’un des gobelins lui donne deux dagues barbelées. Il les approche de l’oreille du gouverneur, et les frotte l’une contre l’autre, ce qui a pour effet immédiat d’affoler l’homme.
« Alors ?
-Tu peux le torturer, je ne souhaite que la mort de cette pourriture…
-Tu es toujours aussi peu coopérative ? ».
Il fait des gestes rapides des mains, et Daranfort hurle de douleur. Quand le Troll a fini son œuvre, le corps du gouverneur est parcouru d’entailles longues et profondes et dégoulinantes de sang. Les gobelins installent une bassine à ses pieds, qui récolte le sang au fur et à mesure qu’il goutte.
« Aliza… Je suis un Sombrelance. Dans ma tribu, on a l’habitude de dévorer les gens, tu sais. Enfin, pas moi. Mais je suis tout à fait capable de te découper un morceau du bras du Gouverneur et de te l’enfourner dans la bouche.
-Tu parles beaucoup pour un tortionnaire !
-Décidément… ».
Le Troll se retourne vers le gouverneur, et, lentement, mais sûrement, cisaille un morceau du biceps de l’homme. La lame sort et rentre dans le bras répétitivement. Le gouverneur sent aller et venir l’acier froid et épineux de la lame dans son bras, lui mordre ses os et lui déchirer son bras. Un bon morceau de chair sanglante et dégoulinante, presque cubique, le tout sous les cris de douleurs, les hurlements d’animal du gouverneur. Le sang coule abondamment dans la bassine. Biggoblin tient le morceau de chair rougeâtre au bout de sa dague. Les gobelins sautent sur Aliza, et lui tiennent la bouche grande ouverte. Biggoblin lui enfonce brusquement l’horrible bout de viande dans la bouche, et les gobelins lui referment les mâchoires avec tout autant de brutalité. Aliza sent le sang chaud couler au fond de sa gorge, dégouliner sur son menton. La bassine est presque pleine à ras bord. Les gobelins font alors un bandage au gouverneur blanc comme le lin qui enserre sa profonde blessure avant qu’il ne se tache et ne s’imprègne de ce rouge sombre visqueux. Aliza recrache la chair par terre, mais Biggoblin empoigne la bassine, et en jette tout son contenu sur la jeune femme. Il existe un moment où l’esprit n’est plus capable de tenir et même celui, pourtant endurci, d’Aliza, ne peut pas ne pas exploser. Il explose.
Aliza a perdu connaissance. Biggoblin soupire.
« J’y suis peut-être allé un peu fort…
-Vous… ».
Biggoblin se tourne vers le Gouverneur.
« Tiens, vous n’êtes pas encore tout à fait inconscient… ».
Il lui retire son masque, et lui attrape le visage par les joues.
« Vous savez quelque chose, Gouverneur ?
-Je…
-Oui ? Dépêchez-vous, ou j’opère les mêmes traitements que je vous ai infligés sur Aliza.
-Harlon…
-Allez… Allez, Gouverneur, Allez. Allez !
-C’est mon… fils… ».
Biggoblin lâche le visage du Gouverneur. Swatch, le fils de Daranfort ?
« Expliquez-vous ! ordonne le Troll.
-Fils… illégitime…
-Que… de… Quoi ? Mais… Alors… Non… Si ! Vous m’avez demandé d’enlever Princesse pour que votre fils, Harlon, puisse devenir gouverneur après vous ! Évidemment, vous ne vouliez pas d’une fille, ça m’aurait étonné. Sexiste. Mais alors… Princesse est la sœur d’Harlon ! Espèce de petit cachottier…
-Ne… pas… mal…
-Que je ne lui fasse pas de mal ? Ne vous inquiétez, il ne sentira rien du tout. De toute façon, les Protecteurs de Tamriel vont venir ici pour délivrer Jinnalak. Ils ont certainement dû rencontrer Harlon, il n’y a qu’un seul chemin sur l’île pour venir jusqu’ici. Si Harlon est bien votre fils, alors, il reviendra pour venir vous sortir de là… C’est beau, l’amour familial, quand même. Kssshéhéhé… Dan ! Ed ! ».
Les deux gobelins accourent, et se cognent l’un contre l’autre.
« Désespérant… Bon, écoutez-moi.
-Oui chef ! s’écrie les deux gobelins en chœur.
-Voici ce que vous allez faire… ».
« Je n’ai pas fini ! ». Circé assène un coup de son bâton sur la tête d’Odhran.
« Aïe ! gémit le paladin. Mais elle va pas bien, elle !
-Laissez donc cet homme en paix ! Et vous aussi ! ordonne-t-elle à ses compagnons Trolls. Laissez-le s’exprimer ! J’ai dit stop ! ». Elle assène un nouveau coup de bâton sur la tête du pauvre Odhran.
« Ah, mais c’est pas vrai… Ces aventuriers n’ont décidément aucune éducation.
-Ouais, bah on fracasse pas le crâne des gens à coup de bâton, nous, rétorque Odhran.
-Écoutez plutôt ce que cet homme a à dire. ».
Elle se tourne vers Harlon Swatch, et, d’un geste de la main, l’invite à s’expliquer.
« Je me suis enfui d’Ann Bonny avec ma sœur, Princesse, grâce à l’aide de ma petite amie, Aliza…
-Ah ouais ? Et pourquoi tu t’es enfui, mmh ?
-Pour sauver ma sœur ! Biggoblin l’a kidnappée, et je compte bien la ramener à notre père !
-Attends… intervient Lauriane. Déjà, elle est où, Princesse ? ».
Une jeune femme se montre, et baisse son capuchon sur ses épaules, et se révèle bien être Princesse Daranfort.
« C’est vraiment votre frère, Miss Daranfort ?
-Demi-frère, corrige-t-elle. Mon père s’est uni à une servante, Marotte Swatch, et de cette union est né Harlon.
-Charmant, et alors ?
-Nous avons fui Ann Bonny, voilà tout, pour ne plus jamais y retourner.
-Et vous comptez aller jusqu’à Kar Kinos à pied ?
-Vous voyez un autre moyen ?
-Non, en effet… Une minute… Vous pouvez nous guider jusqu’à Ann Bonny, alors ?
-Hein ?! s’étrangle Harlon. Hors de question ! Plutôt mourir !
-Ça tombe bien, si tu nous accompagnes, t’as de grandes chances de mourir…
-Non mais ça va pas de dire des trucs comme ça ?
-Écoute, Harlon. T’as sauvé ta sœur, très bien… Mais nous, on veut sauver notre ami. Et pour ça, on a besoin d’un guide, quelqu’un qui connaît Ann Bonny.
-Et puis, intervient Luna, il y a autre chose… T’es bien le fils de Jean-Baptiste-Lemoyne Daranfort, c’est ça ?
-Euh, oui, répond Swatch.
-Ton père a été kidnappé par Biggoblin, l’autre jour, à Port Pimousse. ».
L’annonce jette un froid.
« Pa… Papa ? bégaye Princesse.
-Oui, lui-même. » répond Mickaël. Surpris, tout le monde se retourne vers lui. Il tient fermement l’épée de Lumière à la main. Heureuse de le voir en un morceau, Luna sourit et se jette à ses bras, avant de vite se reprendre et de s’éclaircir la gorge.
« Alors, c’était facile ? demande Quentin en souriant, heureux de voir son ami entier.
-Pas moins que d’habitude, répond le mage. Hé hé, il a même pas vu venir l’attaque. Une réplique bien placée du terrible capitaine Mickaël, et paf, il était à genoux à implorer ma pitié. Mais je suis un pirate cruel.
-Tu m’en diras tant.
-Alors, Swatch ! Tu viens te rendre au terrible capitaine Mickaël ! Ha ha ha ! Je le savais ! Qu’on le mette sur la planche, nous allons le servir à manger aux… ». Il s’interrompt quand il voit tous les Trolls qui ont déjà noué leurs serviettes autour du cou et qu’ils ont sorti couteaux et fourchettes.
« … requins…
-Il faut que je vous dise, fait Circé. Il n’y a pas de requins aux alentours d’Eden Island.
-Quoi ? Oh… mince…
-On les a tous mangés.
-Quoi ?! Monstres ! Foutus cannibales ! Vous mettrai tous aux fers, moi ! Mais, revenons d’abord à Harlon… Alors, Harlon !
-Qu’est-ce que tu veux, le gay ? ».
Mickaël tombe à genoux, comme s’il avait reçu un tir de pistolet dans l’abdomen.
« Qu’il est méchant… gémit-il.
-D’un côté, il a pas tort… renchérit Luna.
-Et toi la radasse ? » lui lance Swatch.
Exactement trois secondes plus tard, Swatch gît au sol, se tenant la bouche à deux mains, tandis que Luna se craque les doigts.
« Trop simple.
-Mais vous êtes de vrais sauvages ! crie Princesse en s’agenouillant auprès de son frère.
-Quoiqu’il en soit, je ne vous accompagnerai pas, fait Harlon. Je ne dois rien à mon père.
-Harlon !
-Non, Princesse, c’est vrai. Que je sache, jusqu’à présent, il ne m’a jamais montré le moindre signe d’affection, la moindre preuve d’amour.
-Mais c’est parce que…
-Parce que je ne suis pas de sang noble ? Contrairement à toi ? Je sais très bien que c’est ça !
-Et moi, alors ?! Papa a toujours voulu un garçon, je te rappelle ! Je n’ai jamais eu de traitement de faveur !
-Tu as toujours vécu au palais, entourée d’un millier de serviteurs à tes petits besoins, alors que j’ai grandi seul ! Tu sais pas ce que c’est de ne pas savoir si tu va manger le lendemain ! Tu ne sais pas ce que j’ai vécu tout seul pendant toutes ces années ! J’étais seul ! Quand maman est morte, j’ai dû me débrouiller tout seul, t’entends ?! Tout seul !
-Je n’y peux rien si Marotte n’était qu’une traînée !
-Une traînée ? Et toi t’es quoi, alors, à coucher tout le temps à droite à gauche, hein ? T’es bien la fille de papa, ça, c’est sûr !
-Bon, ça suffit ! tranche Circé.
-Mais c’est…
-J’ai dit stop ! ». Elle assène un violent coup de bâtons sur le crâne de Swatch et de sa sœur.
« Que vous ayez vécu des choses différentes, que la vie ait été facile ou difficile importe peu, à présent. Votre père est prisonnier de l’un des plus grands pirates de notre temps. Quoi que vous fassiez, il restera toujours votre père.
-Elle est bien, cette femme, murmure Thibault. Elle a le sens des priorités.
-Ces jeunes aventuriers sont là pour secourir leur ami. Ils ont quitté le continent, ils ont échappé aux gardes de Port Pimousse, ils ont affronté les dangers de la mer, ils ont surmonté les sables mouvants et les monstres de la jungle, et ils ont même maintenant sur leurs épaules le poids du monde ! Et ils ne se plaignent pas, eux !
-Elle est vraiment bien, cette femme. Elle a un véritable don.
-Donc vous les accompagnerez jusqu’à Ann Bonny ! Ils ont la force de vous défendre, ne vous inquiétez pas. Il ne s’agit que de délivrer leur ami et votre père. C’est tout. Ils ont besoin de votre aide pour vaincre leur adversaire, vous comprenez, ça ?
-Elle est réellement bien, cette femme.
-Ça ne suffira pas, dit Luna. Nous aurons besoin de votre aide, Circé.
-Non, répond la Trollesse.
-Elle est nulle cette femme, confirme Thibault.
-Je ne peux pas vous aider. Notre tâche est maintenant révolue. Les Trolls Danselame doivent s’en aller, et je dois les aider. Nous partons aujourd’hui-même.
-Mais…
-Prenez vos affaires, vos armes, et partez. Nous ne pouvons pas vous aider plus que ce que nous l’avons déjà fait. Je suis désolée.
-Ouais, vachement… ».
Biggoblin entre dans la cellule de Grosmanu. Le Tauren est enchaîné au mur, à proximité de son “insupportable canard”, selon les termes de Biggoblin. Le Troll tend la cruche d’eau à Grosmanu, et lui verse un peu du précieux liquide dans la gorge. Puis il s’assoit sur le tabouret en face de lui.
« Ça va ?
-Comment veux-tu que ça aille ? Je suis enchaîné à un mur.
-Tes amis vont bientôt venir te chercher, tu sais.
-Je sais.
-Je veux que tu saches… C’est rien de personnel, ce qu’il se passe, c’est uniquement professionnel.
-Je sais. J’aurais fait pareil que toi.
-Kssshéhéhé… Écoute-moi bien, maintenant, Jinnalak. Ce que je vais te donner est très important, d’accord ?
-Je ne suis pas un gosse, Echeyakee.
-Je sais, mais je reste quand même ton aîné. Donc, je disais… Oui, ne te sépare jamais, en aucun cas, sous aucun prétexte de ce que je vais te donner. Ça te sauvera la vie, crois-moi.
-Bah je te crois. On est frères de sang, je te fais confiance.
-Je suis désolé de faire tout ça, mais je n’ai vraiment pas le choix, Jinnalak. Je suis vraiment désolé que ça en soit arrivé là. Vidya ne me pardonnera jamais.
-Arrête de t’en faire pour elle. Ce qui lui arrive, ce n’est pas ta faute. Tu as bien vu, même moi, je n’ai pas su la soigner.
-Rien ne peut la soigner.
-Alors pourquoi as-tu passé ce pacte ?
-J’ai des rêves à accomplir.
-La carte de la Buse ne t’aidera pas à trouver le Revenge of Darkspear, Echeyakee.
-Peut-être, si ça se trouve, dans deux ans, je l’aurai, et on fera un tour dessus, ensemble, en route pour une nouvelle aventure.
-Ou fuyant un bon gros dragon.
-Qu’est-ce que tu peux être pessimiste, mon pauvre Jinnalak.
-Mais, meuh, au moins, j’ai pas besoin de maquillage pour sourire.
-Kssshéhéhé… ».
- Chapitre 6 : La montée au paradis.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
« Tout de même, ils auraient pu nous accompagner, ces Trolls Balépée.
-Danselame.
-C’est pareil. C’est des lâches. À cause d’eux le terrible capitaine Mickaël se retrouve une fois de plus avec son équipage de bras cassés et deux boulets supplémentaires.
-Oh, mais il va se calmer, le Mickaël, ou je le jette à manger aux crocilisques ? coupe Lauriane.
-Keuuumment ?! Tu ôses menacer le terrible capitaine Mickaël ! Femelle insipide et
insidieuse ! Je te ferai étriper et pendre aux haubans par les entrailles.
-Mais oui, on te croit, Mickaël, on te croit… ».
Ils ont quitté le village Danselame depuis maintenant deux heures, et suivent le chemin de terre qui mène jusqu’à Ann Bonny. Ils finissent par arriver au pied d’une colline, non, plutôt d’une petite montagne rocailleuse.
« Et… Vous avez descendu ça, à pied, de nuit ? interroge Quentin, soudain dubitatif. Vous nous prenez pour des imbéciles, là, non ?
-Non, répond Swatch sur un ton des plus sérieux, c’est le seul chemin possible.
-Attends, tu vas me dire que toi et ta sœur êtes passés sur ce chemin escarpé ?
-Non, pas entièrement. Il y a à un moment une caverne par laquelle il est possible de couper. On se retrouve quasiment au sommet. Elle se situe à peu près à mi-chemin. Mais ça sera difficile d’y aller de jour.
-Pourquoi ?
-Les wyverns sont éveillées. La nuit, leur sommeil est tellement profond que rien au monde ne pourrait les réveiller. Mais le jour, elles sont aux aguets. On n’aura aucune chance de passer sans se faire repérer. Et puis…
-Et puis quoi ?
-Il y a pire que les wyverns.
-Comment, pire que les wyverns ? Je vois pas, moi.
-Les raptors.
-Ah, parce qu’il y a des raptors, en plus ! Mais dis-moi, Harlon, c’est un vrai zoo, cet endroit. On a le droit de nourrir les animaux, au moins ?
-Il faut que vous sachiez. Les raptors et les wyverns vivent en symbiose, sur cette falaise. Ils travaillent de concert pour pouvoir se nourrir. Donc il faut vraiment vraiment se méfier et faire attention.
-Ils sont gros comment les raptors, ici ?
-Vous avez déjà vu Jack, l’animal de Biggoblin ?
-Oui.
-Eh bien deux fois plus gros.
-Bon Dieu… Eh, Mickaël, où tu vas ?
-J’ai le sens de la survie, moi, répond tranquillement le mage en s’éloignant.
-Rien du tout, reviens ici tout de suite !
-Rooooh…
-Bon, et bien il n’y a plus qu’à monter. Vous êtes prêts ?
-Mais oui, on est prêts.
-Vous savez qu’on ne pourra pas revenir en arrière ?
-Mais oui on sait qu’on ne pourra pas revenir en arrière.
-Certains risquent d’y rester.
-Mais oui, cert… Quoi ?!
-Mais tu vas la fermer oui ?
-Rooooh… ».
« Enfin… ».
Biggoblin se tient droit, les mains dans le dos, dans son bureau. Un manteau noir est posé sur ses épaules, et un bandeau rouge est noué sur sa tête. Il arbore un tabard noir sur lequel est dessiné en blanc l’emblème du Glory of Darkspear : trois lances croisées sur lesquelles est superposé un crâne de Troll. Ils se tiennent droit devant lui. Neuf. Neuf soldats parfaits. Leurs yeux rouges comme des rubis. Leur armature noire comme la nuit. Des soldats parfaits. Et indestructibles. Valéria les regarde également, avec une pâle copie d’un sentiment de fierté. Les soldats les plus dangereux de l’univers, à son service exclusif. Enfin, plus ou moins.
« Parfait.
-Pour une fois, répond Biggoblin, je suis d’accord. Akorah et Settrah ont fait du bon boulot.
-En effet.
-Bien bien bien… Et maintenant, si nous discutions de mes honoraires, mmh ?
-Pardon ?
-Je ne travaille pas gratuitement, Valéria. ».
Le Troll s’assoit à sa table où sont disposés un parchemin, une bouteille d’encre et une plume.
« Alors, alors, alors… Nous disons donc… Une cargaison complète de cristaux du Crépuscule, une vingtaine de rubis coupemagie, des lames en khorium, et des vêtements…
-Nous avions un accord, Troll.
-Je sais bien.
-Tu devais nous livrer cette armée en échange de soins pour Vidya.
-Mais en êtes-vous seulement capable ? Tu sais, Val, il y actuellement un groupe de six héros qui se dirige vers Ann Bonny. Ici, donc. Si je dois parier sur la victoire d’un camp, ça sera le leur. Je m’en remets donc à eux.
-Sais-tu seulement ce qui est arrivé à Vidya ?
-Bien sûr, il s’agit d’un coma métabolique.
-Que tu es simple d’esprit. Ça, c’est parce que tu refuses de t’ouvrir à la magie, Niggoblin.
-Biggoblin, c’est un B.
-J’ai tout de suite vu que Vidya n’avait plus d’âme.
-Hein ? ».
Biggoblin se redresse brusquement en faisant tomber la table.
« Comment ça ?
-Quelqu’un lui a volé son âme.
-Et tu ne m’as rien dit ?
-Ça ne faisait pas partie de notre accord. Et puis, tu es tellement obtus que jamais tu ne m’aurais crue.
-Et, en effet, j’ai du mal… ».
Un oiseau vert et orange se pose à sa fenêtre. Biggoblin, jetant un regard courroucé à Valéria, s’en approche, et lui arrache le diamant qui lui fait office d’œil.
« Eh bien, voyez-vous ça… murmure le Troll.
-Quoi ? demande Valéria.
-Nos intempestifs amis ont finalement trouvé l’épée de Lumière, dirait-on… Et ils l’ont retirée de son socle.
-Parfait.
-Attends une minute, gamine.
-Je ne suis pas une gamine.
-Tu n’as que quelques mois, ce qui te ramène à l’état de bébé pour moi. Ils ont réussi à retirer l’épée ? ». Il pose l’œil sur le rebord de la fenêtre et s’empare d’un petit livre posé dans la bibliothèque derrière le bureau, qu’il ouvre et feuillette.
« D’accord… J’avais oublié ce détail…
-Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
-Ils devaient déjà trouvé un moyen d’abaisser le mur magique qui protégeait l’épée en moins de cinq minutes, sinon ils étaient foudroyés sur place. Ensuite, ils ont dû affronté une manifestation “magique”, mais il y a une dernière épreuve…
-Qui est ?
-Survivre à la destruction de l’île.
-C’est encore une de tes mauvaises blagues ?
-J’ai une tête à faire des blagues ?
-Tu veux une réponse franche ?
-Laisse tomber. Prépare tes affaires. Il faut qu’on soit parti avant ce soir.
-Et l’épée ?
-Je m’en occupe.
-Tu as intérêt. Sinon, tu peux faire adieux définitifs à Vidya.
-J’espère que je vivrai assez longtemps pour te faire la peau, Valéria. ».
« Que c’est haut ! Dieu que c’est haut ! geint Mickaël.
-Je dois bien admettre que je suis d’accord avec toi… reconnaît Luna.
-J’en peux plus… Abandonnez-moi, laissez-moi ici, je serai un poids pour vous…
-Il y a du vrai là-dedans, mais bon, on a parcouru qu’une trentaine de mètres, tu sais…
-Casse pas mon élan dramatique ! C’te fille, elle comprend décidément rien… ».
Ils avancent tous les huit prudemment et silencieusement, malgré les quelques remarques pertinentes de Mickaël, sur le chemin étroit et escarpé qui borde la falaise. Ils peuvent entendre, très distant toutefois, le bruit des vagues qui se fracassent contre la solide roche.
« Dites… On fera quoi une fois qu’on aura atteint le sommet ? demande Odhran.
-Très simple, répond Thibault. On poste Grosmanu devant pendant que nous on se…
-On n’a PAS Grosmanu.
-Damned… Quel lourdaud, celui-là…
-C’est vraiment le comble, quand même. Sauver le gars le plus fort de notre équipe, quoi. C’est le monde à l’envers. Et un twink en plus !
-Faites moins de bruit ! leur intime Harlon Swatch. Les wyverns ont l’ouïe très développée !
-Ça m’étonnerait qu’elles nous attaquent, rétorque Quentin. Les wyverns ne sont agressives que si on s’attaque à leurs œufs…
-Ah, vraiment ? Et d’où tu sais ça, toi, un Barbare du Nord qui ne vient même pas de cette contrée ?
-J’ai une vaste connaissance des créatures d’Azeroth. ».
Soudain, quelques petites pierres dégringolent sur le chemin juste devant eux. Quentin stoppe la marche, affichant un air inquiet sur son visage. Ils reprennent toutefois leur progression, mais s’arrêtent à nouveau presque immédiatement à cause de nouveaux petits granulés qui chutent devant eux.
« C’est pas normal, ça…
-Bon, Quentin, fait Mickaël, on va pas s’arrêter tous les deux mètres parce que t’as des cailloux qui te tombent sur la tête. Faut qu’on avance, on a un twink à sauver.
-Non, il a raison, réplique Lauriane. Y a un truc.
-Super, la magicienne sans magie, qui nous est donc d’absolument aucun ressort, sent qu’il y a un truc. Mais dites-moi, on fait des progrès !
-C’est gros…
-Hein ?
-C’est très gros…
-Mais n’importe quoi ! ».
Mickaël se tourne pour rebrousser chemin, mais se cogne à quelque chose et tombe en arrière. Un raptor de deux fois sa taille l’observe en agitant la tête comme un oiseau.
« Ouah… C’est un mastoc, celui-là…
-Recule lentement, dit doucement Thibault. C’est un Ravasaure…
-Super, je suis content de connaître le nom du truc qui va me bouffer…
-Tais-toi et recule. ».
Mickaël, toujours par terre, commence à reculer, mais le Ravasaure pose l’une de ses pattes postérieures juste entre ses jambes. Mickaël peut contempler l’énorme griffe en forme de faucille cliqueter contre la pierre.
« Mickaël, pour l’amour du ciel…
-Je fais comme je peux… ».
Le raptor rapproche son immense tête de celle de Mickaël, et le renifle tout en dévoilant ses innombrables dents en lames de rasoir. Petit à petit, Odhran se glisse jusque derrière son ami, et essaie de le tirer par le bras, mais le dinosaure relève sa tête au niveau de celle du grand Nain, et le fixe avec ses deux gros yeux ronds.
« Mickaël, Odhran… chuchote désespérément Luna.
-J’aimerais t’y voir, réplique le mage.
-On fait quoi, là ? On peut pas le laisser comme ça…
-Théoriquement, si, répond brutalement Thibault. Il l’occuperait assez longtemps pour qu’on puisse délivrer Grosmanu, puis on le vengera… Si on y pense…
-Je vous déteste, répond Mickaël.
-Réfléchis : tu préfères ça ou les Trolls ?
-J’ai pas droit à un joker ? ».
Le raptor continue de fixer Odhran de ses gros yeux ronds. L’animal redresse encore la tête, hume l’air, claque sa langue, et s’enfuit soudain en rebroussant chemin, à la grande surprise des héros, et au grand soulagement de Mickaël et Odhran. Le mage se remet sur ses pieds, et lève les yeux au ciel, constatant que des formes ailées tournoient dans les airs.
« Il a dû avoir peur des wyverns…
-Non, répond Swatch. Ils vivent en symbiose avec elles… Il doit y avoir autre chose…
-Oui, ajoute Lauriane. Ce que j’ai senti était beaucoup plus gros que ce Ravasaure.
-Oh-mon-Dieu… Plus gros que ça, ça existe ?
-J’en ai bien peur… ».
« Kssshéhéhé… Ils mettent plus de temps que prévu… ». Biggoblin avale une gorgée d’eau fraîche, et repose le verre sur son bureau.
« C’est pas une bonne idée du tooooooouuuuuuut ! gémit Mnscrtch en se tortillant dans son fauteuil.
-Mais… Je n’ai encore rien proposé…
-Non, mais bon… C’est les Protecteurs de Tamriel, quand même !
-Nestor, un avis à donner aussi ? ».
L’Orque regarde le Troll et le Gobelin tour à tour tout en remuant lentement la cuillère dans sa tasse de thé, mais ne répond rien.
« Ok… en conclue Biggoblin. Dites-le moi, si je vous gonfle, tous les deux, hein !
-Je pensais que c’était ironique, répond tranquillement le majordome en avalant une gorgée de thé chaud. Après tout, c’est vous le chef, ici. Donc on n’a pas à discuter vos ordres…
-Étant donné votre précédente rencontre brutale avec les Protecteurs de Tamriel, je pensais qu’éventuellement, vous auriez pu manifester un peu de mécontentement… Bref. Il est 11h30… Ils devraient arriver dans deux heures, environ… Kssshéhéhé, ils vont avoir une petite surprise…
-Et nous, là-dedans ? demande Mnscrtch.
-Vous, là-dedans, vous allez vous occuper des préparatifs avec Valéria. Normalement, les Protecteurs de Tamriel vous trouveront complètement affairés, mais ils seront complètement piégés.
-Et c’est pas un peu risqué… ?
-Si, mais c’est ça qui rend le jeu amusant, répond simplement Biggoblin en affichant un sourire carnassier. Je suis un chasseur, et j’aime chasser…
-J’ai des chances de mourir ? glapit Mnscrtch.
-Tout à fait, je vais pas te mentir.
-Gaaaah ! Mon… mon coeur ! ».
Le gobelin se serre la poitrine, et s’écroule par terre, sous le regard indifférent de son copain buveur de thé.
« Ce qu’il est impressionnable, quand même, constate Biggoblin en continuant d’afficher son sourire carnassier.
-Vous pensez qu’ils vont arriver jusqu’ici au complet ? s’enquiert Nestor.
-Bien sûr. Sinon, ils ne seraient pas à la hauteur de leur réputation…
-C’en est à se demander dans quel camp vous êtes.
-Je ne fais qu’un simple constat. Objectivement parlant, ils ont tout à fait les qualités nécessaires pour arriver jusqu’ici en vie et au complet.
-Vous les admirez…
-Ils me fascinent. Un groupe aussi uni, ça n’existe nulle part ailleurs. Je suis curieux de savoir jusqu’où cette union peut tenir. Il y a bien un moment où leur instinct, leurs peurs et leur lâcheté surgiront… Il nous suffit juste d’attendre le bon moment.
-Vous êtes très sibyllin.
-Et ai-je l’air d’en souffrir ? »
.
Les Protecteurs de Tamriel arrivent sur une corniche. Une sombre grotte s’enfonce dans la roche, tandis qu’un chemin bien plus escarpé que le précédent reprend sur la droite, et semble mener jusqu’au sommet.
« Alors ? demande Quentin.
-Ou bien on prend le petit chemin sur la droite, répond Swatch. C’est moins risqué, mais c’est long… le truc, c’est de faire attention où on met les pieds. Ou bien…
-Ou bien ?
-Ou bien on rentre dans la grotte. On économise une heure, environ, mais c’est plein de wyverns…
-T’en fais pas, les wyverns n’attaqueront pas.
-J’ai pas confiance…
-Je propose, dit Mickaël, qu’on envoie Luna en éclaireur. Si elle ne revient pas au bout de deux minutes, on la considère comme “disparue au combat” et on prend le chemin le plus sûr… ». Il se couvre la tête avec ses bras en attendant une riposte physique foudroyante, mais il n’en est rien. Il regarde Luna, qui fixe quelque chose dans la caverne.
« Eh bah… Luna ? ». Il lui passe la main devant les yeux, mais elle ne réagit pas. Elle ne bouge pas, elle reste là, droite, les yeux posés sur quelque chose d’inexistant dans le noir de la caverne, les bras le long de son corps.
« Luna… Luna ! Ton capitaine t’ordonne de répondre !
-Y a un truc qui va vraiment pas, là, commente Thibault.
-Mais qu’est-ce qu’elle a ? ».
Thibault se met devant elle, lui attrape le visages par les joues, ses joues si douces, et il lui inspecte les yeux.
« On dirait qu’elle a été hypnotisée…
-D’accord, mais par quoi ?
-Je suis pas plus avancé que toi. ».
Il lui claque des doigts devant les yeux, et remarque quand même que ceux-ci réagissent quand les pupilles se rétractent.
« Elle peut plus bouger, mais elle a l’air d’être encore consciente…
-Eh, et si je lui donnais un coup de pied ?
-T’as écouté ce que je viens de dire ?
-Justement, elle ne peut plus bouger. Donc, autant en profiter un max.
-Elle va te le faire regretter au centuple quand elle sera de nouveau libre de ses mouvements.
-Vous pensez qu’on pourrait l’utiliser comme portemanteau ? Ça ferait fureur à Cyrodiil… Ou bien comme table ! De toute façon, ça changerait rien à son QI, ça la gênera pas…
-Mickaël, tais-toi, j’ai l’impression de voir des flammes derrière ses yeux.
-On n’a qu’à la laisser là, propose Swatch. C’est qu’une radasse, elle nous sert à rien.
-Houlà… Son visage est devenu écarlate…
-Je ne fais que suggérer une alternative qui a l’air de ne pas déplaire à votre chef. ». Il jette un regard à Mickaël qui a entamé une petite java victorieuse.
« Yeah ! s’exclame ce dernier. Tape m’en cinq mon pote !
-On va mettre les choses au clair… » maugrée Quentin.
Il attrape Swatch par le col de la veste, et le plaque contre une paroi rocheuse. Princesse essaie de l’en empêcher, mais Lauriane et Odhran la retiennent.
« Écoute, bonhomme, commence Quentin. Et d’une, c’est pas le chef. Et de deux, on va pas abandonner une camarade ici. Si tu veux à tout prix que quelqu’un serve de bouffe aux raptors et aux wyverns, on n’a qu’à t’abandonner toi, non ? Quoique, t’es tellement pourri que je suis persuadé qu’ils te foutraient la paix…
-Ça suffit ! crie Princesse. J’en ai assez ! Que vous le vouliez ou non, on doit se serrer les coudes pour arriver jusque là-haut ! Sans Harlon, vous n’avez aucune chance de survivre !
-On est les Protecteurs de Tamriel quand même. On a déjoué le complot d’Arx Fatalis, et on a affronté une horde d’homme-bêtes assoiffés de sang. Je pense pas qu’une grotte comme celle-là soit si dangereuse. Allez… Passe devant, “guide”. ».
Il lâche Swatch et le pousse en direction de la caverne. Les aventuriers entrent donc dans la grotte, Odhran transportant une Luna rigide sous le bras.
Il fait noir, il fait froid, et ça sent mauvais. Dix mots qui résument parfaitement l’atmosphère régnant dans la caverne. Les Protecteurs progressent encore plus prudemment qu’auparavant. À deux reprises, déjà, ils ont croisé une wyvern qui les a regardés d’un air méfiant et s’en est allée. Une wyvern ressemble en de nombreux points à un lion. Un corps de lion, un museau et une crinière, mais les ressemblances s’arrêtent là. Deux ailes membraneuses de chauve-souris sont reliées à ses pattes avant, et sa queue est en fait celle d’une scorpion. Étrange amalgame s’il en est, mais redoutablement efficace quand il s’agit de combattre ou de chasser. Les Protecteurs de Tamriel suivent de près leur guide improvisé, qui les mène toujours plus profondément au travers des méandres de l’immense intestin de roche et d’humidité. Le vent s’engouffrant entre les parois pousse des hurlements déchirants, de même que ces satanées wyverns qui, il faut bien l’avouer, en plus d’être déjà un amalgame raté d’animaux divers, ont un don pour lancer un regard idiot et totalement “je-m’en-foutiste” aux huit intrus humains. Toutefois, ces derniers se figent littéralement sur place, s’apparentant à de grosses stalagmites, en entendant un long grondement caverneux. Un bruit de pas plus lourd que celui gracieux et sautillant des wyverns. Des bruits de pas lourds, vraiment pesants, et un corps traînant sur le sol, faisant rouler les caillasses pourtant pointues…
« Euh… frémit Lauriane. Harlon ? T’es bien sûr qu’il n’y a QUE des wyverns, ici ?
-À vrai dire, je n’en suis plus aussi certain, maintenant…
-Ça veut dire quoi, ça ?
-Biggoblin m’a toujours assuré que quiconque traversait cette caverne la journée n’en sortait jamais vivant… Mais j’ai toujours crû que c’était à cause des raptors et des wyverns…
-Gé-nial… Je crois qu’il ne manquait plus que ça… ».
Ils reprennent leur marche, et débouchent dans ce qui ressemble fort au nid principal, c’est-à-dire une pièce circulaire, d’un aspect vaguement conique, dont les parois striées permettent d’accueillir d’innombrables nids dans lesquels reposent, en moyenne, trois œufs. Ce qui ferait donc un total approximatif de… entre 150 et 300 œufs, soit une marge confortable quant à assurer l’avenir de l’espèce. Au plafond de roche, une mince fissure qui laisse un peu de lumière s’infiltrer dans la ruche. Au centre, un cadavre de wyvern… Salement amoché, partiellement dévoré, les tripes à l’air et tout et tout. Si si.
« Quelle horreur ! s’écrie Thibault en essayant de réprimer un brusque haut-le-coeur.
-La pauvre… Elle a été complètement déchiquetée… compatit Lauriane. Ce me fait de la peine pour elle, peuchère…
-Je… J’ai dû mal entendre…
-Il est évident qu’elle a subi un traumatisme crânien ayant entraîné une perte de ses facultés respiratoires. Son fémur gauche est brisé en deux, le ventre a été cisaillé d’un coup net, et les intestins ont été arrachés par deux mâchoires puissantes. Sa patte avant gauche a été écrasée par une forte pression, et…
-Ouais, bon, ça ira, comme ça, docteur. L’autopsie, ça sera pour plus tard.
-C’est toujours intéressant d’analyser les causes d’une mort, qui, à n’en pas douter, a été prématurée.
-Noooooooon ?! Vraiment ? Mais dites-moi, docteur, vous êtes surprenante !
-Je suis sûre qu’il s’agit là de l’œuvre d’un carnivore.
-Et perspicace, avec ça… ».
Lauriane quitte ses compagnons pour s’approcher du cadavre de la bête.
« Elle était encore consciente qu’elle a commencé à se faire dévorer… Elle a essayé de se débattre…
-Elle a peut-être plus aucun pouvoir, mais on dirait qu’elle est devenue extralucide… Quentin, tu as une copine formidable.
-Je sais bien ! » répond joyeusement Quentin.
Ils s’avancent tous au centre de la ruche. Odhran pose Luna sur le sol et s’étire en se faisant craquer morbidement ses articulations.
« C’était horrible ce que t’as fait… dit Mickaël.
-Désolé…
-Les wyverns sont très résistantes, continue Lauriane. Il a dû lui arriver quelque chose de vraiment violent pour se faire réduire en miettes comme ça. ».
Un horrible craquement retentit à nouveau.
« Odhran ! s’écrie Mickaël en jetant un regard noir à l’intéressé.
-Mais c’est pas moi, là !
-Ah ouais, et c’est qui d’autre, hein, gros malin ? ».
Un sifflement apporte la réponse tout seul. Mickaël, blême, se retourne lentement, et voit l’énorme monstre se tenant à la place même où ils étaient précédemment : un crocodile immense.
« Un… un crocilisque !
-Non, ce n’est pas un crocilisque.
-Ah ? Ouf…
-C’est un basilisque.
-Quelle différence à part l’orthographe ?
-Celui-là est presque indestructible.
-C’est décidé, je donne ma démission ! ».
Un basilisque. Imaginez un énorme crocodile à six pattes. Un crocilisque, quoi. Mais dont le corps est une carapace diamantaire quasiment impénétrable, mutation due au régime particulier du bestiau dont les sucs gastriques sont capables de dissoudre n’importe quoi, même le cristal le plus solide. Hormis ses muscles et sa puissance hors du commun, et ses dents surdimensionnées, l’arme la plus redoutable du basilisque réside dans son regard. Quiconque croise son regard est immédiatement pétrifié pour une période indéterminée. Heureusement, enfin, heureusement... Tout est relatif. Heureusement, donc, le basilisque n’utilise ce pouvoir que lorsqu’il n’a pas faim. Quand il a faim, il ne s’en sert pas : ça ne ferait que rendre la vie plus dure, et donc la digestion plus longue. On peut donc en déduire que Luna a malencontreusement croisé son regard plus tôt dans la journée, et s’est pétrifiée sur place. Alors que maintenant, les Protecteurs de Tamriel font face à un sort guère plus enviable : le basilisque a faim. D’autant plus qu’un basilisque, disons “normal”, ne dépasserait pas les trois mètres de long. Celui-là en fait bien six.
« Évidemment, sinon ça serait pas marrant ! peste Mickaël en croisant les bras.
-Je peux savoir pourquoi quasiment tout ce qu’on croise sur cette île cherche à nous bouffer ?
-Une sale manie, ouais… Tu penses que si on lui laisse Luna, il va nous…
-N’y songe même pas, ses yeux jettent des éclairs, répond Thibault en montrant Luna du doigt.
-Je veux pas dire, mais cette fille, je l’ai toujours trouvée un peu… dure…
-C’est pas le moment de faire de l’esprit !
-Tu préfères que j’en fasse dans le ventre du char d’assaut à six pattes, là ?
-… Ok, je te concède cette manche.
-Ha ! ».
La salle de détente d’Ann Bonny est une longue pièce rectangulaire toute rouge, jouxtant les cuisines. Exclusivement réservée à l’équipage du Darkspear, elle est constituée d’une table de billard, d’une table de ping-pong, une grande table où les pirates se réunissent pour jouer à divers jeux et manger et boire, d’un comptoir en bois verni derrière lequel se situe toute une ribambelle de bouteilles de d’alcool, de degrés divers. Il y a également une mini-cuisine qui permet de concocter des plats rapides et bien équilibrés. Le cuistot, c’est Zarpuk. Le simple fait qu’il est le seul de l’équipage à disposer de notions culinaires l’a propulsé à cette position confortable de coq.
« Zarpuk ! s’écrie Karshroon. Un pastis s’il te plaît !
-Il arrive !
-Pas trop d’eau, hein ?
-Évidemment. ».
Karshroon, Kardnum, Settrah, Akorah, Jacktroll et Baggy jouent aux cartes. Zarpuk s’approche de la table, et, d’un geste de magicien, y pose un grand verre qu’il remplit à moitié d’un liquide jaunâtre. Puis il le mélange avec de l’eau.
« Attends ! Fais gaffe ! s’écrie l’Orque.
-Quoi ?
-Tu… Raaah, tu vas le noyer ! Tu vas le noyer ! Et voilà, tu l’as noyé !
-Mais, Karshroon… Pour faire un pastis, il faut mettre un minimum d’eau, quand même !
-Ah… Oui, mais non ! Je le préfère nature. Tiens, file-moi du sel.
-T’as des goûts étranges…
-Redis-le, pour voir.
-T’as des goûts étranges.
-Il l’a redit…
-Bon, ça va, vous allez pas vous chamailler pour rien. » tranche froidement Biggoblin.
Assis dans un coin, les pieds croisés sur une table, le capitaine troll lit un roman tout en sirotant un verre d’eau fraîche.
« T’as pas l’air trop tendu, Biggo, lui lance Karndum.
-Je suis censé m’inquiéter de quelque chose en particulier ?
-Non, répond Settrah. Mais ce sont les Protecteurs de Tamriel. Ils sont coriaces.
-Vous leur avez collé une raclée, déjà.
-Ouai, mais on avait l’avantage de l’effet de surprise.
-Et ce coup-ci, vous êtes sur votre propre terrain. Donc encore à votre avantage. Je me trompe ?
-Non, répond Jacktroll. C’est juste que, bon, on les sent pas, quoi. Ils sont huit, là.
-Vous n’allez pas me dire que vous avez peur de Swatch et de Miss Daranfort ? C’est le comble… Vous êtes des pirates ou des nounous ?
-Des pirates, mais…
-Bon, alors vous n’hésiterez pas. ».
Jack appuie l’affirmation de son maître en poussant un grognement étranglé, ce qui coupe court à toutes les tergiversations de l’équipage. Les pirates se concentrent de nouveau sur leur jeu de cartes et Biggoblin sur son livre. Zarpuk s’en retourne derrière son comptoir, à la lustrer pour le rendre toujours plus impeccable. Un vrai maniaque de la propreté, ce Zarpuk. Biggoblin pose son livre et resserre son bandana noir autour de la tête.
« Il est quelle heure ? demande-t-il.
-Bientôt 13h, répond Zarpuk.
-Ils sont en retard.
-Ça dépend par où ils sont passés, tu sais.
-Swatch connaît le passage secret qui mène directement aux cachots. Ils ont donc dû passer par le nid de wyverns. Ce qui est, je trouve, quelque chose de fondamentalement stupide.
-Ils n’ont aucune chance de s’en sortir.
-Si, bien sûr. Ce sont les Protecteurs de Tamriel. Leur force principale réside même dans leur nom : ils sont les Protecteurs, pas le Protecteur. La chute de Fatalis, la défaite de Wargor et Magigor, c’est grâce à leur travail d’équipe. Je doute qu’un basilisque, aussi gros soit-il, comme Antoine, puisse les vaincre. Après tout, ce n’est qu’un animal.
-Un animal qui a bien failli t’arracher un bras.
-J’ai presque été dévoré par un diablosaure, aussi, et je suis toujours vivant. Ahlàlàlà, les petits mystères de la vie… ».
Mickaël évite de justesse un coup de queue. Malgré son apparence massive et pataude, Antoine le basilisque fait preuve d’une agilité exceptionnelle. La queue écailleuse se fracasse contre un mur et fait trembler les fondations du nid de wyverns. En un instant, le monstre est déjà sur Odhran, et glisse autour de lui en sifflant.
« J’aime pas ce regard…
-Odhran ! Le regarde pas dans les yeux ! ».
Odhran se jette à terre pour esquiver les mâchoires du monstre qui se referment en un bruyant claquement.
« Hé, toi ! » crie Quentin.
Le basilisque tourne sa massive tête dans la direction du Barbare, et son expression semble indiquer qu’il a trouvé en la personne de Quentin un plat de résistance potentiel. Quentin attrape quelques caillasses et les lui jette dessus, sans conséquence réelle. Le reptile, plus rapide que l’éclair, serpente jusqu’au Barbare, qui saute sur le côté pour éviter le contact mortel des crocs du monstre, et se dernier se cogne contre le mur, faisant basculer des œufs placés en hauteur. Les fragiles coquilles s’écrasent et explosent sur le dos de cristal du reptile.
« Eh, c’est pas idiot, ça… commente Swatch, resté en retrait.
-Quoi ? lui demande Lauriane, essoufflée.
-Si les wyverns sont si attachées que ça à leurs œufs, on n’a qu’à les jeter sur ce monstre, comme ça elles viendront l’attaquer.
-Hors de question ! Ça mettrait en danger l’équilibre naturel !
-Ces écolos… Faut savoir être pragmatique, des fois !
-Si je le suis, c’est toi que j’envoie dans la gueule de ce truc…. Où est ta sœur ?
-Bah à côté de m… Où est-elle ?! ».
Ils lèvent tous deux les yeux, et remarquent Princesse se faufiler entre les nids de wyverns, sur le rebord de la paroi, et tente d’accéder au sommet, vers la fissure laissant s’échapper le mince filet de lumière, qui, de plus près, semble en effet être assez large pour laisser passer une personne de taille humaine. « Princesse ! crie Swatch. Redescends, c’est trop dangereux ! ». Elle ne l’entend pas. Le basilisque, par contre, oui. Il lève sa lourde tête et ses deux yeux sans paupière fixent Princesse. Proie facile. Un coup de dents. Clac. Plus de tête, et à manger. Simple et efficace. Le monstre commence à poser ses pattes trapues sur la paroi striée pour l’escalader.
Odhran, Thibault, Quentin et Mickaël se regroupent et observent le reptile géant amorcer son ascension.
« Bon, on passe la vitesse supérieure, dit Quentin.
-Une idée ? demande Thibault.
-Ouais ! fait Mickaël, on le crame ! ».
Avant que ses compagnons l’en aient dissuadé, le mage se met à lancer des projectiles enflammées en rafale sur le basilisque, pour un piteux résultat, à la grande déception de Mickaël.
« Les basilisques sont quasiment insensibles à la magie à cause des cristaux sur leur dos, explique Thibaut en soupirant. Ils absorbent la magie.
-Fallait me le dire plus tôt, j’aurais évité de passer pour un gros débile !
-C’est plus fort que toi… Ça doit être inscrit dans tes gênes.
-La ferme !
-Comment on tue ce truc ? demande Quentin.
-Un bon coup de marteau dans les dents, propose Odhran. Rapide.
-Et comment tu vas l’atteindre là-haut ?
-On peut pas penser à tout.
-Mais dépêchez nom d’un chien ! Il va la bouffer, là ! ».
En effet, le basilisque se rapproche dangereusement de la position de Princesse. Cette dernière tente toujours d’atteindre le sommet, mais, dans son empressement, dérape du rebord et se retrouve suspendue au-dessus du vide, seulement raccrochée à la vie par ses deux mains.
« Thibault, ça vient ce plan ? s’affole Quentin.
-Je réfléchis ! Oh, je fais comme je peux !
-Fais plus vite, j’ai pas envie d’aller la chercher à l’intérieur du ventre de ce monstre !
-Je sais !
-Ah bah, il était temps.
-Mickaël, avec moi. ».
La résistance à quasiment toutes les attaques d’un basilisque lui confère un énorme avantage, soit, mais constitue aussi un point faible exploitable si on s’y risque. En effet, la carapace de diamant protège le reptile, et l’empêche de ressentir la douleur. Il ne sait donc pas quand battre en retraite ou s’arrêter, ni quand ses cristaux dorsaux absorbent trop de magie, ce qui est précisément l’idée de Thibault. Le démoniste entraîne le mage avec lui, et tous deux commencent à cribler le reptile de rafales d’énergie magique.
« Mais qu’est-ce qu’on fait ?!
-On le surcharge ! explique Thibault.
-Mais t’es malade ! Ça va le foutre en rogne !
-C’est bien ça, l’idée ! ».
Ils continuent de projeter sur l’animal leur magie. Et leur attaque porte ses fruits quand, déstabilisé par l’absorption de magie, le basilisque lâche prise et tombe sur le dos. À cet instant précis, Quentin sort son épée et Odhran son marteau, et tous deux précipitent sur le monstre pour l’achever. Mais ils se ravisent quand ce dernier se remet immédiatement sur ses pattes, prêt à contre-attaquer. Mickaël et Thibault recommencent à projeter leur énergie sur ses cristaux. Les diamants absorbent tous les impacts, et le basilisque devient plus lourd et désorienté.
« Ça marche ! On est en train de le faire surchauffer !
-Ça va que l’énerver, je te dis !
-Fais-moi confiance ! ».
Finalement, épuisé, le basilisque s’écroule de nouveau, permettant aux deux guerriers de lui asséner chacun des coups d’une violence extrême. Et ils frappent à l’endroit le plus dangereux : les yeux. Le basilisque se reprend, et envoie voler ses assaillants d’un coup de queue.
« Thibault, faut qu’on arrête de le mitrailler ! Regarde ! Il chauffe tellement qu’il fait fondre la roche ! ». En effet, la roche commence à prendre feu sous les pattes de l’animal qui s’agite, siffle de tous les côtés, s’affole.
« On dirait…
-C’est ça, il ne voit plus rien ! Quentin et Odhran ont réussi à l’aveugler. Continue, faut pas lâcher ! ». Cependant, plus haut, Princesse commence à lâcher prise. Et tomber sur un basilisque en surchauffe, c’est quand même risqué. Heureusement, la roche craque petit à petit, et l’affolement du monstre contribue à l’affaissement autant que la chaleur qu’il dégage. Finalement, le sol sous ses pieds s’effondre, et l’animal disparaît dans un abîme de noirceur.
Mickaël et Thibault tombent à genoux, épuisés. Odhran se précipite vers la paroi, et juste à temps, réceptionne Princesse qui vient de lâcher prise. Elle tombe dans les puissants bras du Grand Nain en poussant un « Ouf ! » de choc. Mais immédiatement, elle enserre la tête de sauveur contre son trose voluptueux et couvre son visage de baisers.
« Mais, Miss Daranfort ! proteste Odhran. Je suis un Paladin !
-Ne fais pas l’idiot, mon héros ! ».
Elle lui attrape les joues, et lui pose un grand baiser sur les lèvres. Baiser qui ressemble davantage à une morsure qu’à un baiser, d’ailleurs. C’est bien simple, on dirait qu’elle le dévore.
« Assez ! Je préférais encore l’autre monstre !
-Allons, Odhran, profite ! dit Quentin en riant aux éclats.
-Mais STOP ! Non, ça c’est ma barbe ! Même pas en rêve tu touches à ma barbe ! Aïe mais ça fait mal !
-Il a raison, Princesse, répond Harlon. Fais attention, on sait pas où ça a traîné…
-Toi, je vais te pulvériser !
-Faudrait déjà que tu te dégages de l’étreinte de ma sœur. Et si tu la touches, je te crève.
-Maieuh, c’est pas juste… Mais lâche-moi toi ! Gaaaaah, à l’aide !
-Bon, on y va ? demande Mickaël. Je vous rappelle qu’on a un pirate à pulvériser. ».
Une fois Princesse décrochée de son perchoir, les Protecteurs de Tamriel reprennent leur route en sortant de la ruche.
« C’est bizarre, j’ai l’impression qu’on a oublié quelque chose… constate Thibault.
-Euh… Attends… … … Luna ! Nom d’un chien, on a oublié Luna ! ».
- Chapitre 7 : Un génie du crime.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
Les Protecteurs de Tamriel et leurs deux “invités” émergent d’un petit passage, juste devant une forteresse, à l’abri dans les buissons. Ann Bonny, enfin. Une place forte rectangulaire avec quatre tours, trois étages et deux sous-sols, une cour centrale, et un long mât sur lequel sont attachés deux drapeaux flottant au gré du vent : le premier, tout en haut, arbore clairement les lettres W T F en blanc sur fond noir, tandis que le deuxième, juste en dessous, dépeint un crâne de Troll posé sur trois lances entrecroisées, également en blanc sur fond noir. Ce qui peut passer pour un classicisme affreux inspire pourtant aux aventuriers une certaine idée du prestige et de la valeur qu’accordent Biggoblin à son organisation. Les Protecteurs distinguent clairement des sbires patrouiller sur les murs, armés d’arbalètes et de lances. Chaque tour dispose d’un canon. Une vraie forteresse, vraiment. Au fond, suspendu au-dessus du vide, le donjon, rattaché au troisième étage. Vraiment, Ann Bonny est à proprement parler au bord du gouffre.
« Harlon, une visite guidée s’impose…
-Ann Bonny dipose de trois étages, d’un rez-de-chaussée, et de deux sous-sols. Au rez-de-chaussée, vous avez la cour intérieure. Au premier étage, les salles d’entraînement, les quartiers des sbires, la forge et les écuries. Au deuxième étage, les salles communes et de repos, les cuisines, les réserves de nourriture. Au troisième étage, les quartiers de l’équipage, la salle du trésor, la bibliothèque, la réserve principale de munition, les chambres d’hôte. Il y a quatre tours, et un donjon. Chaque tour est pleine de divers trésors, provisions et munitions. Le donjon abrite les quartiers de Biggoblin, il contrôle tout depuis cet endroit. Au premier sous-sol, c’est les laboratoires et les salles d’expérimentations, et au deuxième sous-sol, les cachots.
-Quelle organisation ! On se croirait presque dans l’antre d’un savant fou ! Et les effectifs, c’est quoi ?
-Des hommes patrouillent sans cesse aux trois étages et gardent les tours. Aux sous-sols, ce sont principalement des gobelins.
-Encore des gobelins, j’en peux plus… Et nos ennemis principaux ?
-Ils sont sept, huit avec Biggoblin. Ils sont bien plus forts que vous, il faudra que vous les battiez un par un si vous voulez en venir à bout.
-D’accord, mais c’est qui ? On les a vus qu’une fois, et encore, c’était la nuit et on s’est pris une raclée dont on aimerait ne pas se souvenir.
-Deux mort-vivants, Settrah, un prêtre, et Akorah, un démoniste. Deux orques, Karndûm, un chaman, et Karshroon, un guerrier. Deux trolls, Baggy, un voleur, et Jacktroll, un tireur d’élite.
-Tiens tiens, Baggy… souffle Quentin. Lui, il est pour moi.
-Eux, ce sont les membres les plus classiques. Settrah et Akorah ne sont pas tellement forts, mais ils ont des sorts redoutables. Karndûm est plus dangereux parce qu’il maîtrise à la fois la magie et le combat, mais il sera certainement aidé par Karshroon, qui, lui, est une vraie brute.
-Ouais, bon, c’est des Orques quand même, rien de bien inquiétant.
-Mais eux, ils sont plus intelligents que la moyenne.
-Dur…
-Baggy est très agile et vicieux, il essaiera toujours de vous attaquer dans le dos. Jacktroll est, comme je l’ai dit, un tireur d’élite. Faites très attention autour de vous, il peut vous tirer un carreau d’arbalète d’à peu près n’importe où.
-Super, ça va être l’éclate totale.
-Enfin, il y a Zarpuk. Zarpuk est un Troll aussi. C’est le commandant en second du Glory of Darkspear et d’Ann Bonny. Méfiez-vous en, s’il y en a un qui ne se rendra pas sans coup férir, c’est lui.
-D’accord… Alors, comment on s’infiltre là-dedans ? On risque de se faire épingler à chaque instant.
-Il y a un passage qui permet directement d’accéder au premier sous-sol. On débouchera dans le petit labo. J’y ai laissé tous mes instruments, sans doute qu’on pourra soigner Luna de sa pétrification.
-On te suit, alors ».
Quelques minutes plus tard, les Protecteurs de Tamriel s’engouffrent dans un passage sombre et humide, avec pour seule lumière celle du jour qui se trouve à l’extérieur. Ils avancent lentement, par crainte peut-être de marcher sur un rat ou une araignée.
« Je déteste les araignées !
-Oui, Mickaël, on sait… ».
Cependant, Odhran se fige sur place. Quelque chose avec plusieurs pattes se promène sur son corps, plus précisément ses jambes, encore plus précisément entre ses jambes.
« Il a raison, bégaie-t-il, il y a des araignées… J’en sens une…
-Princesse, soupire Harlon, tes mains, tu les laisses le long du corps.
-Roooooh, ça va ! » réplique boudeusement la jeune femme.
En dépit de cet incident mineur, la traversée du tunnel se fait sans grand encombre. Harlon pousse une porte de bois, après s’être assuré qu’il n’y avait personne derrière, et ils entrent tous dans une salle carrée avec pour tout ameublement des tables et des tabourets de bois sur lesquels sont éparpillés en vrac des instruments de chimie.
« Voilà, on est au premier sous-sol, les cachots sont juste en dessous de notre position.
-Vite, il faut trouver quelque chose pour dépétrifier Luna… Si ça se dit…
-Aucune idée, mais je vais voir. ».
Swatch commence à envoyer en l’air des tubes à essai et des ballons de verre en cherchant un produit en particulier.
« Harlon… murmure Princesse.
-Quoi ?
-Qu’est-ce que tu faisais, ici ?
-Je tentais de sauver ma peau, frangine.
-Non, je te demande ce que tu fabriquais dans ce laboratoire… ».
Harlon arrête ses recherches, et soupire.
« Du skouma, répond-il en articulant chaque syllabe comme pour en atténuer l’impact.
-Du skouma ?
-Pas du skouma liquide, mais… du gaz.
-Du gaz ?
-Pourquoi, je sais pas… Mais… ».
Il n’a pas le temps de finir sa phrase que Lauriane l’attrape par les épaules et le plaque contre le mur.
« Pourquoi ? demande-t-elle les dents serrées. POURQUOI ?
-Je n’en sais rien !
-C’était ça qu’il y avait, dans ton repaire d’Anvil, n’est-ce pas ?
-Oui, c’était ça…
-Dis-nous pourquoi immédiatement ! Ou je te coupe la tête avec mes propres mains ! J’ai peut-être plus de magie, mais je sais encore me battre !
-D’accord, d’accord ! Je vais parler…
-T’as intérêt !
-Lâche-moi… ».
Lauriane obéit. Elle relâche son étreinte, mais sa mâchoire et ses poings restent fermement serrés.
« Biggoblin a un projet… Un gros projet. Il ambitionne de trouver une arme antique, un navire volant.
-Un navire volant ? C’est ridicule, fait Mickaël.
-Mon père possède une carte indiquant où se trouve ce vaisseau antique. Avec ça, et le skouma gazeux que je lui ai concocté, il aura une force de frappe dévastatrice. Plus aucune ville de Cyrodiil ne sera à l’abri, pas même la Cité Impériale.
-J’ai du mal à faire le lien, là…
-Imaginez un peu. Un vaisseau impossible à aborder capable de répandre le chaos de la folie dans toute une ville.
-Mais des villes pourraient lui résister. Hurlevent, par exemple.
-Bien sûr. Mais combien tomberaient sous l’emprise du WTF ? Et puis, Biggoblin n’est pas idiot, je suis sûr qu’il trouverait un moyen de rendre son navire indestructible.
-En effet… Donc si je résume, il faut qu’on sauve Grosmanu, qu’on sauve ton père, et qu’on mette un terme à une menace terroriste qui pourrait détruire le monde ? Ça ferait presque cliché, mais je dois reconnaître que pour une fois, c’est un peu plus original que d’habitude…
-Tu te rends compte de l’horreur que tu as contribué à créer, Harlon ? lui demande Princesse, les yeux embués.
-Je suis désolé…
-Désolé ? Tu es désolé ? Mais tu vas être responsable de la mort de centaines de gens ! C’est tout ce que ça te fait ?! Tu… Tu…. Tu me dégoûtes, Harlon !
-Ça n’arrivera pas, la coupe Quentin. Ça n’arrivera pas parce que nous allons l’empêcher.
-Ouais, continue Odhran. Sauf que, on va avoir besoin de notre équipe au complet pour réussir. Donc, trouve-nous vite un antidote pour Luna et mène-nous à la cellule de Grosmanu. Lui seul sera assez fort pour vaincre Biggoblin.
-Oui, vous avez raison, répond Harlon. Il n’est pas trop tard. ».
« Patron ! Patron !
-Boss ! Boss ! ». Dan et Ed les gobelins entrent en trombe dans les quartiers de Biggoblin.
« Une minute les enfants, je suis en visite officielle… leur répond-il simplement.
-Mé, chef, cé toa ki a di ke…
-Une minute. ».
Il leur referme la porte sur le nez, et se tourne vers son invité. Il s’agit d’un Troll Sombrelance arborant le même maquillage que lui, mais plus sombre de peau. Il porte cependant une lourde armure et une bure, noires. Ses yeux sans pupilles sont en fait deux profonds puits de flammes, et sa voix résonne jusque dans les tréfonds de l’esprit de Biggoblin.
« Excuse-les, reprend Biggoblin. Dan et Ed ne sont pas très intelligents mais ils font preuve de bonne volonté. Alors, mon cher Metagoblin, vas-tu m’expliquer l’objet de ta “visite surprise” ?
-Ai-je besoin de justifier mes préoccupations ? Je suis juste venu m’assurer du bon déroulement des opérations du WTF dans la région. J’ai appris que notre réseau de skouma à Cyrodiil avait été, pour ainsi dire, décapité.
-C’est un petit peu plus complexe que ça… Mais, comme d’habitude, j’ai trouvé une parade au manque à gagner. ». Il prend sur son bureau un morceau de papier plié en deux et le montre à Metagoblin.
« Une formule chimique. Ta-daaaam ! J’ai à mes ordres de vrais petits génies, des fois…
-Il paraît que ce sont les Protecteurs de Tamriel qui ont mis fin au réseau de skouma, reprend l’autre, imperturbable.
-Oui, je sais, et alors ?
-Je suppose que tu t’es occupé de ce problème également… n’est-ce pas ?
-Hum… Eh bien… Pas tout à fait, non.
-Alors je te conseille de rapidement t’en charger avant que je ne prenne les choses en mains moi-même.
-Oh, Darkou, la joue pas “côté obscur du Troll”, ça prend pas avec moi.
-Et cesse ses familiarités. Nous ne sommes pas sur le même pied d’égalité.
-Allons, Darkou ! Je ne suis qu’un cran en dessous de toi !
-Bref, je ne me suis pas déplacé pour discuter de la pluie et du bon temps avec toi…
-Et pourquoi donc, alors ?
-Le WTF rencontre des difficultés sur le front oriental. J’ai besoin des troupes de ta garnison.
-Attends… J’ai cru mal entendre… MES troupes ? Tu vas réquisitionner MES soldats ?
-Cela ne te dérangera pas, il n’y a aucun problème d’insubordination sur cette île. Et quand il y en a, ton équipage s’en charge.
-D’un côté, c’est logique… Tu me les piques quand ?
-Ils sont déjà à bord du zeppelin que j’ai affrété à cet effet.
-… J’ai quand même mon mot à dire !
-Au revoir, Biggoblin.
-Attends, je… ».
Mais Metagoblin s’évapore dans un panache de fumée noire, laissant Biggoblin la bouche ouverte, consterné par ce qu’il vient d’entendre.
« Je déteste quand il fait ça…
-Euh… Patron ? demande Dan en entrouvrant la porte.
-Quoi ?
-Ils sont ici.
-Ah, au moins une bonne nouvelle… ».
« Mais pourquoi tu m’as frappé ?! s’écrie Mickaël en se tenant le visage dans une main, étalé par terre.
-Pour avoir osé profiter de moi, explique calmement Luna tout en lustrant son poing fermé.
-Mais j’ai pas profité !
-Tu crois que j’ai pas senti que t’en as profité pour me mettre la main aux fesse ?
-Mais c’est pas moi ! Enfin… pas trop…
-… Je venais de l’inventer, Mickaël…
-Oh…
-T’es un homme mort.
-Stop ! crie Quentin en s’interposant. Le mettre en morceaux n’arrangera rien, il faut d’abord qu’on libère Grosmanu et qu’on fasse sa fête à Biggoblin
-Ouais, t’as raison. Numérote tes dents, Mickaël…
-Bon, vous avez fini de vous chamailler ? demande Princesse, un brin agacée. Il faut qu’on y aille !
-Vous croyez qu’on a besoin d’être aussi nombreux pour délivrer le Gros ? demande Odhran. On n’a qu’à se séparer, ça ira plus vite. Princesse, Harlon, Thibault et moi, on va chercher le Gros, pendant que les autres, Luna, Lauriane, Quentin, et Mickaël, vous vous occupez de Biggoblin. Vous en pensez quoi ?
-Eh, c’est pas idiot du tout, commente Thibault. Ils auront plus de mal à tous nous avoir si on est séparé…
-Par contre, d’un autre côté, ça sera plus dangereux si l’un des groupes tombe sur les pirates.
-C’est un risque à prendre, mais on sera une cible facile autrement… ».
Et c’est ainsi qu’ils se séparent, comme convenu. Guidés par Harlon, Princes, Thibault et Odhran partent d’un côté du couloir, en direction des cachots, tandis que Lauriane, Quentin, Luna et Mickaël se dirigent à l’opposé, avec la ferme intention d’en finir une fois pour toutes avec ce Sombrelance de malheur.
Thibault, Odhran, et Princesse suivent Harlon en file indienne. Le trajet n’est pas long, ni dangereux, mais la tâche se complique après avoir descendu l’escalier, quand ils font face au corridor des cachots : chacun des deux longs murs, creusé dans la roche-même, n’est qu’une succession de lourdes et épaisses portes en acier, identiques en tout point.
« Ok, là, ça va pas être facile…
-Vois le bon côté des choses, Thibault : elles ne chercheront pas à nous bouffer. ».
Harlon s’empare du trousseau de clés suspendu à un crochet planté dans le mur, et le groupe commence à ouvrir chaque porte. La première cellule est vide. La deuxième aussi. Ah, la troisième est…
« MAIS FERME BON SANG ! FERME ! ».
Il la referme en vitesse et la boucle à triple tour en poussant un soupir de soulagement.
« Mais qu’est-ce qu’il a besoin d’un tigre dans une cellule ?!
-Et c’est toi qui disais qu’elles allaient pas nous bouffer ?
-J’ai parlé trop, vite, d’accord ? Ça arrive… ».
Après encore quelques essais, dont je vous fais grâce, les cellules étant soit vides, soit occupées par un animal carnivore affamé, ils en arrivent à la sixième porte du deuxième côté, et ils éclatent de joie en voyant Grosmanu à l’intérieur.
Le Tauren est enchaîné au mur, en haillons, et à côté de lui, Georges, le bec encerclé d’un filin de fer et un collier de fer autour de son long cou. Le Tauren lève la tête, et sourit en voyant ses amis devant lui.
« Eyh, fait-il doucement.
-Eyh, Grosmanu, répondent Thibault et Odhran en souriant. Ca va ?
-Super, je me porte comme une séduction…
-Comme un charme.
-C’est nouf-nouf.
-Bon sang, déjà il m’énerve, à tordre les mots comme ça…
-Vous seriez sympas de me séparer, ça fait quatre mensualités qu’on vous attend, fainéants.
-Mais je rêve ? Comment il nous cause, l’autre, là ? Oh, mon gros, tu sais par quoi on est passé pour venir te chercher, au moins ?
-Vous me converserez de vos records plus tard.
-Ouais, t’as raison. Swatch, t’as les clés ? ».
Harlon s’approche et défait les menottes du Tauren. Ce dernier tombe à genoux, mais se relève en un éclair, et, tout aussi rapidement, délivre son animal de ses entraves, qui, comme à son habitude, s’exprime par un bruyant « CÔT ! ».
« Il est toujours aussi assourdissant, ce poulet…
-Côt !
-Pardon, pardon, ce “Coureur des Plaines”.
-CÔÔÔT !
-Hé, mais c’est juste, là !
-En fait, explique Grosmanu, il est devenu encore plus méticuleux depuis qu’il a appris qu’il était un “Haut coureur des plaines”.
-Quel enfer…
-Je ne te le fais pas prononcer. Eh, mais c’est qui, ces deux-là ? Ce taureau et cette génisse ?
-Oh ça ? C’est Harlon Swatch et sa sœur, Princesse.
-Reine ? Drôle de nom.
-Non, Princesse. Répète après moi : Prin… Ce… Sse.
-… Reine.
-Quel âne bâté, des fois, je vous jure…
-QUI C’EST QUE TU TRAITES D’ÂNE BÂTÉ ? C’est MEUH que tu traites d’âne bâté ?
-Oh mon Dieu, faites quelque chose, je vous en supplie… Le Tauren se déchaîne… ».
« Et de dix ! Ha ha ha ! Fuyez, pauvres larbins que vous êtes ! Fuyez devant la fureur du terrible capitaine Mickaël ! Ha ha ha ha ha ! Tremblez, marins d’eau douce !
-Au secours, ils sont trop forts pour nous !
-Ha ha ha ! Courez, chiens ! ».
Les sbires du WTF détalent comme des lapins dans les couloirs d’Ann Bonny, fuyant le carnage perpétré par Quentin, Lauriane, Mickaël et Luna. Le mage fait tournoyer son épée de lumière autour de sa tête, ce qui est inutile, certes, mais tout à fait impressionnant. Des étincelles frétillantes jaillissent de la lame d’or.
« Quels lâches… finit-il par dire en rangeant son épée, dépité.
-J’ai un mauvais pressentiment…
-Quoi donc, encore ? ».
Le couloir dans lequel ils se trouvent est un vaste corridor du plus pur style XVIème siècle, avec de multiples et larges fenêtres donnant sur la cour. Luna s’approche de l’un des ouvertures, et regarde la cour.
« C’est presque trop facile, souffle-t-elle.
-Je suis d’accord, renchérit Quentin. Ils sont trop peu nombreux et s’enfuient trop vite. Mickaël, tu dis un truc à propos du “terrible capitaine” et je te fais avaler ton épée. C’est une organisation criminelle soi-disant impitoyable, et tout ce qu’on affronte, ce sont des lavettes. Il y a un truc qui cloche.
-Ouais, bon, réplique Mickaël, faut en profiter.
-C’est sans doute un piège, Mickaël.
-Piège ou pas, on saura pas si on avance pas.
-Restons sur nos gardes, tout de même… ».
Ils reprennent leur progression, abattant les sbires leur faisant obstruction, ou bien les faisant fuir par une brève démonstration de force. S’ils ont bien suivi les indications de Swatch, ils devraient bientôt atteindre la tour de Biggoblin. En espérant qu’il s’y trouve.
Quand on parle du loup…
Biggoblin sourit, et s’empare de son fusil à lunette, un fusil de chasseur qui a connu de nombreuses batailles et traques, et en a toujours fait sortir son propriétaire vivant.
« Alors, Jack ? demande le Troll. À ton avis, lequel j’abats en premier ? ».
Il le charge, et le pose sur son épaule, et sort de son bureau, Jack sur ses talons.
« Kssshéhéhé… Tu sais, Jack, dans la vie, il y a deux sortes d’individus : les chasseurs et les chassés. Toujours. Mais le plus excitant, c’est que tu ne sais lequel des deux tu es que durant les derniers instants de la traque. C’est toujours ce moment qui m’a le plus plu… ».
Il descend l’escalier, et arrive au sommet des murs, où il s’appuie sur les créneaux pour tenter d’apercevoir ses adversaires. Ce qui n’est pas difficile si l’on sait l’entraînement intensif qu’a poursuivi Biggoblin toute sa vie pour développer ses sens : sa vue est aussi aiguisée que celle d’un aigle, son ouïe aussi sensible qu’une chauve-souris, son odorat aussi poussé qu’un serpent. Un individu constitué d’autant de traits animaliers, associés à une intelligence humanoïde ne donne qu’une seule chose : un tueur parfait.
« Allons, mes petits amis, où êtes-vous donc ? Où vous cachez-vous ? Ah ? Kssshéhéhé, vous voilà, les enfants… Le porteur de l’épée en premier. ».
Il ajuste son fusil, et vise la tête de Mickaël qu’il voit passer à travers les fenêtres. Biggoblin ralentit sa respiration. Il ne doit pas le rater, c’est son unique chance de sauver Vidya. Il ne doit pas le rater. De la mort de Mickaël dépend la vie de Vidya. Il retient sa respiration, et son doigt effleure doucement la détente du fusil. Encore quelques secondes… quelques secondes…
Soudain, une voix lui susurre un discret “bouh” dans le creux de l’oreille.
Il sursaute, et tire. La balle fuse, perfore la fenêtre, siffle à trois centimètres de l’oreille de Mickaël, et s’encastre dans le mur.
Biggoblin n’en croit pas ses yeux. Il se penche sur les créneaux, stupéfait, même s’il n’en laisse rien paraître. Il lâche son fusil, et se tourne vers celle qui lui a fait “bouh” dans l’oreille, la responsable de son échec. « Circé… » murmure-t-il. En effet, Circé la sorcière se tient devant lui, souriante, appuyée sur son bâton, ses cheveux tressés tombant autour de son visage.
« Qu’est-ce que tu fais là, sorcière de malheur ?
-J’ai eu une discussion avec les esprits, Fus’obeah. Et j’ai regretté d’avoir laissé ces jeunes gens aller droit vers leur mort. Je suis donc venue leur prêter main forte. Ils doivent vivre.
-C’est un acte fort louable, en effet. Mais tu es seule. ».
Soudain, la lourde porte d’entrée d’Ann Bonny s’ouvre en grand, et une trentaine de Trolls Danselame se ruent à l’intérieur de la forteresse, en poussant des cris de guerre effrayants. Depuis le mur, Biggoblin jette juste un coup d’œil distrait à la nouvelle situation.
« Je vois que tu as ramené tes petits copains… C’est une violation de propriété privée, ça va te coûter cher, Circé. Ce n’est pas ta guerre, tu n’as pas à t’en mêler.
-Je ne laisserai pas ces gens foutre leur vie en l’air pour quelqu’un comme toi, Fus’obeah. Tu as déjà commis assez de torts comme ça.
-Je ne cherche pas à les tuer. Je n’ai rien contre eux, on a même beaucoup de points communs. Mais les affaires, c’est les affaires. Alors n’interfère pas. Jack… ».
Le raptor saute de son perchoir en rugissant, et fait face à Circé, toutes dents et griffes dehors. Biggoblin ramasse son fusil, et s’en va nonchalamment trouver un autre coin tranquille.
« Tu as vu d’où ça venait ? demande Lauriane.
-De là-haut. » répond Quentin.
Le quatuor regarde par la fenêtre percée, et voit Biggoblin s’en aller. Au même instant, un petit bataillon de Trolls pénètre l’enceinte d’Ann Bonny en scandant des chants guerriers.
« Quel retournement de situation…
-Profitons-en ! Biggoblin est là-haut, allons le coincer !
-T’as raison, il ne faut pas qu’il s’échappe. Allez, let’s go ! ».
Ils reprennent leur course de plus belle.
Grosmanu boucle sa ceinture, et s’éclaircit la gorge, et se craque les doigts et le cou. De toutes les personnes présentes dans la section des cachots, il est le plus calme. Même George s’affole et court dans tous les sens. La cause de cette panique collective ? Aliza et le Gouverneur sont absolument introuvables. Harlon et Princesse se lamentent en se demandant ce qu’ils vont faire. Odhran et Thibault se disputent quant à la prochaine action à effectuer. Et Georges reste fidèle à lui-même. Grosmanu attrape ses deux compagnons par le col et les séparent l’un de l’autre.
« C’est pas un peu fini ? beugle-t-il.
-Mais c’est lui qui…
-Je ne meux pas le savoir ! Le Régent et la fille sont forcément ici, y a donc qu’à foutre le souk, on finira bien par les deviner. Des fois, je me demande pourquoi vous essayez d’établir une stratégie quand y en a pas besoin… On fonce et puis c’est tout. Tiens, justement. ».
Deux gobelins font leur apparition en haut des escaliers.
« Oh oh Ed… Z’ai… z’ai…
-Keskya Dan ? demande l’autre.
-Z’ai ‘ru voir un ‘rosmanu !
-A oué, ankor. Mé il é grav ce mék !
-Il a pris son fusil !
-Jan peu plu, c toujoùr pour nou, lé cou foareu.
-Il nous vise !
-Nan mé c vré koa, sa sufi, m1tnaan. C toultan sur nou ke sa tomb. Sa soul.
-Il va tirer !
-C d ci d, on d misione. ».
Deux détonations se suivent, et les deux gobelins tombent au sol, sur le dos, chacun percé d’une balle.
« Il a tiré…
-Moa jdi : lol ! ».
Grosmanu sourit, et d’un geste de sa grosse main, montre le chemin à suivre à ses acolytes, qui lui emboîtent le pas, bien que Princesse et Harlon y soient relativement réticents.
Mickaël, Lauriane, Quentin et Luna arrivent sur le mur, d’où ils ont désormais une vue imprenable sur le pied de la falaise et les différentes luttes opposant les Trolls Danselame aux sbires du WTF. Derrière eux se situe l’une des imposantes tours.
« Bon, il est où, le Sombrelance ?
-Il me gonfle, à se cacher comme ça sans arrêt… On fait pas un cache-cache, ça suffit maintenant !
-On est d’accord. ».
Ils font quelques pas en avant, apercevant non loin Circé affairée avec un raptor. Soudain, trois formes tombent à côté, formes qui se révèlent être Baggy, Karshroon et Settrah. Les quatre aventuriers se mettent en garde.
« Ok, ça, c’est du piège… commente Luna.
-Ils sont que trois, on est quatre, on peut les battre.
-Sauf qu’ils sont bien meilleurs que nous…
-T’es dans leur camp ou le nôtre ? C’est nous, les héros ! C’est nous qui sommes censés les vaincre, c’est la logique des choses.
-Tu vois, ils ont pas l’air d’être au courant. ».
Karhsroon met son bouclier bien en avant et fait tourner sa hache autour de la main. Baggy racle ses dagues l’une contre l’autre, et Settrah crispe ses doigts desséchés et décrépits autour de son bâton. Biggoblin atterrit juste derrière eux, le dos tourné à ses adversaires, le fusil sur l’épaule.
« Niggoblin ! s’écrie Mickaël.
-Non… Biggoblin, c’est un B.
-Qu’est-ce que…
-Chaque chose en son temps. ».
Il charge son fusil, vise Circé, et tire. La sorcière tombe en arrière, et Jack accourt près de son maître. Biggoblin baisse son arme et soupire. Circé ne bouge plus.
« C’est dommage, soupire de nouveau le Troll. C’était une belle plante.
-Lâche ! Tu l’as abattue dans le dos !
-À la guerre, Luna, seule la victoire compte. Tu devrais le savoir mieux que quiconque. Et vous n’avez strictement rien fait pour m’empêcher de la tuer, ce qui confirme malheureusement ce que je pense : vous pensez d’abord à vous. Après tout, vous êtes des “héros”, c’est normal. Allez, emmenez-les au premier sous-sol.
-Mais, Biggo, intervient Settrah, les Danselame sont en train de prendre Ann Bonny.
-L’accès au Darkpsear est coupé ?
-Non, mais…
-Tu attends peut-être de moi que je mène une contre-offensive certes courageuse mais désespérée ? Ça n’aboutirait qu’à notre mort à tous. Non, Settrah. Parfois, il est nécessaire de reconnaître la défaite d’une bataille pour gagner la guerre. Emmenez-les. ».
Grosmanu, Georges, Princesse, Harlon, Thibault et Georges sont dans le premier sous-sol, et viennent de se débarrasser des derniers gardes.
« Je crois savoir où ils ont guidé leurs séquestrés, dit le Tauren. Ce matin, après la session de tortures, ils…
-La séance de torture ?! s’étranglent Princesse et Harlon.
-Oui, les pirates désiraient connaître deux-trois trucs sur vous. Mais circulons. Je préjuge les avoir écoutés les transporter dans le haut atelier…
-… Grosmanu, c’est strictement incompréhensible, répond Odhran.
-Meeeuuuh non !
-Si si, je t’assure.
-Vous avez mis le temps. » fait une voix.
Ils se figent sur place. Zarpuk, au fond du couloir, les regarde, les bras croisés.
« Owachi ! s’écrie Grosmanu.
-Zarpuk ! s’écrie Harlon.
-Décidez-vous, dit Thibault. Zarpuk ou Owachi ?
-Owachi, ça doit être son nom en tauren… Bref !
-Ouais. Grosmanu, descends-le ! ».
Le visage de Zarpuk ne réagit pas face à la menace. Il fait un pas sur le côté, et révèle, derrière lui, Aliza, ligotée et bâillonnée. D’une main, il la saisit et la poste devant lui, comme bouclier humain, et de l’autre lui appose sur la joue la lame d’un stylet. Derrière les aventuriers apparaissent Jacktroll, Karndûm et Akorah. Jacktroll fait sentir son arbalète prête à tirer dans la nuque d’Odhran.
« Euh, les gars… bégaie le Grand Nain. Je pense qu’on peur leur concéder ce point-là…
-Ok, pirates, dit Thibault. Vous gagnez cette manche-là, mais ce n’est que partie remise. Franchement, Grosmanu, c’est bien la peine de t’avoir délivré si tu ne nous sers à rien… T’es plus fort qu’eux, non ?
-Oui, répond le Tauren, mais je ne spécule pas être plus véloce qu’une décharge d’arbalète.
-Mouais, chuis pas entièrement convaincu.
-Tu veux hypothétiquement expérimenter de risquer la destinée d’Odhran ?
-… Bon, les pirates, reprenez le Tauren et laissez-nous la fille, là, ça en devient insupportable. ».
Il faut quelques minutes pour que tous les Protecteurs de Tamriel, et l’équipage du Glory of Darkspear, soient réunis dans le grand laboratoire. Se trouvent donc dans l’immense salle carrée : les Darkspear, les Protecteurs, Swatch et Princesse, Aliza et le Gouverneur, Nestor, Mnscrtch, et une grande silhouette vêtue d’une tenue d’apparat bleu nuit et or.
« Nous voilà tous réunis comme une grande et belle famille, commente Biggoblin. C’est-y pas beau la vie ? ». Il ricane, et s’approche de Mickaël. Biggoblin mesure facilement deux mètres de haut. Il attrape le visage de Mickaël à une seule main, et le tient par les joues, secouant doucement la tête du mage comme s’il s’agissait d’un vulgaire hochet, la balançant à gauche, à droite, vers le haut, vers le bat, en avant, en arrière.
« Vous êtes fascinants… Vous avez traversé la jungle sans une seule égratignure, vous avez gravi la falaise sans difficulté, vous infiltrez ma forteresse et y répandez un souk pas possible, mais à aucun moment vous ne semblez avoir porté un réel intérêt à cette épée que vous trimballez, ni aux Danselame qui sont venus vous prêter main-forte. J’ai du mal à vous comprendre.
-Allez, Biggoblin, dit Nestor. Abrégez, prenez l’épée, et allons-nous en.
-Vous avez raison… Tu permets ? ».
Il attrape la lame à la taille de Mickaël, et la retire de son fourreau. Il l’examine brièvement, esquisse un rapide sourire satisfait, et tend l’épée à Mnscrtch et Nestor, qui disparaissent au fond de la salle, derrière les Darkspear. Biggoblin s’écarte des Protecteurs de Tamriel.
« Qu’est-ce que je vais faire de vous, maintenant, mmh ? Vous n’êtes plus utiles, maintenant, mais je n’ai pas envie de vous tuer. Je vous apprécie trop pour ça. Mais, si je ne vous fais pas disparaître, vous allez me poursuivre pour tenter de récupérer l’épée. De toute façon, ça n’a plus d’importance…
-Pourquoi ? demande Luna.
-Sitôt que vous avez retiré l’épée de son socle, vous avez déclenché une série d’épreuves, dont la dernière va avoir lieu dans quelques heures, deux précisément, à 17h30.
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Votre dernière épreuve sera d’affronter le soi-disant “jugement divin” qui, selon la rumeur, détruira l’île entière. Bien que je sois assez peu naïf par nature, les rumeurs ont souvent un fond de vérité, et là, je pense que la seule véritable rumeur, ce serait le nom de “jugement divin”. À 17h30, tout Eden Island va disparaître, avec sa flore, sa faune, ses pirates, et ses Danselame survivants.
-Fus’obeah, intervient Zarpuk. Il faut y aller, les Danselame seront là d’une minute à l’autre.
-Mais allez-y, les enfants, il ne me reste qu’un dernier petit détail à régler…
-Mais…
-Allez-y. Je vous rejoins de suite. ». Zarpuk acquiesce avec réticence. Les Darkspear disparaissent dans la même direction que Mnscrtch et Nestor, ce qui laisse supposer l’existence d’un passage secret. Biggoblin s’empare d’un pistolet, et le pointe sur ses adversaires.
« Allez, séparez-vous. Je veux les Protecteurs de Tamriel d’un côté, et les autres de l’autre. ».
Ils s’exécutent. À gauche, les Protecteurs, et à droite, Harlon, Princesse, Aliza et le Gouverneur qui, blanc comme le lin qui lui enserre le bras, est assis sur une chaise, presque mourant.
« Écoute, Biggo, commence Harlon. Je peux tout t’expliquer, je…
-La ferme, Harlon. Quel mensonge vas-tu me sortir encore ? Tu ne pouvais simplement me dire que Princesse était ta sœur, non ? C’était trop te demander ?
-Je…
-Et que, de facto, NRJ était ton père ?
-Je…
-La ferme. Pour la peine, je vais éliminer, entre toutes ces personnes ici présentes, la personne à qui tu tiens le plus.
-Biggoblin ! s’écrie Grosmanu. Lequel es-tu pour dresser une sélection aussi vicieuse ?!
-Je suis un homme d’honneur. Je ne tuerai qu’une personne. Celle qu’il me désignera. Alors, Harlon ? ».
Harlon commence à trembler. Ses yeux vont à droite à gauche, se posant tour à tour sur son père, sa sœur, et Aliza. Il transpire, il n’arrive pas à penser.
« Eh bien, Harlon ?
-Tue-moi.
-Hein ? ».
Biggoblin, décontenancé par la réponse, baisse son arme de quelques centimètres.
« Tu veux que je te tue ? C’est un accès de folie devant une arme qui te fait ça ?
-Non, mais je déteste mon père pour tout ce qu’il représente, Aliza n’a jamais rien réussi de sa vie, et Princesse n’est qu’une traînée qui ne pense qu’à baiser. De tous, je suis celui que je déteste le moins.
-Tu sais que tu peux aussi choisir les Protecteurs de Tamriel, hein ?
-Je ne les connais pas assez.
-Je… Très bien. ».
La détonation fatale retentit, et le projectile traverse l’abdomen d’Harlon. Swatch sent la petite balle faire son chemin en perforant ses organes, brûlant et vrillant et résonnant dans son corps. Le jeune homme s’effondre dans une flaque de sang. Les Protecteurs sont stupéfaits, tandis que Princesse et Aliza se mettent à hurler en se précipitant sur le corps d’Harlon. L’absence quasi-totale de réaction du Gouverneur montre que ce dernier est déjà perdu dans les limbes des ténèbres de l’inconscience. Deux coups de feu retentissent de nouveau, et le Gouverneur et Aliza rejoignent Harlon dans la mare de liquide sombre. C’en est trop pour les Protecteurs. Odhran bondit sur le Troll, qui d’un maître coup de pied lui fait mordre la poussière.
« POURQUOI AS-TU FAIT ÇA ?! hurle Princesse. POURQUOI ?!
-Je lui ai dit de choisir la personne qu’il aimait le plus, pas celle qu’il détestait le moins.
-Niggoblin, tu joues sur les mots ! s’indigne Mickaël.
-… Je m’appelle Biggoblin, c’est un B. Je ne fais qu’appliquer les sentences réservées aux traîtres.
-Alors meurs ! » s’exclame une voix.
Biggoblin lève les yeux au ciel, évite l’attaque que lui assénait par derrière Circé et se passe alors quelque chose que personne n’aurait pensé de la part du Sombrelance. Personne n’avait encore remarqué qu’il portait à la taille une épée aussi noire que le néant le plus vide. Le Troll dégaine l’épée en un geste, et, tout aussi rapidement, la passe au travers du coeur de la sorcière. Cette dernière ressent la lame glaciale lui mordre sa chair, pénétrer son corps en élargissant la blessure, attirer des bouts de chair avec elle, l’inciser, l’entailler toujours plus profondément. Elle ne laisse échapper qu’un hoquet. Biggoblin retire sa lame et laisse tomber le corps cette fois irrémédiablement sans vie de Circé. Avant que quiconque ait pu réagir, il saute vers la grande forme noire et insère l’épée dans une encoche au niveau du sternum.
Quelques secondes se sont écoulées. Biggoblin range son arme dans son fourreau, et avec déférence, observe la forme noire drapée de bleu se mouvoir. Sous la capuche, deux yeux rouges se mettent à briller.
« Kssshéhéhé… Admirez ! Admirez mon œuvre !
-On dirait Frankenstein…
-Kssshéhéhé… Oups là, il est tard… Il faut que j’y aille. Désolé de vous laisser là comme ça, mais je dois y aller, je ne tiens pas à mourir par votre faute. Amusez-vous bien ! ».
Et il s’enfuit, laissant les Protecteurs de Tamriel face à leur nouvel adversaire.
« Mais c’est quoi ce truc ?!
-On dirait… Arx Fatalis, mais en plus grand !
-Ça existe pas les robots dans cet univers !
-Ce n’est pas un robot…
-Attends, tu crois que si on lui demande, il nous fera “Je reviendrai” ou ”Hasta la vista, baby” ? ».
L’humanoïde, à défaut de pouvoir mieux le nommer, empoigne le trident posé contre le mur, et commence à avancer vers les aventuriers.
« Je ressens quelque chose en lui… murmure Thibault.
-Une faiblesse potentielle ?
-Il… C’est Circé.
-Quoi ? Nan nan, mon vieux, elle est là, à plat ventre dans une flaque de sang.
-Un peu de respect pour les morts !
-Cette épée… fait Princesse.
-Quoi ?
-Elle était à mon père… Umbra, je crois…
-U-umbra ? LA Umbra ?! s’étrangle Luna.
-Qu’est-ce qu’il y a de si affolant ? demande Quentin.
-Umbra est une épée maléfique qui a la particularité d’absorber les âmes. Ça voudrait donc dire que Biggoblin aurait transféré l’âme de Circé de son corps à ce… truc !
-Et évidemment, je suppose qu’il n’y a aucun moyen de le raisonner.
-¬Âme ne veut pas dire mémoire.
-Merci de nous rassurer. ».
Ils évitent subitement un coup asséné par le monstre, et ripostent tous ensemble en même temps, mais leurs armes passent au travers de leur adversaire, ne faisant que déchirer ses vêtements. Lentement, le monstre se tourne.
« Mais… Il craint pas les dégâts physiques !
-Alors on va le flamber ! » s’exclame Mickaël, une lueur de sadisme éclairant ses yeux. De ses deux mains jaillissent des boules enflammées, qu’il envoie sur l’ennemi. Les projectiles de feu achèvent d’emporter les vêtements, mais n’effleurent pas le mystérieux guerrier, qui révèle d’ailleurs son corps véritable : un grand squelette noir, dont le crâne est recouvert d’un masque en acier tout aussi noir, laissant seulement s’échapper par deux interstices le rouge flamboyant de ses yeux.
« Et il ne craint pas la magie…
-Là, on est mal rayé… constate Grosmanu.
-C’est quoi, ce truc ? Un big dark warrior ?
-Tu discutes bizarre, des fois, Mickaël.
-Et c’est toi qui me dit ça ?! ».
Heureusement pour les aventuriers, le guerrier est particulièrement lent, ce qui leur laisse le temps, entre deux attaques, d’essayer de peaufiner une stratégie.
« Mais qui aurait un pouvoir utile contre ce truc ? Lauriane exceptée, puisqu’elle a eu la charmante idée de ne plus avoir de magie.
-La ferme, réplique Lauriane.
-Je dis ça comme ça.
-Bah moi, propose Odhran, j’ai un pouvoir “libérer la démence”.
-C’est nul comme nom. Ça fait quoi ?
-Je te lis la description : “invoque un puissant guerrier ailé mais aveugle”.
-C’est… tout ?
-Tu t’attendais à quoi, une bombe atomique ?
-Allez, balance-le, on verra bien.
-Par contre…
-Par contre ?
-Je risque de passer du mauvais côté de la barrière…
-… On te collera des baffes, ça te calmera.
-J’aimerais autant éviter.
-Mais tu le balances ton guerrier machin-chose, oui ? On n’a pas toute la nuit. ».
- Chapitre 8 : Le pirate qui valait 110000.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
Le guerrier noir s’envole et finit sous les décombres du mur. Si le “guerrier ailé mais aveugle” d’Odhran a été totalement inefficace, car vaporisé sitôt arrivé, son côté obscur, en revanche, Cydranog, a su tenir tête au guerrier noir. Ce dernier, indémoralisable et insensible à la douleur, n’a eu de cesse de se relever face à son adversaire qui, à présent, l’a bloqué sous une tonne de gravats. Mais à peine Cydranog a-t-il réglé son compte au guerrier que Grosmanu l’attrape par les cheveux et lui inflige deux douloureuses paires de gifles. Cydranog perd connaissance, et se retransforme petit à petit en Odhran.
« Bon, ok tout est réglé. Maintenant, faut rattraper Biggoblin et récupérer l’épée.
-Vous avez vu, il bouge encore. ».
En effet, le guerrier noir continue d’agiter fébrilement et vainement ses mains aux longs doigts crochus dans le but d’attraper l’un des aventuriers.
« C’est teigneux, ce truc, quand même… J’espère qu’on n’en affrontera jamais d’autre, frissonne Lauriane.
-Je suis bien d’accord avec toi, approuve Thibault. C’est trop costaud pour nous.
-Ouais, bon, on y va ? » s’impatiente Mickaël.
Ils commencent à se diriger au pas de course en direction de l’endroit où Biggoblin et ses sbires ont disparu, mais ils s’arrêtent presque aussitôt pour constater que Princesse ne quitte pas les trois cadavres encore étalés dans leur sang. Quentin s’agenouille à côté d’elle.
« Écoute, commence-t-il. Je suis sincèrement désolé pour ce qui est arrivé à ton frère et ton père. Mais ce qui est fait est fait. Tu ne peux rien y changer. Tu dois te concentrer sur le que tu vas faire, maintenant. Tu préfères te lamenter, et attendre que cette île implose, ou bien vivre pour te venger de leur meurtrier ? ».
Princesse essuie ses larmes avec ses mains pleines de sang, ce qui lui laisse une grotesque traînée rouge sombre en dessous de ses yeux en amande et sur son petit nez mutin.
« Je vais le buter. » finit-elle par lâcher.
Ils se rendent au fond du laboratoire, et se rendent compte qu’il y a un petit passage renfoncé dans le coin. Ils s’y engouffrent, et aboutissent peu après à l’air libre, dans un creux de la falaise, juste en dessous d’Ann Bonny. Un petit bâtiment ouvert, semblable à une sorte d’écurie, se dresse sur leur gauche. Ils s’en approchent, et découvrent qu’elle est, malgré les apparences, assez vaste pour abriter la demi-seizaine de raptors qui y réside. À peine les aventuriers ont posé un pied à l’intérieur du bâtiment que les animaux lèvent leur tête de leur mangeoire et les observent avec une curiosité insistante.
« Oups… Je crois qu’on va trouver un autre endroit…
-Non, examine, dit Grosmanu. Ils ont des harnachements et des brides.
-Quoi, ils sont élevés exprès pour être montés ?
-C’est profusément banal chez les Trolls de posséder des raptors comme chevaux. Et puis, s’ils étaient asociaux, ils nous auraient déjà assaillis.
-Tu crois qu’on peut…
-Les raptors sont prônés en biotope montagneux, ils sont très agiles. On peut les user pour rallier les Darkspear.
-Mais on ne sait pas où ils sont allés.
-Il n’y a qu’un itinéraire jusqu’à une petite crique. C’est indubitablement là qu’ils ont amarré le Glory of Darkspear.
-Ok, je te fais confiance… ».
Chacun s’approche d’un raptor, et, faisant preuve d’une prudence exacerbée, grimpe sur le dos du reptile. Le raptor de monte est un animal certes domestiqué, mais néanmoins farouche. Et très sensible aux émotions de son cavalier. Sentant leurs monteurs très peu sûrs d’eux-mêmes, les raptors se mettent brusquement à bondir sur place et à partir à cent à l’heure, leurs infortunés chevaucheurs tentant tant bien que mal de rester en selle. Les dinosaures s’engagent dans la descente escarpée en sautillant, causant par ce faire bien des frayeurs aux Protecteurs de Tamriel qui, à ce moment précis, ne pensent qu’à faire de ces satanées bestioles un festin dont on se souviendra pendant très longtemps.
Une dizaine de minutes plus tard, les raptors arrivent au pied de la falaise, et il s’en faut d’encore cinq minutes de course effrénée pour atteindre la plage de sable fin où sont en train de s’affairer les pirates de Biggoblin. Non loin mouille, macabrement majestueux, le Glory of Darkspear. Le Darkspear est une belle frégate taillée dans l’ébène de la meilleure qualité. Deux mâts se dressent fièrement sur le pont, et au sommet du plus grand d’entre eux flotte l’étendard de Biggoblin : un crâne de Troll sur trois lances entrecroisées. Sur le pont supérieur, quatre canons, deux à bâbord et deux à tribord servent d’armement secondaire. En effet, et c’est ce qui fait la plus grande originalité du Glory of Darkspear, deux immenses défenses en ivoire sont solidement accrochées aux flancs de la frégate. Bien que d’apparence rudimentaire et décoratif, cet attirail est essentiellement destiné à embrocher les navires à aborder dans le but essentiel de les faire sombrer au fond de l’océan une fois l’attaque perpétrée et le butin amassé. Personne n’a jamais su pourquoi, mais le Glory of Darkspear a acquis la terrifiante réputation de réussir à encorner des navires tout en étant contre le vent… Sur la plage, les pirates finissent d’embarquer leurs caisses de skouma sur les canots. Biggoblin reste droit, supervisant le déroulement des opérations. Grosmanu pose pied… enfin, sabot, à terre, imité par ses camarades avec plus ou moins (mais surtout moins) de succès. « Echeyakee ! » mugit Grosmanu.
Biggoblin pivote lentement, les bras croisés. Même pas pris de court, ni étonné, il n’affiche strictement aucune expression en dessous de son maquillage. Les Darkspear abandonnent sur le champ leurs diverses activités, et viennent se poster derrière leur capitaine, toutes armes dehors. Jack émet un son à mi-chemin entre le ronronnement et le grognement hargneux et se serrant contre les jambes de son maître.
« Jinnalak… répond Biggoblin du ton le plus neutre possible.
-Rends-nous l’épée ! enchaîne immédiatement Mickaël.
-Monstre ! Tu vas payer ! crie Princesse.
-La vengeance appelle la vengeance, je suppose, répond Biggoblin sur le même ton. Et vous allez faire quoi, mmh ? Me passer les menottes en espérant que je vais gentiment me laisser faire, pour vos beaux yeux ?
-Non, pas jusque-là, j’espère bien que tu vas te battre, rétorque Odhran. Tu trouves que j’ai de beaux yeux ? ».
Le silence de Biggoblin le glace sur place.
« Écoutez, les gars, reprend le Troll, j’en ai assez de jouer, maintenant. Trop de sang a coulé, aujourd’hui. Je ne vous rendrai pas l’épée. De toute façon, elle est déjà sur le Darkspear. Si vous la voulez, il faudra me tuer.
-Ah, j’espérais bien que tu dirais ça ! s’exclame Quentin. Allez, venez, on lui explose les dents.
-Et vous pensez sincèrement que mon équipage va vous laisser faire ? Je veux bien que l’on soit dans une fiction, mais il y a des limites.
-… Mais de quoi il parle ?
-Je suis beau joueur. Quand nous allons partir, nous allons vous laisser un canot pour partir d’ici. Maintenant, excusez-nous, mais nous sommes pressés. ».
Biggoblin leur tourne le dos, et commence à donner des directives à ses matelots.
« Biggoblin… articule Mickaël, la gorge soudain sèche, en tant que détenteur légitime de l’épée de lumière et capitaine de l’équipage du Protecteur de Tamriel, je te défie. ». Biggoblin ne réagit pas immédiatement. Il tourne légèrement la tête, son œil gauche se posant sur l’impertinent osant lui parler de défi. Cet œil couleur d’ambre à la pupille noire fendue de reptile.
« Je te l’ai déjà dit, gamin. Tu n’es pas un vrai pirate, je n’ai pas à relever le défi.
-Donc j’en déduis que tu as peur.
-Prends le comme ça, si tu veux.
-Il a même pas de fierté…
-Ça te gêne, gamin ?
-Ok… Cependant, je suis sûr d’un truc, c’est que tu aimes jouer. Je me trompe ?
-Peut-être pas…
-Ok, alors voilà : je te propose un combat, entre toi et moi. Si je gagne, je remporte l’épée.
-Et si je gagne ? Tu n’as rien à me proposer.
-Euh… Eh bien j’ai un beau manoir, à Chorrol, ou beaucoup d’argent.
-J’ai déjà ce qu’il me faut, non merci. Tu n’as rien de plus intéressant à me proposer ? Quelque chose d’unique ?
-Euh… Attends…
-C’est bien ce que je pensais. Tu n’as rien. Tu plastronnes, tu parles sans agir, c’est commun à tous les aventuriers… Mais je ne t’en veux pas pour ton manque d’originalité. ».
Biggoblin commence à s’en aller, suivant son équipage qui vient de terminer les préparatifs du départ.
« Je joue Luna ! s’écrie Mickaël.
-Kssshéhéhé…
-Non mais ça va pas ?! s’étrangle l’intéressée. Tu veux vraiment que je te tue moi-même ?!
-Fais-moi confiance, répond Mickaël.
-Ça devient intéressant, avoue Biggoblin.
-Mais je vais te massacrer, Mickaël !
-J’accepte le jeu.
-QUOI ?! Mais je vais te déchirer aussi, Niggoblin !
-Biggoblin, c’est un B.
-Je refuse catégoriquement !
-Discutes-en avec ton “capitaine”. Je m’écarte, vous viendrez me trouver quand vous aurez fini par vous décider, je serai sur ce rocher, là-bas. ».
Biggoblin s’éloigne, les mains dans le dos, suivi au trot par Jack. Sitôt qu’il est hors de portée de voix, enfin, sitôt que les Protecteurs le croient, Luna attrape Mickaël par la veste et commence à le secouer d’avant en arrière.
« Tu as perdu la tête ?! fulmine-t-elle.
-C’est vrai, approuve Lauriane. C’est un membre de l’équipe, on ne peut pas la jouer comme un vulgaire jeton de poker. Je m’oppose catégoriquement à cette décision.
-Ok, d’accord, alors vous avez mieux à proposer, je suppose ? demande sèchement Mickaël. Si je te joue toi, Quentin m’annihile sur place. Si je joue Quentin, tu m’annihiles. Grosmanu, n’en parlons même pas. Et Thibault et Odhran ? ».
Les deux derniers cités font un non strict en agitant leur index de gauche à droite.
« Et quant à Princesse, elle n’aurait aucune valeur pour Biggoblin, finit Mickaël. Donc, par élimination, tu es la seule à pouvoir être troquée contre l’épée.
-C’est ta tête que je vais troquer contre l’épée ! rugit Luna, furibonde.
-Et puis, si je me souviens bien, tu l’as déjà affronté par le passé. Ce qui rajoute encore plus de valeur à ses yeux. ».
Grinçant des dents, Luna le lâche, et frappe son torse de l’index.
« Je te préviens. Si jamais tu perds, je ferai de ton dernier souffle de vie un enfer.
-Je sais, mais je ne perdrai pas, fais-moi confiance.
-Je te fais confiance, mais t’as vraiment intérêt à gagner.
-Je crois que c’est dans l’intérêt de tout le monde… ».
Mickaël fait un geste à Biggoblin, qui revient nonchalamment près des aventuriers, les bras croisés dans le dos.
« Vous vous êtes… arrangés ? demande-t-il avec son désormais célèbre ton neutre.
-Elle accepte, répond Mickaël.
-Parfait. Luna contre l’épée.
-J’ai besoin d’une garantie que vous ne vous enfuirez pas avec l’épée, si je gagne.
-Tu as ma parole d’homme d’honneur.
-Trois personnes en ont fait les frais, il y en a encore peu, de ta parole d’homme d’honneur.
-Je suis un capitaine pirate, gamin, je suis dans l’obligation de respecter le code pirate. Ceci n’est plus un combat entre aventuriers, mais entre gens d’honneur.
-Tu peux lui faire foi, ajoute Grosmanu. Biggoblin a de copieux défauts, mais il est honnête…. Façon de meugler.
-D’accord… dit Mickaël, toujours méfiant.
-Donc… Quelles sont les clauses du duel ? demande Biggoblin.
-Les clauses ?
-Le règlement. Puisque tu m’as lancé le défi, c’est à toi de choisir quelles armes choisir, s’il s’agit d’un combat à mort ou non, ce genre de choses…
-Ok, alors… Le premier à avoir vaincu l’autre gagne, que ce soit par mort ou non. Toutes les armes sont autorisées.
-Et le lieu ?
-Ici même, sur le sable. On fait au plus simple.
-Je suis bien d’accord. Zarpuk, Settrah, ressortez ma caisse d’armes du canot et posez-la sur le sable. ».
Zarpuk et Settrah posent un coffre au trésor sur le sable, et s’éloignent, imités par les Protecteurs de Tamriel. Biggoblin défait le nœud de son bandana, et ôte le tissu de sa tête, puis se débarrasse de son manteau de capitaine. Il ouvre son coffre, invitant Mickaël à se procurer une arme. Le mage tombe rapidement sur un joli sabre semblant à la fois solide et léger, et s’en contente, à défaut de trouver une arme convenant plus à sa personnalité. Biggoblin met un peu plus de temps à se décider, mais choisit finalement deux haches à double tranchant, magnifiques, il faut bien le dire, qu’il accroche à sa taille.
« Wouha… s’extasie Grosmanu en voyant les deux armes.
-Quoi ? demande Princesse.
-Ce sont des Haches de Rin’ji…
-Et… alors ? demande Odhran, soudain inquiet.
-Logiquement, on ne peut en détenir qu’une dans une existence. Elles sont inusables, ou presque. Elles sont si puissantes qu’elles font de leur acquéreur un semi-twink…
-Oh galère…
-Biggo est échelon 55… Donc il évolue au moins 65…
-Ok, Mickaël n’a aucune chance.
-Non, parfaitement aucune. ».
Biggoblin et Mickaël s’écartent l’un de l’autre, à une distance raisonnable. Jack trotte jusqu’à son maître, trépignant d’impatience de goûter à de la nouvelle chair.
« C’est pas de la triche, ça ? chuchote Lauriane à Quentin.
-Dans la mesure où il considère son animal comme une arme, non…
-Mickaël n’a aucune chance, seul contre deux !
-Ça dépend de sa réactivité, mais je croise les doigts pour que tout se passe bien… ».
Les deux adversaires se contemplent sans faire un moindre mouvement. Une minute ou deux s’écoulent. Enfin, Biggoblin fait quelques pas en avant, immédiatement imité par Mickaël. Ils se retrouvent donc à deux mètres l’un de l’autre, toujours sans avoir dégainé leurs armes ni amorcé un geste d’agressivité.
« Ça va durer encore longtemps ? demande Mickaël, quelque peu impatient d’en découdre.
-Dis-moi, gamin, à quoi accordes-tu le plus de valeur ? Une épée qui a le pouvoir de “sauver le monde”, ou bien ta relation avec Luna ?
-Je ne vois pas de quoi tu veux parler.
-Vraiment ? Ton coeur bat si fort et vite qu’il fait bondir ta chemise.
-C’est la nervosité.
-Certainement. Je dois reconnaître que tu as très bien joué ton coup, là.
-Ce n’est pas un jeu pour moi.
-Mais tu y as néanmoins bien pris part. Tu sacrifies un membre de ton “équipage” pour que je ne puisse pas m’attaquer à tous, c’est plutôt malin… Cependant, tu as commis une erreur tragique.
-Ah ouais, et laquelle ? ».
En toute réponse, Biggoblin lui enfonce son poing droit dans le ventre, et le remonte en uppercut, heurtant violemment la mâchoire du mage, qui tombe à la renverse.
« Tu te crois immensément supérieur aux autres. “Tu manques d’humilité !” comme l’aurait dit un vieux prof de philo.
-Parce que toi, tu te crois meilleur que moi ?
-Ai-je jamais dit pareille bêtise ? Relève-toi, je ne peux pas tuer quelqu’un en position de faiblesse comme ça. ».
Biggoblin lui tourne le dos, et s’en va de son pas nonchalant. Mickaël se remet sur ses pieds, et commence à former une boule enflammée dans le creux de ses mains, mais Jack réagit au quart de tour, et l’assaille en refermant ses deux mâchoires garnies d’innombrables dents sur son mollet. Mickaël hurle de douleur.
« C’est bon, Jack… Lâche-le. » ordonne Biggoblin. Le raptor obéit, et laisse Mickaël de nouveau tomber par terre en comprimant sa jambe ensanglantée à deux mains. Biggoblin l’observe gémir avec une indifférence affolante.
« Relève-toi, dit-il, on n’a pas toute la journée.
-Je… commence à répondre Mickaël en serrant les dents.
-Trêve de bavardage, gamin. Montre-moi tout ce dont tu es capable, j’attends. ».
Mickaël se remet de nouveau sur ses pieds. Sa jambe le fait souffrir à un point intolérable. Il dégaine son sabre et se met en garde, faisant signe à Biggoblin de venir s’il l’ose. Le Sombrelance sourit, et commence à courir vers son adversaire. Il porte les mains à sa taille, et lance deux couteaux sur le mage. Ce dernier esquive sans peine l’attaque, qui ne faisait qu’office de diversion, puisque le Troll lui bondit dessus en abattant ses deux haches. Mickaël évite de peu, et les haches s’enfoncent dans le sable. Plus rapide qu’un serpent, Biggoblin se met à enchaîner les attaques, ne laissant aucun moment de répit au mage ni aucune opportunité de placer ne serait-ce qu’un seul coup. De leur côté, les Protecteurs de Tamriel crient des encouragements à leur compagnon ou lui donnent quelques conseils de stratégie. Soudain, Mickaël profite, par pur réflexe, d’une toute petite ouverture dans la garde de son adversaire pour frapper Biggoblin et lui inflige ainsi une longue balafe en travers du visage. Le Sombrelance, surpris, cesse ses attaques et recule de quelques pas. Il se secoue la tête, et Mickaël remarque l’estafilade s’estompe, et se referme, et a complètement disparu.
« Qu’est-ce que…
-Régénération de Troll, gamin… Je guéris très rapidement de presque toutes les blessures.
-Ça t’arrive de ne pas avoir de cartes dans ta manche ?!
-Parfois… Mais c’est une erreur que je ne commettrai pas de nouveau. ».
Ils commencent à se tourner l’un autour de l’autre en se jetant des regards toujours plus agressifs. Biggoblin fait virevolter ses armes autour de ses mains.
« Dis-moi, gamin, qu’est-ce que tu ressens, là, maintenant, tout de suite ?
-Tu crois vraiment que je suis assez bête pour te le dire ?
-Non, bien sûr que non.
-J’ai vraiment du mal à te cerner…
-Kssshéhéhé…
-Tu ne crains rien ni personne, n’est-ce pas ?
-Bien sûr que si. Je suis humain, moi. Enfin, façon de parler…
-Tu m’en diras tant.
-Tu respires fort et vite. Tes appuis sont hasardeux. Abandonne, ça nous évitera de prolonger le supplice.
-Je préfère encore mourir que de t’abandonner Lu… l’épée.
-Kssshéhéhé… Lapsus ?
-Raaaah, ma langue a fourché !
-Kssshéhéhé… ».
Biggoblin repart à l’attaque, encore plus hargneux que précédemment. Il fait sans cesse reculer Mickaël. Heureusement, Mickaël décèle encore une petite ouverture dans la garde du Sombrelance, et frappe, et finit étendu dans le sable, son arme envoyée loin de lui par son ennemi. Biggoblin, satisfait, s’agenouille sur son ventre et lui applique le tranchant de sa hache sur la gorge.
« Tu es facile à piéger… Tu es tellement sûr de toi que tu n’as pas imaginé une seule seconde que j’ai fait exprès de baisser ma garde. C’en est déplorable.
-Arrrh… Toi aussi, tu es trop sûr de toi.
-Je dois reconnaître que là, oui. Mais je suis en position de force.
-C’est vrai…
-Allez, reconnais ta défaite, qu’on en finisse.
-Je…
-Oui ? Dis-le plus fort.
-Je reconnais que…
-Dis-le.
-Tu es…
-Dis-le ! ».
Mais Mickaël projette soudain une poignée de sable dans les yeux de Biggoblin, puis le renverse en s’emparant de l’une de ses armes. Biggoblin roule et se relève, furieux de s’être laissé berner par sa tactique préférée.
« Bien joué, avoue-t-il, je l’avais pas vu venir…
-Je suis plein de ressources.
-Kssshéhéhé, tu me plais, gamin.
-Figure-toi que je suis loin de partager ce sentiment.
-Ooooh, mais je sais très bien que ce n’est pas moi qui te plais…
-Qu’est-ce que c’est que cette allusion stupide, encore ?
-Vous êtes mignons, tous les deux, à vous chamailler. Mais je me demande quelle sera ta réaction quand j’accrocherai sa tête à mon mât.
-Si jamais tu touches à un seul de ses cheveux…
-Tu vas faire quoi ? Quand on a le cran de jouer quelqu’un comme ça, à un jeu dont personne ne sort vainqueur, je doute de la qualité de votre relation. Et de l’honnêteté de…
-Ça suffit ! ».
Mickaël se jette sur Biggoblin, inversant les rôles de dominant et dominé, tout en se rapprochant du bord de l’eau. Finalement, dans un accès de rage intense, Mickaël désarme son adversaire et lui lance sa propre arme dessus. Biggoblin évite la hache avec son aisance naturelle, mais n’est pas assez agile pour esquiver… le coffre d’armes que Mickaël utilise comme projectile de fortune. Pris de court, le Troll s’effondre sous la masse lui tombant dessus, lui entravant les jambes. Mickaël commence alors à créer une boule enflammée dans le creux de ses mains. La sphère de flammes prend rapidement de l’ampleur, sous le regard affolé de Biggoblin qui cherche toujours à se dégager du poids du coffre lui comprimant les jambes. La boule de Mickaël a atteint une taille encore jamais vue jusqu’à présent, et le mage la relâche alors que Biggoblin réussit enfin à se dégager. Un torrent de flammes s’abat sur ce dernier, qui n’a que le temps de mettre ses mains en avant pour se protéger.
Mickaël tombe sur les genoux, épuisé. Sa blessure au mollet le fait atrocement souffrir.
« J’en peux plus… soupire-t-il.
-Kssshéhéhé… Tu es vraiment plein de surprises. ».
Biggoblin l’agrippe au cou, et le force à se remettre sur ses jambes flageolantes. Le Troll décroche son pistolet et colle le canon de l’arme contre la mâchoire de Mickaël.
« Je t’avais atomisé… articule le mage. Tu étais à ma merci.
-Première règle de la piraterie : ne jamais se fier aux apparences. ».
Il amorce l’arme.
« Je ne voulais pas en arriver là, mais tant pis…
-Stop ! » crie Luna.
Biggoblin s’arrête dans son mouvement, et laisse tomber Mickaël tout orientant son regard vers la jeune femme désespérée.
« Tu as gagné… Tu as battu Mickaël, inutile de le tuer.
-Ça, c’est à moi de voir, non ?
-Le règlement établi disait clairement que la mort n’était pas nécessaire. Tu l’as vaincu, c’est tout ce qui compte.
-C’est vrai… ».
Il range son arme à sa ceinture, et se dirige vers son canot, en faisant signe à ses acolytes d’emporter Luna avec eux. Quentin et Thibault commencent d’instinct à sortir leurs armes de leurs fourreaux, mais Luna s’interpose entre eux et les pirates, sous les yeux amusés de Biggoblin.
« Non, ne faites pas ça !
-Mais… Luna…
-On a perdu, alors autant partir la tête haute.
-On reviendra te chercher, Luna.
-C’est hors de question. Mickaël nous a soumis au règlement pirate, nous devons y obéir. ». Et sans dire un mot de plus, elle embarque sur l’un des canots, avec le coffre d’armes. Biggoblin signale aux Protecteurs qu’il leur laisse quand même un canot pour eux, étant “beau joueur”. C’est toutefois impuissants que les aventuriers voient leur amie disparaître petit à petit au loin, en direction du Glory of Darkspear. Princesse et Lauriane accourent près de Mickaël, étendu sur le sable, inconscient, respirant faiblement.
« Fiasco sur toute la ligne… finit par lâcher Odhran.
-Je ne suis on ne peut plus d’accord avec toi, avoue Quentin. On a traversé une jungle, on a escaladé une falaise, on a infiltré une forteresse du WTF, pour rien.
-Ce n’est peut-être pas encore fini… rétorque Thibault, soudain plein d’espoir.
-Tu as une idée derrière la tête ?
-Mickaël a joué selon les pirates…
-Oui, et ?
-Et… Nous ne sommes pas des pirates. Donc…
-Donc on peut aborder le Darkspear pour récupérer Luna !
-Exactement. Sauf qu’ils ont déjà de l’avance, et qu’ils lèveront l’ancre avant que nous ne les atteignons. Ah mais c’est quoi cette lumière à la fin ?! ».
En effet, un mince rayon de lumière l’éblouit depuis quelques secondes, et il se rend compte qu’il provient d’un navire autre que le Glory of Darkspear. Grosmanu s’empare d’une longue-vue laissée avec le canot, et observe le bâtiment.
« Il y a un mec biscornu, dit-il. Un barbu, avec une pipe à l’embouchure, et une fiole de rhum à la main. Il nous fait des signes.
-Quint ! C’est Shark Quint ! Ha ha ha, le sacré gaillard ! Il est venu nous chercher !
-Qui c’est ?
-Un aventurier chasseur de pirates.
-Cool, j’en avais encore jamais entrevu…
-Mais… On est des aventuriers, Gros !
-Ah ? ».
- Chapitre 9 : Au coeur de l'ouragan.
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
« Arh arh arh ! Mes sacrés p’tits gars c’qu’c’est bon d’vous revoir ! Arh arh arh !
-Ouais, on est content aussi, Quint…
-V’nez là mes p’tits gars qu’j’vous embrasse ! Arh arh arh ! V’m’en aurez fait voir d’vertes et d’pas mûres ! Arh arh arh ! ».
Quint les serre dans ses bras, comme seul un amoureux de rhum saurait le faire, avec tout le charme et les conditions que cela impose. Un homme monte sur le pont, caricature typique du pirate : mal rasé, un anneau à l’oreille, une dent en or et d’autres absentes à l’appel, un beau chapeau tout déplumé, des vêtements mille fois rapiécés et troués, un gros sabre à la ceinture. Et une bouteille de rhum à sa main couverte de chevalières. Et, comme toute caricature de vieux bourlingueur des mers, il introduit son discours par un tonitruant :
« Yohohoho !
-Euh… Bonjour, vous êtes ? répond Lauriane, les yeux écarquillés.
-Archibald Rackham ! Mais v’pouvez m’appeler Calico !
-Ca… lico ?
-Parce que je porte des vêtements en tweed.
-Ah…
-Bienvenue à bord du… Bikovic ! ».
Le Bikovic est une corvette à deux mâts, donnant l’impression de partir en morceaux à chaque remous de vague. Ce qui fait sa singularité, c’est sa figure de proue, véritable lame géante en acier dont le but est simple : couper les navires en deux. De plus, une épaisse cuirasse d’acier, servant d’attache à la lame, fait également office de protection avant, rendant ainsi le Bikovic invulnérable à n’importe quelle attaque venant de front.
« Le Bikovic… Mais c’est pas… commence Lauriane.
-Si, c’est le navire dont l’équipage qui s’est fait massacrer par les Darkspear.
-Que des bras cassés ! s’exclame Calico avec un accent néerlandais tout aussi caricatural que son apparence de boucanier. Bien fait pour ces fainénants, fallait pas s’faire choper ! Mais j’ai récupéré de bin bons matelots, là ! Ils appartenaient au… Marie Elena, je crois, qu’il s’appelait. ».
En effet, les Protecteurs de Tamriel reconnaissent tous les marins qui se battaient auparavant sous les ordres du quartier-maître Malvulis, qui a, rappelons-le, écopé d’une bien triste fin.
« Mais… Quint, vous avez réuni combien de gens ? demande Thibault.
-C’est à peu près tout… répond Quint.
-Et puis… qu’est-ce que vous faites ici ?
-Eh bah ma parole ! On est v’nus vous sauver les fesses ! Arh arh arh ! Et empocher la prime pour Raptorclaw ! Et c’grâce à c’te bateau qu’on va y arriver ! Arh arh arh ! Cap’taine Calico, qu’est-c’qu’vous en pensez, mon gaillard ?
-Le Glory of Darkspear a une certaine avance, répond le capitaine, mais le vent est avec nous… On peut manœuvrer pour les percuter de flanc et les envoyer par le fond !
-Arh arh arh ! Excellent plan mon vieux ! Faut fêter ça ! ».
À bord du Glory of Darkspear, justement. Jacktroll, inquiet en apercevant la voile du Bikovic, s’en va avertir son capitaine dans sa cabine. Il fait irruption alors que ce dernier est finit de rédiger une lettre.
« Jacktroll, je déteste qu’on entre sans frapper…
-Désolé, Biggo, mais tu devrais venir voir…
-Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir encore ? ».
Biggoblin sort de sa cabine et monte sur le pont supérieur, où il aperçoit le Bikovic de loin. Il s’empare de la longue-vue que lui tend Jacktroll, et la déploie.
« Tiens tiens… C’est le Fendeur de Neptune.
-Quoi ?! Le capitaine Viviane nous a retrouvés ?
-Ce qui m’intrigue, c’est que c’est bien son navire amiral… Mais ce n’est pas sa tactique d’attaque… Et ce ne sont pas ses voiles. Oh, mais… On dirait que les Protecteurs de Tamriel ont trouvé des amis…
-Qui donc ?
-Le célèbrissime Shark Quint, entre autres… Les marins du Marie Elena, et le capitaine de ce rafiot qui doit donc être le Bikovic, au vu du pavillon.
-Mais… Comment est-ce possible d’avoir autant de relations ?
-Du moment qu’ils ont un ennemi commun… Tu sais, Jacktroll, on ne peut pas faire cinq cent millions fait de piraterie sans se faire quelques ennemis… ».
Il replie la longue-vue, et la tapote dans sa main libre.
« Jolly s’est fait piquer son navire… Mais qu’est-ce qu’ils font ? ».
Biggoblin s’appuie sur la rambarde, et essaie de réfléchir.
« Il est quelle heure ? demande-t-il.
-17h.
-Attends une seconde… Le vent est pour eux… ils sont mieux placés que nous… Donc, si on continue à bouger comme des escargots, et qu’ils ont toujours le vent en poupe… Ils vont nous percuter et nous envoyer par le fond. Jolie stratégie.
-Tu as des ordres ?
-Oui. On maintient notre cap.
-Quoi ? Mais…
-Fais-moi confiance. ».
Mickaël est assis sur le pont du Bikovic, en train de se morfondre. Grosmanu lui a fait un bandage autour de la jambe qui, s’il n’est pas aussi efficace que la magie de Lauriane, a au moins le luxe de réprimer la douleur. Il est tellement perdu dans son monde qu’il n’a pas remarqué Quint à côté de lui en train de vider les bouteilles de rhum une par une, à un rythme effréné.
« Yo-ho-ho ! chantonne-t-il. Et une bouteille de rhum !
-Tout est toujours rose, pour vous, hein ?
-Arh arh arh ! T’tires une tête d’enterrement, petit ! Qu’est-ce t’as ? Tiens, bois un coup ! (ce disant il avale lui-même la fond de la bouteille qu’il jette ensuite par-dessus bord)
-C’est de ma faute… J’ai tout foiré. Luna est prisonnière de Biggoblin, il a l’épée de lumière, c’est foutu.
-Mais t’en fais pas !
-À croire que j’ai la marque noire sur moi…
-On va la récupérer, ta Luna ! C’juste qu’faut être p atient ! ».
De son côté, Grosmanu zigzague, slalome entre les deux mâts, souffrant d’un mal de mer particulièrement vigoureux.
« Ça va pas ? lui demande Quentin, intrigué par la démarche bouffonesque du Tauren.
-Si si… J’ai le mal de terre…
-Mer, tu veux dire.
-J’ai pas le sabot marin, j’y peux rien.
-T’inquiète pas, on retrouvera bientôt la terre ferme.
-Ouais, vivement le parquet des juments. ».
Odhran et Thibault accompagnent au capitaine Calico, qui tient la barre.
« Alors comme ça, vous avez volé ce navire ?
-Ouaip, répond Calico. Pour sûr, ça a pas été facile ! C’était le vaisseau amiral d’un capitaine corsaire.
-Et… alors ?
-Ah oui, c’est vraiment, vous êtes des terrestres, vous. Le monde de la mer, ça vous dit rien. Eh bah en fait, les capitaines corsaires sont des pirates ayant commis un acte si violent que le gouvernement les a grâciés en échange de leurs services. Du coup, ils ne font qu’attaquer les autres pirates…
-Et ce navire appartenait à qui ?
-Jolly Viviane. Une belle plante. Elle n’a que 24 ans, mais c’est une des pirates les plus prolifiques qui ait jamais vécu. Et c’est sans doute la seule personne au monde que Biggoblin craint vraiment. Elle a juré de le tuer, c’est dire…
-En même temps, beaucoup l’ont juré…
-Enfin, tout ce que je sais, c’est qu’ils ont une relation complexe. Vous savez, c’est du genre “l’un ne peut pas vivre sans l’autre mais l’un ne peut pas vivre tant que l’autre vit”.
-Ouah… Dur…
-Oups là…
-Quoi ?
-C’est étrange… Le courant se comporte étrangement. Mais on a presque rattrapé le Darkspear !
-Eh, mais c’est quoi, ça ? ».
Des volutes de fumée s’élèvent peu à peu des flots.
« C’est le brouillard d’Eden Island, répond Calico. Ça aussi, c’est bizarre.
-Qu’est-ce qui est bizarre ?
-D’ordinaire, le brouillard ne s’élève que lorsque le soleil a disparu de l’horizon. Hors, là, le soleil est encore en vue… Et pourtant, le brouillard se lève… Qu’est-ce qu’il peut bien se passer ? ».
À bord du Glory of Darkspear, Biggoblin aussi est intrigué par l’étrange phénomène prenant forme sous ses yeux d’ambre. D’énormes et nombreux cumulonimbus menaçants s’agglutinent au-dessus de l’île. Jamais les nuages n’ont été aussi noirs. Les vagues commencent à prendre de l’ampleur.
« Biggo ! s’écrie Settrah depuis le nid de pie.
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Déferlante droit devant !
-Quoi ?! ».
Biggoblin se précipite à l’avant du navire. Jamais il n’y avait eu de vague déferlante aux alentours d’Eden Island. Et elle se rapproche très très vite. La vague percute le Darkspear de plein fouet, mais heureusement se fend en deux au contact de la coque.
« Mais c’est quoi ce bazar ? se demande Biggoblin, perdant petit à petit son sang-froid si caractéristique.
-Biggo ! l’interpelle de nouveau Settrah.
-Quoi encore ?
-Scélérate !
-C’est une blague ?! ».
Il regarde droit devant lui, et remarque avec horreur une vague d’une dizaine de mètres de haut se formant et filant droit vers eux à toute vitesse. Alors que tous se préparent au choc inévitable, étrangement, la vague s’évanouit bien avant d’avoir atteint le bateau des pirates, et la mer se calme de nouveau. Biggoblin est complètement paniqué, tandis que ses pirates soupirent de soulagement. Qu’est-ce que… Et le Bikovic qui avance toujours inexorablement, c’est à en devenir dingue. Très vite, cependant, Biggoblin reprend son expression facile neutre, et la lumière dans ses yeux indique clairement que le pirate est en train d’essayer d’élaborer un plan désespéré.
Karndûm s’approche de lui, et lui pose son épaisse main sur l’épaule.
« Biggo…
-Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
-Qu’est-ce qu’on fait ? Tout l’équipage est inquiet… Si la mer devient aussi dingue, on ne sera pas en état pour nous battre contre tout un équipage de pirates. Nos nerfs sont à fleur de peau… Ils nous font des ordres.
-On maintient le cap. Karshroon, Baggy, Akorah et toi, préparez les pièces d’artillerie tribord.
-Tu veux les couler ?
-Oui, ils ne nous laisseront pas nous enfuir. Le vent est contre nous, la mer a un comportement des plus erratiques… Si on veut éviter de finir dans le ventre des crabes, il faut les envoyer par le fond. Allez, au boulot.
-Très bien, capitaine. ».
« Ça, c’tait d’la vague ! s’exclame Quint. Arh arh arh ! Mes p’tits gars, z’avez dû avoir la frayeur de votre vie ! ».
Calico attrape un mégaphone qui traînait à côté de lui, et le porte à sa bouche.
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. En tant que commandant de bord du Bikovic, j’ai le devoir de vous informer que le bâtiment que nous poursuivons, le Glory of Darkspear, se met actuellement en position de combat. Veuillez regagner vos places et attachez vos ceintures… Ça va secouer un p’tit peu ! Ha ha ha ha ha ! C’est une belle journée pour mourir !
-Dites-moi, Quint, demande Quentin, vous l’avez dégotté où, ce Calico ? Il est pas un peu malade dans sa tête ?
-Arh arh arh ! Si t’savais, p’tit ! Seuls les p’us dingues ont assez d’couilles pour s’attaquer au Glory of Darkspear !
-Oh mon Dieu… Faites que nous survivions à ça…
-Attention ! prévient Calico. Les voilà ! ».
Une détonation pas si lointaine que cela retentit, et un projectile sphérique siffle dans les airs, et percute la carapace métallique frontale du Bikovic, secouant peu le navire, et tombe dans l’eau. Un nouveau coup de canon résonne, et un nouveau boulet perfore les airs, et subit le même sort que son prédécesseur.
« Ha ha ha ! ricane Calico. Le Bikovic est invincible ! Allez, venez-y, on va vous couper en deux !
-C’est vrai qu’il est dingue ! gémit Princesse, à plat ventre sur le pont.
-Qu’ils y viennent, on vous attend ! On va vous envoyer dire bonjour à Neptune ! ».
Toujours plus de boulets fendent les airs, sans causer aucun dégât réellement préoccupant au Bikovic, la carapace de la proue encaissant tous les dommages.
Le visage de Biggoblin fait lentement tomber son masque sans expression pour arborer un inquiétant sourire de crocodile. Tout se déroule comme prévu.
« Reduisez la voilure.
-Hein ? Mais, Biggo, on devient des cibles faciles ! s’écrie Zarpuk à la barre.
-C’est un ordre ! Réduisez la voilure ! Exécution ! ».
Karshroon, Baggy, Karndûm et Karshroon s’attèlent immédiatement à leur besogne, réduisant rapidement la voile comme leur capitaine le souhaite. Le Glory of Darkspear, comme on peut s’y attendre, s’immobilise, seulement porté au gré des vagues. Le Bikovic, n’ayant pas anticipé la manœuvre, et poussé par le vent, n’arrive pas à se redresser, et au lieu de rentrer dans le Darkspear comme prévu, commence à lui passer devant, à quelques dizaines de mètres. « Activez l’hélice… ». Jacktroll obéit, et disparaît à l’intérieur du navire. La pluie commence à tomber.
Résumons rapidement la situation. Alors que le Darkspear tente de s’enfuir, le Bikovic apparaît et, favorisé par le vent, fuse en direction du flanc droit du navire Sombrelance, dans le but de le couper en deux. Cependant, maintenant que le Darkspear n’avance plus, le Bikovic lui passe juste devant, qui, propulsé par le vent, ne peut pas manœuvrer suffisamment vite pour se mettre en position de combat, et laisse donc son flanc gauche à découvert.
Et soudain, c’est la catastrophe.
Le Darkspear fait un bond en avant, et fuse à une allure effrayante en direction du Bikovic. L’équipage de Calico panique, ne sachant comment réagir. Ils regardent, impuissants, et attendent l’impact avec une angoisse horrifiée, cette angoisse horrifiée qui vous osbtrue la gorge, vous noue l’estomac, vous empêche de détourner vos yeux, vous tétanise.
Et c’est l’impact.
Les deux cornes géantes du Glory of Darkspear s’encastrent profondément dans la coque du Bikovic, le perçant de part en part. Toujours mû par une force invisible, le Darkspear continue sur sa lancée, et commence à emporter le Bikovic avec lui. Biggoblin, les poings crispés et les mâchoires serrées, contemple le spectacle.
« Biggo ! hurle Zarpuk. Il faut qu’on se décroche ! On va chavirer si ça continue ! Le Darkspear n’a jamais été conçu pour un assaut aussi brutal !
-Passez à la vitesse supérieure !
-Mais…
-C’EST UN ORDRE, DEH’YO ! MAINTENANT ! ».
Revigorée par une nouvelle injection de force invisible, la pression exercée par le Darkspear devient plus oppressante que ce que le Bikovic peut endurer, et sous le regard terrifié et désespéré de son équipage, le navire connu auparavant sous le nom de Fendeur de Neptune se disloque brutalement en deux parties égales, et explose en une gerbe d’échardes. La voie enfin libre, le Darkspear, sous les ovations de son équipage, s’enfuit vers sa liberté durement gagnée, ne laissant derrière lui qu’une épave sombrant lentement au fond des remous sombres.
Luna, traînée par Jacktroll, monte sur le pont du Darkspear, où Biggoblin l’attend, les bras croisés. Il pluviote un peu, mais les nuages noirs continuent de s’accumuler au-dessus d’Eden Island et de ses environs. Biggoblin invite la jeune femme à regarde derrière le Darkspear. Cette dernière se penche, et les larmes lui viennent subitement aux yeux. Au loin, le Bikovic achève de disparaître au fond de sa tombe sous-marine. Jacktroll tend à son capitaine l’épée de lumière, qui la montre à son tour à Luna avant de l’accrocher à sa taille, et de s’asseoir sur le bastingage.
« Espèce de meurtrier ! crie Luna.
-Comment ça ? Ils ont tenté de te sauver, ils sont maintenant au fond de l’eau. C’est la dure vie de pirate, mais ils n’y étaient pas préparés.
-Je te hais !
-Et tu crois que ça me fait quelque chose ? Rends-toi à l’évidence, Luna : cette mission est un échec. Vous n’avez pas arrêté Swatch, vous n’avez pas sauvé Princesse ni Jinnalak, vous avez perdu l’épée de lumière, et vous… ».
Soudain, il sursaute, et porte la main à sa taille. L’épée a disparu. Il fait volte-face, et ne peut réprimer un hoquet de surprise envoyant Mickaël devant lui, agiter la lame de l’épée de lumière devant son visage maquillé. Le visage de Luna reprend des couleurs face à ce retournement de situation. Les autres Protecteurs de Tamriel, accompagnés de Quint, Calico, et Princesse, se hissent tous à bord du Darkspear, prêts à en découdre.
« Ha ha ha ! ricane Mickaël.
-Mais comment est-ce possible ?! Je vous ai envoyés par le fond ! ».
Biggoblin recule nerveusement, pris de court. Même son équipage affiche clairement une peur panique face à cette soudaine réapparition de leurs ennemis. Mickaël continue d’agiter la pointe de l’épée brillante entre les yeux de Biggoblin.
« Alors, racaille ! Tu es enfin à la merci du terrible et sanguinaire capitaine Mickaël !
-Vous devriez être morts !
-On s’est accroché aux défenses avant que le bateau ne coule. Ça va, Luna ?
-Ça va, répond Luna. Il était temps que tu viennes !
-Mais je suis là, maintenant. Allez, Niggoblin ! Relâche-la sans faire d’histoire, constituez-vous prisonniers, et arrêtons là notre querelle.
-Biggoblin, corrige Biggoblin, Biggoblin, c’est un B. Écoute, y a certainement un moyen de s’arranger, n’est-ce pas ?
-Oui, bien sûr. Voilà mes conditions : la reddition de ton équipage, on veut tout ton butin, et Luna. Vous allez vous rendre à Port Pimousse et vous rendre aux autorités, en échange de quoi on vous laisse la vie sauve.
-Ça sonne un peu unilatéral, comme négociations… ».
Quint descend une autre bouteille de rhum, qu’il a pris soin d’emporter avant la triste fin du Bikovic.
« Eyh, mes p’tits gars ! Z’avez r’en r’marqué ?
-Quoi donc, Quint ? demande Quentin, un brin agacé par les manies du chasseur de primes.
-Quand on aborde un navire, faut t’jours fair’ gaff’ à c’qu’y a d’dans. Trouvez pas qu’manque qu’qu’un ?
-Euh, non… Jacktroll, Baggy, Zarpuk, les deux orques, les deux mort-vivants… Non, c’est bon.
-Ah ouais ? Et où est l’raptor alors ?
-C’est pas grave, c’est qu’un animal.
-Arh arh arh ! Détrompe-toi, p’tit ! ».
Tout à coup, le Glory of Darkspear s’arrête brutalement, faisant perdre l’équilibre à tout le monde sur le navire. Jack réapparaît à cet instant précis à lançant à son maître une lame noire comme le néant le plus vide : Umbra. Biggoblin la récupère et croise le fer avec Mickaël. Pendant ce temps, les autres se remettent du choc, et constatent qu’un courant est en train de les entraîner vers l’île. Pas exactement, en fait, puisque ce courant commence à décrire un cercle. La mer s’affaisse petit à petit.
« Mon Dieu… souffle Calico en se penchant au-dessus du bord. C’est un maëlstrom…
-Mais c’est quoi le problème de cette île ?! s’étrangle Thibault. Elle veut à tout prix nous supprimer ou quoi ?
-Arh arh arh ! T’vais raison, Archi ! s’exclame joyeusement Quint. C’vraiment un beau jour pour mourir ! Arh arh arh ! ».
Le déluge, c’est le déluge ! Un maëlstrom vient de se créer, attirant en son œil béant le Glory of Darkspear. Les vagues se déchaînent, les éclairs zèbrent le ciel, la pluie tombe, semblable à des lames de rasoirs innombrables. Et pourtant, Biggoblin et Mickaël sont exclusivement concentrés l’un sur l’autre.
« L’épée, gamin. Donne-moi cette épée.
-Certainement pas.
-Abrégeons. Nous allons au-devant d’une mort certaine. On ne peut s’en sortir que si nous coopérons tous ensemble. Zarpuk ! Mets-toi à la barre, et maintiens le cap ! Sors-nous de là ! Et toi, donne-moi cette épée !
-Jamais de la vie ! ».
Furax, Biggoblin frappe Mickaël, mais un autre remous fait dévier l’attaque sur une corde, qu’il tranche net. Mickaël, qui se tenait au hauban, est soudain propulsé dans les airs, et se retrouve suspendu au-dessus du vide, tout en haut du mât. Le Sombrelance prend de l’élan sur ses jambes musclées, et bondit sur les cordages, et se retrouve en quelques secondes au niveau de Mickaël, qui vient de se hisser sur la poutre ronde. La pluie tombe, glaciale. Que c’est haut… Et la chute signifie la mort assurée. Biggoblin le menace de son épée noire, réussissant à maintenir un équilibre parfait.
« L’épée de lumière ! Donne-la moi !
-Pourquoi y tiens-tu à ce point ?!
-Donne-la moi ou je viens la chercher sur ton cadavre ! ».
Et il se jette à l’assaut, engageant le deuxième round du duel.
Tout en bas, sur le pont, la situation est tout aussi tendue. Les Darkspear livrent un combat acharné aux Protecteurs de Tamriel, tout en coopérant pour tenter de sauver le navire d’un sombre trépas. Grosmanu file vers la barre, et se retrouve confronté à Zarpuk. Si la situation actuelle paraît déjà assez catastrophique, elle se complique encore plus quand d’innombrables filaments, mélange absurde entre une anguille et un tentacule de pieuvre, se hissent sur le navire, et commencent à l’attirer vers le fond. L’un de ces monstres s’enroule autour de la taille de Lauriane, et dresse sa tête de lamproie dans le but de satisfaire sa faim. Heureusement pour l’Elfe, Odhran intervient, et écrase la tête de la créature serpentiforme en un seul coup de marteau. De nouveaux monstres émergent de l’eau, plus gros. Des sortes de raies croisées avec des tentacules et des coraux. Karhsroon et Kardnûm s’attellent à un canon et s’acharnent à abattre les gros monstres, qui se révèlent tous être, autant lamproies que raies, des appendices d’un monstre encore plus énorme, dès lors qu’un puissant grognement sous-marin retenti, faisant vibrer le navire même. Les tentacules serpentins sont toujours plus nombreux et hargneux. Les gouttes de pluie tombent comme des lames de couteau, le maëlstrom attire inexorablement le Glory of Darkspear vers une descente aux Enfers.
Biggoblin assène un coup à l’horizontale. Mickaël réussit à parer l’attaque, mais perd l’équilibre et bascule dans le vide, et se raccroche à une corde, son dernier espoir. Il se balance, et réussit à atterrir dans les haubans. Il soupire de soulagement, heureux d’avoir retrouvé une position à peu près stable. Mais déjà, Biggoblin se retrouve à son niveau, et réengage le combat. Ils se retrouvent ainsi tous deux à combattre à une main, l’autre leur servant d’attache aux cordages. Leurs lames se croisent au niveau de leurs yeux. Leurs visages sont tout près l’un de l’autre. Les yeux d’ambre du Sombrelance pénètrent dans ceux du mage, à la manière d’un hypnotiseur tentant de percer un secret depuis longtemps enfoui.
« Abandonne, petit… Tu ne fais pas le poids, tu l’as déjà vu.
-Peut-être que je ne fais pas le poids face à ta technique martiale, mais j’ai quelque chose qui fait que de nous deux, c’est moi le meilleur !
-Vraiment ? Et quelle est cette chose si mystérieuse ?
-Moi, au moins, je me bats avec mon coeur, pas pour la gloire, mais pour mes amis ! Et c’est ce qui fait que nous serons toujours supérieurs à tes pirates !
-Comment oses-tu dire une chose pareille ?! Je t’interdis de dire quelque chose comme ça ! C’est faux, faux, entièrement faux, et archi-faux !
-On sait tout de toi. Tu es un traître à ta patrie, tu as vendu ton âme au WTF ! Imagines-tu seulement le mal que tu as causé ?
-J’ai mes raisons de le faire ! ».
Il tranche le cordage sur lequel se tient Mickaël, qui tombe, mais alors que lui-même reste accroché au reste de corde, l’épée de lumière lui échappe, et va se planter sur le pont. Biggoblin sourit, et entame sa descente, laissant Mickaël suspendu dans les airs. Le Troll se fige cependant à mi-chemin, quand il aperçoit un spectacle des plus affreux. Des tentacules immenses, et quand je dis immenses, c’est un euphémisme, émergent de l’eau. Des tentacules plus longs que l’île elle-même, se terminant eux-mêmes par une foule d’autres tentacules plus petits. Ils agrippent à Eden Island, et l’impensable se produit : lentement, l’île se met à bouger, dériver, attirée par les tentacules jusque dans l’œil du maëlstrom, qui se révèle être une bouche gigantesque. Un dernier tentacule, aussi gros que tous les autres réunis, s’élève finalement de l’océan en furie et, tel un jugement divin, s’abat sur Eden Island. Le résultat est à peine descriptible. L’île éclate au sens propre du terme, et disparaît sous les eaux noires du tourbillon, sombrant petit à petit vers un enfer dans lequel même les démons les plus fourbes et les plus odieux n’oseraient élire domicile.
Son maquillage emporté par la pluie, Biggoblin a peine à croire réel l’horrible spectacle venant de se dérouler sous ses yeux. Une secousse le ramène à la réalité, en le faisant basculer dans le vide. Heureusement pour lui, son agilité naturelle lui permet de se réceptionner correctement sur ses pieds, et c’est ainsi que le Sombrelance commence à se frayer un chemin entre les tentacules serpentins assaillant son navire jusqu’à l’épée de lumière.
Zarpuk a largement le dessus sur Grosmanu. Il faut avouer que le Troll est plus agile que son adversaire et, comme tous ceux de son espèce, qu’il récupère rapidement des blessures. Enfin, Zarpuk repousse le Tauren suffisamment loin pour reprendre la barre, mais il se retrouve confronté à Shark Quint, qui finit de vider sa bouteille de rhum.
« Le célèbre Shark Quint…
-Lui-même, p’tit gars.
-Te tuer me rapportera encore plus de gloire que d’habitude…
-Arh arh arh ! Et moi qu’voulais pas m’batt’ ! ».
Zarpuk esquisse un sourire carnassier et fait tournoyer ses deux lames. Georges apparaît soudain, cacquetant et piaillant, et bondit sur le commandant en second, le forçant à s’accroupir. Quint en profite pour fracasser sa bouteille de rhum sur la boîte cranienne du Troll, qui s’écroule piteusement sur le plancher, KO pour le compte.
« Hep ! Archi ! s’écrie Quint. On aurait b’en b’soin d’toi pour n’sortir d’là ! M’ci, p’tit poulet ! ‘Reusement qu’t’étais là.
-Côôt !
-Ç’sert à rien d’crier, j’comprends pas les mouettes. ».
Pendant ce temps, Biggoblin continue de progresser vers l’épée, mais est confronté à un obstacle auquel il ne s’attendait pas : Princesse se tient entre lui et l’épée, et semble peu encline de céder sa position. Elle tient entre ses mains un morceau de bois brisé. Biggoblin lève les yeux au ciel et laisse échapper un soupir de lassitude.
« Miss Daranfort…
-Assassin. Je vais te tuer, et venger ma famille.
-Oui oui, c’est d’accord, mais pas maintenant. ».
Sans effort, il écarte Princesse de son chemin d’un coup de jambe à la taille, et s’approche de son but ultime. Toutefois, alors qu’il va poser la main sur la garde de l’épée, un bruit familier vient siffler dans son oreille. Il se retourne, et sursaute quand il se rend compte qu’il s’agit d’Antoine le basilisque… Enfin, presque, puisque le monstre en question fait partie intégrante de l’un des tentacules. Le Troll recule, et trébuche tandis que l’animal s’approche de lui, la gueule ouverte, dévoilant ses dents tranchantes et luisantes. À cet instant précis, il n’y a plus qu’une seule émotion derrière les yeux de Biggoblin : la peur.
Calico tente tant bien que mal de redresser le Glory of Darkspear, mais il n’y a rien à faire, le navire va bientôt finir sous l’eau. Mickaël réussit enfin à descendre de son perchoir, et tombe sur le pont. Il se dirige vers Luna, et l’aide à se débarrasser de ses liens, pour recevoir comme seul remerciement une gifle magistrale qui aurait très bien pu lui arracher la tête.
« Ça, vocifère Luna, c’est pour m’avoir abandonnée à ces pirates ! Et ça ! ». Mickaël se protège le visage, mais Luna l’attrape par les joues et lui dépose un baiser passionné sur les lèvres. « Ça, c’est pour être venu me sauver… Mickaël ? ».
Mickaël gît au sol, complètement dans les pommes, deux cœurs roses à la place des yeux, la bouche ouverte d’extase.
« Quint ! s’égosille Calico.
-Quoi ?! T’vois pas qu’j’pleure sur ma défunte bouteille ?!
-C’est toi le loup de mer, t’as une idée pour nous sortir de là ?!
-P’têt’ b’en qu’oui. ».
Quint s’accroche à un hauban, et met sa main en portevoix.
« Allez, band’d’moules à gaufres ! Ectoplasmes ! Débarrassez c’rafiot de tout c’qu’est inutile ! Arh arh arh ! T’vais raison, Calico, c’tait vraiment une très belle journée pour finir en Enfer ! Arh arh arh arh arh arh ! ».
Ne voyant plus d’alternative, les Protecteurs et les Darkspear déposent les armes, et s’exécutent. La survie avant tout. Karshroon et Akorah se précipitent vers les canons, et les font basculer un par un par-dessus bord. Grosmanu, Quentin et Odhran se dirigent dans les cales, et en remontent en transportant des caisses frappées du sigle du WTF, et les jettent eux aussi à l’eau. Enfin, Lauriane, Luna, Thibault, et les Darkspear restants s’attèlent à décrocher les cornes du navire. Soudain libéré de tous ces poids, le Glory of Darkspear fait un bond en avant, et remonte la pente du maëlstrom, et c’est dans une ovation générale que le navire pirate s’éloigne enfin du monstre et de la damnation.
Le lendemain matin, le Glory of Darkspear arrive au quai de Port Pimousse dans un état de délabrement avancé. Épuisés par la veille, et inquiets par l’état de santé de leur capitaine, les Darkspear se rendent aux gardes sans coup férir, et sont conduits en prison. Sauf un. Mickaël semble perturbé, mais se contente de serrer son épée contre lui.
« Ça va pas ? lui demande Quentin. Le terrible capitaine Mickaël aurait-il perdu sa fougue ?
-Si si, c’est juste que… Je me sens coupable.
-De quoi ? Ce sont des pirates, ils ont eu ce qu’ils méritaient.
-Non, je veux parler de l’île, de la famille de Princesse, tout, quoi…
-Écoute, Mickaël, je sais que c’est pas grand-chose, ce que je vais te dire. Mais ce que tu as fait, c’était bien. C’était courageux, d’affronter Biggoblin toi-même, d’avoir eu le cran d’endosser cette responsabilité de “sauver du monde”. Et puis, on est là, tous les cinq, pour te soutenir et t’aider.
-Tous les six ! s’exclame Grosmanu. Because… ».
Le Tauren se met sur la pointe des sabots, se tenant l’entre-jambe à une main, l’autre main sur la tête, comme s’il tenait un chapeau, et se met à marcher à reculon.
« Your butt is mine
Gonna tell you right
Just show your face
In broad daylight
I'm telling you
On how I feel
Gonna hurt your mind
Don’t shoot to kill
Come on.
Come on.
Lay it on me
All right...
I'm giving you
On count of three
To show your stuff
Or let it be...
I'm telling you
Just watch your mouth
I Know your game
what you're about
Well they say the sky's the limit
And to me that's really true
But my friend you have seen nothin'
Just wait 'til I get through...
Because I'm back, I'm back- come on
Back back-really, really back
You know I'm back, I'm back-
You know it
Bad bad-really, really back
You know I'm back, I'm back-
Come on. You know
Back back-really, really back
And the whole world has to
Answer right now
Just to tell you once again,
Who's back ?
-Mais c’est quoi cette danse ridicule ?
-Oh, ça ? J’ai décidé de l’appeler Course Solaire : Sunrun.
-… Marche Lunaire, ça sonne mieux. Moonwalk, quoi.
-Sunrun.
-Moonwalk.
-Sunrun…
-Moonwalk.
-Tu m’cherches, clochette ? ».
- Épilogue : Un "V" de Victoire ?
-
- Histoire 3
-
- Saison 1
Assis dans son étroite cellule, Biggoblin attend. Se lamenter sur sa main perdue ne fera rien avancer, il essaie donc de concocter un plan, et surtout, de mettre à profit le meilleur moment pour s’enfuir. Patiemment et inlassablement, il caresse sa prothèse métallique qui lui fait désormais office de main droite. Son oreille se dresse.
« Je sais que tu es là… ».
Une silhouette noire apparaît devant lui.
« Métagoblin… soupire le Sombrelance. Décidément, c’est la journée des visites incongrues. D’abord Jolly, maintenant c’est toi… Qu’est-ce que tu me veux ?
-Le WTF a appris que tu avais passé un contrat suspect sans t’en référer à tes supérieurs.
-Je suis un pirate, Darkou, c’est normal…
-C’est intolérable, Biggoblin. À cause de cela, tu as fait perdre un précieux avant-poste à l’organisation.
-Une île a été atomisée, et toi, tu ne penses qu’au WTF ?
-C’est ton égoïsme qui a mené à cette destruction. ».
Biggoblin se hisse aux barreaux, ce qui mène son visage à se retrouver à dix centimètres de celui de Métagolin.
« Qu’est-ce que tu insinues ?
-J’ai parlé de ton attitude au haut conseil. Et une sanction s’est appliquée : tu es destitué de ton grade de capitaine, tu redeviens un simple sbire.
-Je m’en fiche, je donne ma démission.
-C’est impossible, je la refuse.
-Donne-moi une seule bonne raison de ne pas me retirer du business.
-Si tu désires quitter le WTF, ce ne sera que par la mort.
-Fais-moi peur… ».
L’instant d’après, Métagoblin se trouve à l’intérieur de la cellule, derrière Biggoblin, qui fait volte-face. Métagoblin tend son bras, et une force invisible commence à soulever Biggoblin.
« Le nombre de suicides en prison est très élevé…
-Je te déteste.
-Une dernière volonté ?
-Kssshéhéhé…
-Pourquoi ricanes-tu ?
-Je viens de comprendre…
-Quoi donc ?
-Je te le promets, Métagoblin. Je sortirai d’ici, je te trouverai, et je te tuerai.
-Si tu sors d’ici, ce sera les pieds devant.
-Tu te prends pour un caïd parce que t’as de la magie avec toi. Mais fais-moi confiance. C’est une promesse : je viendrai, et je t’arracherai le coeur moi-même.
-Même si tu échappes à la mort, tu ne feras jamais le poids contre moi.
-Alors réserve-moi une place en Enfer. ».
Les Protecteurs de Tamriel ont quand même décidé de prendre un peu de vacances. Après tout, le climat s’y prête bien. Sur la terrasse d’un café, ils discutent tous autour d’une bonne chope de bière. Un petit vent doux et agréable leur balaie les cheveux. Quentin, qui lit le journal, l’abat soudain sur la table en faisant des yeux tout ronds.
« Biggoblin s’est suicidé, dit-il.
-Hein ?! s’étonnent les autres. C’est une blague ?
-Non non. On l’a retrouvé pendu ce matin dans sa cellule. Il est enterré cet après-midi. ». Grosmanu éclate de rire.
« Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? demande acerbement Odhran. C’était ton ami, au départ.
-C’est vrai, répond le Tauren.
-Tu veux aller à son enterrement ?
-Ça se distingue que vous connaissez pas Biggo. Vraiment, il a le style de quitter de façon spectaculaire. Vénérable Biggo.
-Ah, oui, au fait, j’ai trouvé cette lettre, fait Luna en tirant un parchemin de sa poche. Elle est de lui, je vous la lis ?
-Vas-y, je pense pas que ça le gêne, maintenant. ».
Luna s’éclaircit la gorge, déplie le parchemin, et commence la lecture :
« Chère Vidya,
Le temps passe très lentement loin de toi. Je regrette de t’avoir laissée là-bas, mais je n’avais pas le choix. Quand tu liras cette lettre, cela voudra dire que j’aurai réussi. Je dois t’avouer que j’ai passé un bon bout de temps à essayer de te trouver un remède, et au moment où j’écris cette lettre, je ne l’ai pas encore trouvé. Je suppose que tu apprendras par la presse tous les actes que j’ai commis, et dont je ne suis pas très fier moi-même. Mais je veux que tu saches que si j’ai fait tout ça, c’était pour toi. Je suis sûr que tu es devenue une très belle femme, et je pense qu’il serait grand temps de te trouver un fiancé. Enfin, c’est toi qui vois, moi, je ne fais qu’approuver. Si jamais il devait m’arriver quelque chose, comme c’est souvent le cas, j’ai ordonné à Jack de revenir près de toi. Telle que je te connais, je sais que tu prendras soin de lui. J’espère vraiment pouvoir de nouveau entendre le son de ta voix.
Ton frère qui t’aime,
Biggoblin. ».
Un silence gêné s’ensuit. Silence brisé par un éclat de rire de Grosmanu.
« Ha ha ha ha ha ! Vous discerneriez vos chefs ! Oh, ça va ! Il est pas mort. Enfin, si, mais…
-Comment peux-tu rire de ça ?! demande Mickaël. Ce gars voulait sauver sa sœur de je-sais-pas-trop-quoi, et…
-Je sais.
-Tu le savais ? Et tu ne nous as rien dit ?
-Ça serait tombé dans l’œil d’un muet.
-Je… Celle-là, elle était vraiment impardonnable. ».
Deux semaines après les tristes évènements d’Eden Island, nos fougueux aventuriers retournent sur le continent. Ayant tout perdu, Princesse s’est convertie à la piraterie et a disparu au loin à l’horizon. Quint a pris sa retraite, comme il le souhaitait, et s’est retiré sur une petite île tropicale pour rédiger ses mémoires. Enfin, Calico, en bon pirate, est reparti à l’aventure, en quête de trésors et de rhum. Les Protecteurs de Tamriel se retrouvent donc à nouveau réunis, une bonne fois pour toutes, et retournent enfin chez eux. Cependant, une surprise les attend à Anvil.
En effet, alors qu’ils débarquent sur le quai, ils se rendent compte qu’une épaisse fumée noire s’élève depuis le centre de la ville. N’écoutant que leur courage, ou presque, ils se ruent dans les rues de la ville. Finalement, ils arrivent à l’origine de la fumée noire, qui se trouve être la cathédrale, en flammes et à moitié détruite. Les habitants sont attroupés autour de l’incendie.
« Qu’est-ce qui a causé ça ? demande Luna.
-Aucune idée ! répond une femme. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a encore des gens à l’intérieur !
-Oh non…
-Là-haut ! Regardez ! » s’écrie quelqu’un d’autre.
Les Protecteurs de Tamriel lèvent les yeux et aperçoivent, sur un tas de débris, une sombre silhouette féminine déployant des ailes membraneuses. Celle-ci saute gracieusement au sol, faisant ainsi s’écarter tous les gêneurs.
« Vous… fait-elle aux Protecteurs en se léchant ses lèvres rouges.
-Le succube ! Il a survécu ! s’écrie Thibault.
-C’est increvable, un démon, commente Lauriane.
-Allez Georges, fait Grosmanu, on va se griller un rôti de démon.
Les héros dégainent leurs armes : Quentin, Lauriane et Luna leurs épées, Odhran son marteau, Mickaël son épée de Lumière, Grosmanu son fusil, et Thibault Umbra, qu’il a récupérée, en tant que démoniste, pour son usage personnel.
La Créature nommée Valéria commence à battre des ailes, sa queue noire terminée d’un dard argenté s’agitant comme un serpent.
« Je suis devenue bien plus forte, lâche-t-elle.
-Mais t’es toute seule !
-Vous êtes bien des mortels terre-à-terre, pour penser que la supériorité numérique est un avantage au combat.
-Biggoblin commence à me manquer… Lui au moins, il était modeste.
-Allez, venez, je vous attends… Mes maîtres ont faim. ».